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Coopératives
Comment les coopératives peuvent conserver les clés de la souveraineté alimentaire

En s’alliant, en se rapprochant ou en fusionnant, les coopératives agricoles se dotent des moyens les plus efficaces pour répondre à leurs marchés et aux demandes sociétales. Mais cela ne suffit pas selon La Coopération agricole.

L'Union de coopératives Blétanol a été créée pour organiser la participation des céréaliers dans la société Cristanol. Ici, l'usine d'éthanol de Bazancourt.
© J.-M. Lisse / Champagne Céréales

« La taille n’est pas un objectif pour un groupe coopératif, rappelle Dominique Chargé, président de La Coopération agricole. Elle doit répondre à la logique de l’activité et aux besoins des marchés et des adhérents. » Cependant, le président estime que « beaucoup de coopératives jouent sur l’effet de taille pour compenser d’importantes pertes de rentabilité ». Il se réfère à l’étude économique réalisée en 2019 par le Haut Conseil de la coopération agricole (HCCP).

Cette étude montre que le taux de marge brute des coopératives au niveau national est passé de 53 % en 1990 à 38 % en 2018. « Ce sont 15 points de marge brute perdus en un peu moins de trente ans, s’exclame-t-il. Depuis 2013, on constate une perte continue de rentabilité et l’érosion des fonds propres. » Dominique Chargé considère aussi que « des coopératives cherchent à devenir plus fortes pour mieux valoriser leurs productions et avoir la capacité d’affronter les conjonctures difficiles ».

Établir des filières et mieux répartir les risques

Les mouvements récents ne sont pas dictés par la nécessité de grossir, mais plutôt d’établir des filières et de mieux répartir les risques. Eureden, né officiellement le 1er janvier 2021 de la fusion des coopératives d’aucy et Triskalia, se présente comme un groupe bien diversifié, prêt à jouer les synergies dans la segmentation de ses marchés et à développer ses exportations. Son projet de rapprochement avec le charcutier franc-comtois André Bazin s’explique à la lumière de la segmentation.

Le groupe Maïsadour, qui a encore vécu un exercice difficile en 2019-2020, engage la réflexion avec son concurrent Euralis sur une éventuelle union des forces dans le foie gras et le poisson fumé. Les coopératives Sicarev et Cyryo ont regroupé cet automne leurs outils de transformation du bœuf, du veau et du porc sous la même société Tradival, afin de gagner en efficacité sur les marchés des viandes de boucherie. Six organisations de producteurs de Nouvelle-Aquitaine (Cooplim, Scaap Kiwifruits de France, Sica maraîchère bordelaise, Socave, Vallée du Lot/Marmandise et Rougeline) se sont alliées cet automne, en Coo’Alliance, pour mieux approvisionner en fruits et légumes la restauration collective de la Région.

La polyvalence comme clé de résilience

La polyvalence est une clé de résilience recherchée. La coopérative normande Natup en donne un bon exemple, ayant encore prouvé sur l’exercice 2020-2021 les bénéfices de la variété des marchés. Sa filière fibres a manqué de débouchés dans l’industrie, et sa récolte céréalière 2020 était réduite. Elle présente un excédent brut d’exploitation en léger retrait à 38,8 millions d’euros (vs 41,8 M€ en 2019-2020) pour 1 138 millions d’euros de chiffre d’affaires. Mais elle note que l’ensemble de ses pôles (agriculture, distribution, légumes et fibres) y retrouve une contribution positive.

« À l’intérieur même de chaque pôle de Natup, il y a un équilibre des risques entre plusieurs marchés », commente la directrice communication et engagement coopératif, Marion Demouge. Ainsi, la coopérative distribue à ses adhérents au titre de 2020-2021 5,3 millions d’euros de ristournes et intérêts aux parts sociales, après avoir investi 19,5 millions d’euros dans ses outils.

En vue de l’élection présidentielle de 2022, La Coopération agricole exprime des souhaits sous le titre : « Produire local, agir global. Pour une souveraineté alimentaire par une croissance responsable ». Pour La Coopération agricole, la souveraineté a deux piliers : la compétitivité et la transition agroécologique. Certains souhaits exprimés regardent spécifiquement les coopératives. L’un est : « Assouplir le droit de la commande publique pour asseoir des filières alimentaires territorialisées et réorienter le droit de la concurrence pour permettre le développement de champions nationaux au service des filières ».  »

La coopération veut aussi bénéficier d’efforts de recherche pour atteindre son objectif, décidé en février 2021, d’être neutre en carbone en 2035. Selon Dominique Chargé, l’objectif est atteignable « en actionnant tous les leviers de capture de carbone, dont les forêts ». Le président de La Coopération agricole explique aussi le défi de la transition agroécologique et pourquoi il nécessite un fonds de transition : « On sort d’une période de modes de production standardisés à du sur-mesure, pour 400 000 combinaisons de situations. La transition est un long processus. »

L'avis de Christophe Bonno

La coopérative est le prolongement de l’exploitation agricole. Elle doit permettre la pérennité des exploitations en assurant aux agriculteurs des débouchés valorisés pour leurs productions et un accompagnement dans l’évolution de leurs pratiques. L’avenir de l’agriculture s’oriente de plus en plus sur le triptyque : énergie, polyculture, élevage, dans un contexte d’économie circulaire pour éviter les risques liés à la volatilité des cours et aux aléas climatiques. Mais la stratégie amont (exploitation) de la coopérative doit être différente de l’aval (industrie/distribution) et s’adapter à ses différents marchés. Les marchés de masse nécessitent une performance constante face aux leaders internationaux ou face à la concentration de nos clients distributeurs. C’est l’intérêt des alliances, soit entre coopératives ou avec des acteurs privés spécialisés dans un métier. Ces alliances existent depuis longtemps à Maïsadour, avec les coopératives voisines Vivadour, Euralis, Terres du Sud, Val de Sèvre, Terrena ou avec des acteurs privés comme Bonduelle, Ardo. C’est pour cette raison que nous avons ouvert les discussions avec le pôle gastronomie d’Euralis autour de la filière canard gras. Ce projet doit permettre de faire émerger un acteur de premier plan capable de relever les défis de la transformation et de la revalorisation de la filière et de mieux résister aux crises.

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