Photovoltaïque en agriculture
Agrivoltaïsme : « Le panneau, par son ombrage intermittent, peut améliorer le confort lumineux, thermique et hydrique des plantes »
Symbole que la filière agrivoltaïque se structure, le Pôle National Recherche, Innovation, Enseignement en Agri-photovoltaïsme regroupe des chercheurs mais aussi des entreprises privées de l'énergie solaire et des groupes d’agriculteurs. Si les premières études attestent des bénéfices des panneaux photovoltaïques sur les plantes, il reste encore à trouver l’équilibre entre efficacité agronomique et rentabilité, relate Abraham Escobar Gutiérrez, le directeur du Pôle.
Symbole que la filière agrivoltaïque se structure, le Pôle National Recherche, Innovation, Enseignement en Agri-photovoltaïsme regroupe des chercheurs mais aussi des entreprises privées de l'énergie solaire et des groupes d’agriculteurs. Si les premières études attestent des bénéfices des panneaux photovoltaïques sur les plantes, il reste encore à trouver l’équilibre entre efficacité agronomique et rentabilité, relate Abraham Escobar Gutiérrez, le directeur du Pôle.
Quel est le rôle du Pôle National Recherche, Innovation, Enseignement en Agri-photovoltaïsme ?
D’abord, je dois dire que je ne suis pas favorable au néologisme agrivoltaïsme qui ne fait pas référence à l’utilisation stricte de panneaux photovoltaïques. Aussi, je préfère le terme agri-photovoltaïsme.
Le Pôle a été officiellement lancé au salon de l’agriculture 2023 où nous avons signé un protocole d’accord, il réunit les acteurs du secteur : chercheurs, énergéticiens et aussi groupes d’agriculteurs. Notre objectif est de partager les coûts, les risques et les bénéfices de la recherche en agri-photovoltaïsme. C’est une première mondiale : tous les acteurs, qu’ils soient publics ou privés, se coordonnent pour mettre en commun des expériences et des résultats, nous sommes regardés de l’étranger. Une trentaine de projets sont en cours ou en préparation.
C’est une première mondiale : tous les acteurs, qu’ils soient publics ou privés, se coordonnent pour mettre en commun des expériences et des résultats, nous sommes regardés de l’étranger.
Malgré la jeunesse de la structure, avez-vous des résultats sur l’influence des panneaux photovoltaïques sur les plantes ?
Oui, il y a eu plusieurs thèses réalisées ces dernières années qui nous permettent de donner des premiers résultats. Par ailleurs, nous possédons à Lusignan [le siège du pôle, ndlr] des modèles mathématiques et des instruments informatiques pour réaliser des simulations. À partir d’une situation géographique, la culture concernée et la technologie des panneaux utilisés, nous sommes capables de faire des estimations sur la densité des panneaux qui optimisent la production de biomasse.
La loi de février qui définit l’agrivoltaïsme impose que les panneaux apportent un service à l’activité agricole. De quelle manière les panneaux agissent sur le développement de la plante ?
Le panneau, par son ombrage intermittent, peut améliorer le confort lumineux des plantes et leur confort thermique en faisant baisser la température. Pour se refroidir, la plante consomme l’eau du sol. En fonction du rythme qu’elle subit, elle va transpirer plus ou moins, ce qui va épuiser les réserves. Les panneaux améliorent donc aussi le confort hydrique des plantes. Or, une plante en situation confortable est plus productive. D’un autre côté, Il a été démontré par exemple sur une production de luzerne que les panneaux ont empêché les plants de geler en hiver. On a ainsi modifié la température de la parcelle, grâce à quoi la luzerne a démarré plus tôt au printemps. Les panneaux créent de l’ombre sans transpirer eux-mêmes, contrairement aux arbres et ils relarguent la chaleur emmagasinée, le soir, ce qui peut être intéressant pour les plantes car elles refroidissent moins vite.
Comment un agriculteur peut-il s’assurer que les panneaux apportent réellement un service à ses cultures ?
Tout dépend de la configuration des systèmes de panneaux. Nous travaillons pour le moment sur des projets expérimentaux sur lesquels nous avons un total contrôle. Pour les situations réelles, on a encore du travail. Chaque situation va dépendre des conditions pédoclimatiques, des cultures et des stratégies employées : panneaux au sol, à étage, orientables.
La question qui se pose est : quel système est financièrement viable ?
Comment choisir le meilleur type de panneau ? La version «tracker», c’est-à-dire orientable, paraît la mieux adaptée ?
Oui, dans l’idéal. Mais la question qui se pose est : quel système est financièrement viable ? Il faut aussi regarder le cycle de vie des panneaux. Les panneaux fixes inquiètent les agriculteurs parce qu’on ne peut pas modifier l’ombre, mais c’est la solution la moins chère car elle apporte le meilleur retour sur investissement. Le mieux serait d’aboutir à un système dans lequel on peut « effacer » les panneaux pour enlever l’ombre, mais ça va dépendre du modèle économique adopté par les énergéticiens. L’autre inconvénient avec les trackers, c’est le gros volume d’acier qu’on doit mettre dans la parcelle, ce qui peut être un frein, notamment sociétal, à leur développement. Il faut faire au cas par cas.
Est-ce que les panneaux peuvent être une réponse au réchauffement climatique ?
Soyons clair, la surface sur laquelle on va mettre des panneaux est toute petite. Les 100 GW de puissance voulus par le gouvernement représentent 0,5% de la surface agricole utile. Et on ne peut pas couvrir plus de 30% de la surface d’une parcelle. Même si les panneaux apportent réellement des bénéfices aux plantes, ils ne sont pas la solution au changement climatique, seulement un élément.
Pourquoi 30% ?
Je ne sais pas d’où ce chiffre sort. Pour ma part, je préconiserais plutôt 20-25% pour ne pas pénaliser le rendement des cultures.
Il n’y aura donc pas de modèle unique d’agri-photovoltaïsme ?
Non, car il y aura des évolutions techniques qui changeront la donne. Est-ce que l’agriculteur pourra stocker l’énergie produite pendant la journée ? Est-ce que l’agriculture va arriver à un tel niveau de robotisation ou de machines électriques que l’exploitant pourra se servir de sa propre production d’électricité ? La façon dont l’agri-photovoltaïsme va s’intégrer dans la stratégie nationale de transition énergétique va aussi être déterminante.