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Agrivoltaïsme : quelles perspectives de développement au bénéfice de l’agriculture ?

Comment se profile le déploiement de l’agrivoltaïsme en France après son encadrement par la loi d’accélération de l’énergie renouvelable promulguée en mars 2023 ? Réussir a organisé une émission sur le sujet en direct du Sommet de l’élevage le 4 octobre.


L’Etat français s’est fixé l’objectif ambitieux de multiplier par 10 d’ici à 2050 le nombre de panneaux photovoltaïques installés. Pour éviter que ce développement ne se fasse au détriment de l’agriculture, la loi d’accélération de l’énergie renouvelable (AER) adoptée en février dernier a fixé un cadre à l’agrivoltaïsme. Un deuxième épisode de l’émission Nos agriculteurs ont de l’énergie à revendre, organisé le 4 octobre au Sommet de l’élevage, a fait le point de l’essor de l’agrivoltaïsme quelques mois après.

 

Pour le développement photovoltaïque, a-t-on réellement besoin des surfaces agricoles ?

Peut-on se passer des surfaces agricoles pour déployer l’énergie photovoltaïque en France ? « Non ! C’est inévitable, on n’a pas le choix ! », répond Lucas Crouzet-Etcheverry, responsable des relations territoriales du groupe TSE. « Emmanuel Macron a parlé de 100 Gigawatts lors de son discours de Belfort. Ces objectifs vont déjà être réhaussés dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie : cet objectif de 100 Gigawatts est désormais annoncé pour 2035 », poursuit l’expert. Si TSE s’est d’abord concentré sur les toitures et les friches, « on n’a pas d’autres choix que de regarder les terrains agricoles pour atteindre nos objectifs », explique le responsable des relations territoriales du groupe TSE.

Le groupe dispose aujourd’hui d’un parc photovoltaïque de 400 megawatts, principalement des centrales photovoltaïques au sol. « Dans nos projections, le marché sera en progression de 6 à 8 gigawatts par an. On vise un quart du marché, soit entre 1,5 et 2 gigawatts par an » annonce Lucas Crouzet-Etcheverry.

Le groupe TSE projette de développer des projets agrivoltaïques de taille moyenne à travers la France, sur des parcelles proches d’un poste énergie.

Comme celui installé sur 6,5 hectares de l’exploitation agricole de Frédéric Michard, à Villefranche-d’Allier, pour une production électrique de 3 megawatts. Courant 2024, des ombrières mobiles de 2,86 m de hauteur, avec un écartement entre les poteaux de 15 m, vont être installées dans la pâture.

 

Définition de l’agrivoltaïsme, quels points juridiques restent en suspens ?

D’autres projets devraient voir le jour même si le cadre juridique de l’agrivoltaïsme reste encore à préciser. « La loi AER votée en février dernier a donné une définition partagée par tous », rappelle Blandine Thuel, du cabinet de conseil Acteagri-plus. « L’agrivoltaïsme c’est concilier sur une même parcelle une activité agricole principale et une activité de production d’énergie secondaire. Le projet agricole est au cœur des enjeux avec le soucis de répondre à des services à la fois sur : l’amélioration de la production agricole sur la qualité ou la quantité (fourrages….), les enjeux et services comme changement climatiques, aléas et bien-être animal », résume-t-elle.

Des décrets et arrêtés attendus en décembre

Elle précise que ces services devraient être précisés par des décrets, attendus en décembre, eux-mêmes suivis d’arrêtés « avec des points encore en discussion ». Par ailleurs une norme Afnor a été mise en place en grandes cultures l’an dernier, et une norme Afnor agrivoltaïsme est attendue d’ici la fin d’année.

Autre élément à préciser : la définition du taux de couverture maximal d’une parcelle agricole par les panneaux agrivoltaïques et sa méthode de calcul. « On évoque aujourd’hui entre 30 et 45% », souligne Blandine Thuel, sachant que pour l’heure pour qu’une parcelle agricole soit éligible aux aides Pac le taux de couverture ne doit pas dépasser 30%. « Ce taux de 30% va tomber avec l’arrivée du décret », précise la consultante.

 


Comment prouver le service agricole rendu par les panneaux photovoltaïques ?

L’ensemble des projets agrivoltaïques devront suivre un protocole pour justifier la synergie entre la production agricole et la production d’électricité. Ce protocole est encore en cours de discussion, souligne la consultante.

TSE indique travailler avec Inrae qui a créé un pôle agrivoltaïsme, ou encore avec l’Idele ou des coopératives.  

 

Quel contrat passer avec l’énergéticien ?

Frédéric Michard, propriétaire et exploitant de la parcelle agricole sur laquelle vont être implantés les panneaux photovoltaïques et la parcelle-témoin s’est engagé sur 40 ans avec TSE. Situé près d’un poste source d’Enedis, l’agriculteur confie avoir été contacté par 15 à 20 développeurs potentiels.

 « Le loyer est fixé par TSE sur le mégawatt, en général au bout de 20 ans on met des panneaux plus efficaces pour augmenter le loyer », explique Lucas Crouzet-Etcheverry, responsable des relations territoriales du groupe TSE. « Si l’exploitant n’est pas propriétaire le contrat est scindé avec une rémunération à 50-50 », poursuit-il.

Le plus fréquent est le bail emphytéotique avec les propriétaires avec ensuite une convention de prestation de service avec l’exploitant

La consultante Blandine Thuel explique que d’autres types de contrats existent. « Le plus fréquent est le bail emphytéotique avec les propriétaires avec ensuite une convention de prestation de service avec l’exploitant. Si le propriétaire est aussi exploitant, il faut bien les deux contrats », explique-t-elle. Des projets de baux tripartites sont aussi travaillé, poursuit-elle.

 


Qui autorise les projets agrivoltaïques ?

La loi AER stipule que les projets d’installation agrivoltaïques sont soumis à l’avis conforme de la commission départementale de préservation des espaces agricoles, naturels et forestier (CDPENAF).

Lorsque l'autorité administrative sera saisie d'une demande d'autorisation d'une installation agrivoltaïque, elle en informera le maire de la commune et le président de l'établissement public de coopération intercommunale concernés. Elle pourra aussi soumettre les installations à la constitution des garanties financières nécessaires au démantèlement et à la remise en état du site, ce qui est important notamment dans le cadre d’une transmission d’exploitation.

La CDNENAF demande la transparence sur les contrats

« Il faut que la transmission ne soit pas conditionnée au photovoltaïque, la prairie de fauche doit rester fauchable. Si le champ est cultivable, la structure photovoltaïque doit continuer de le permettre. Derrière, il faut une étude préalable agricole », explique Nicolas Rougier, Conseiller aménagement urbanisme et appui aux collectivités à la Chambre d’Agriculture du Puy-de-Dôme et correspondant AuRa auprès du Groupe National d'Urbanisme des Chambres d'agriculture Dans le Puy-de-Dôme, « il y a eu des expérimentations, plusieurs tentatives de projets alibis qui n’ont pas été acceptés » souligne-t-il.

D’un département à l’autre, la CDPENAF qui n’est pas constituée que de représentants agricoles pourrait avoir une doctrine différente.

« La CDNENAF demande la transparence sur les contrats. Et c’est une bonne conduite de s’orienter vers des contrats tripartites avec la Chambre d’agriculture ou un institut technique pour suivre le projet et veiller à la continuité agricole » souligne Blandine Thuel.

 

Quelle acceptabilité des projets et quel risque de spéculation foncière ?

« Il y a un vrai enjeu sur l’acceptabilité des projets. Chaque projet peut générer des réactions négatives » souligne Blandine Thuel. « Il faut pouvoir parler de taille acceptable des projets et de partage de la valeur ajoutée mais aussi des enjeux liés à la transmission d’exploitation, au prix du foncier », poursuite la consultante.

Il faut pouvoir parler de taille acceptable des projets et de partage de la valeur

« La question de la spéculation foncière est très prégnante. Il y a un réel risque de spéculation et de création de différences entre agriculteurs sur un même territoire », estime également Nicolas Rougier.

 

Quels conseils donner à un agriculteur intéressé par un projet agrivoltaïque ?

A tout agriculteur intéressé par un projet agrivoltaïque, Nicolas Rougier, de la Chambre d’Agriculture du Puy-de-Dôme, conseille de « réfléchir d’abord à la question agricole du projet ». « Mettrais-je cette structure même si je n’avais pas de revenu sur la partie énergie ? », voilà la question à se poser selon lui. Il est aussi important de réfléchir avec des voisins agriculteurs à des projets collectifs, communs, « d’acceptabilité plus facile ».

« L’agriculture doit prendre en compte l’ensemble de ses enjeux de production (filières, modes de commercialisation, ateliers de diversification, moyens) et se dire quel serait l’atout du projet pour sécuriser son revenu, sa production », confirme la consultante Blandine Thuel. « Si on est très clairs au niveau de sa production, il y aura toujours une solution : ombrière fixe, ombrière traqueur, serre, panneau vertical » poursuit-elle.

Le projet agrivoltaïque doit s'adapter à la parcelle et non l'inverse

« Le projet agricole doit être porté par l’exploitant. Le projet agrivoltaïque doit s’adapter à la parcelle et non l’inverse. C’est le projet du développeur qui doit s’adapter au terrain » conseille l’agriculteur Frédéric Michard. Pour sa part, c’est la sécheresse des prairies l’été dans sa région qui l’a décidé à s’engager dans l’agrivoltaisme.

« On est en mesure de s’adapter au projet agricole », indique pour sa part Lucas Crouzet-Etcheverry de TSE.

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