Qui veut encore du soja bio togolais
Le Togo est le principal fournisseur de soja bio de la France. Mais depuis la pandémie, les importations reculent, les échanges sont moins fluides avec les opérateurs. De quoi inquiéter les acteurs français de l’alimentation animale car la baisse de la production de viande bio ne signifie pas pour autant un arrêt drastique des achats.
Le Togo est le principal fournisseur de soja bio de la France. Mais depuis la pandémie, les importations reculent, les échanges sont moins fluides avec les opérateurs. De quoi inquiéter les acteurs français de l’alimentation animale car la baisse de la production de viande bio ne signifie pas pour autant un arrêt drastique des achats.
En quelques années, le Togo s'est imposé comme le premier producteur mondial de soja bio. Ce pays d’Afrique de l’Ouest exporte sa production à des acteurs de l’alimentation animale dans plusieurs pays à travers le monde dont la France. Bénéficiant d’une forte demande avec la croissance du bio, le Togo a subi de plein fouet le revers du marché de la viande bio.
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« Depuis trois ans, nous assistons à une forte baisse de la consommation de viande bio en France, donc nos besoins en nutrition animale sont en recul, entre 20 et 30 %. De fait, nos achats en soja bio baissent ce qui a permis d’alléger les tensions sur l’approvisionnement en soja bio origine Togo », indique Alain Turpaud, responsable achat bio et conventionnel. « Néanmoins, la tension sur le soja bio est toujours très forte avec une récolte en retard sur 2024. Il est encore prématuré d’estimer les volumes disponibles pour 2024/2025 ».
« Nos achats en soja bio baissent ce qui a permis d’alléger les tensions sur l’approvisionnement en soja bio origine Togo
Une production de soja bio dégradée au Togo
La filière soja bio s’est structurée au Togo il y a une dizaine d'années. « Au départ, nous n’étions que quelques acteurs engagés en bio. Les produits étaient de qualité et les prix étaient stables », se rappelle un pionnier de la filière togolaise. « L’idée était de faire une filière bien tracée avec un fort engagement en bio, d’appliquer des bonnes pratiques, créer des emplois dans les villages et être transparent avec les fournisseurs », continue notre source. « Au début, nous avancions les semences gratuitement aux producteurs. Ils nous remboursaient après la production. Du fait du nombre croissant d’acteurs sur le marché, les producteurs vendent aux premiers venus et ne remboursent plus forcément », constate-t-il. « Par la suite, de nombreux acteurs opportunistes ont rejoint la filière. Ils proposent du soja bio de moins bonne qualité à un prix plus intéressant. Ils ont fortement déstabilisé la filière », regrette notre interlocuteur. « Nous sommes inquiets pour les prochaines campagnes. Les volumes pourraient être de moins bonne qualité, les prix en baisse ».
« Au départ, nous n’étions que quelques acteurs engagés en bio. Les produits étaient de qualité et les prix étaient stables »
L’Etat togolais s’est saisit du marché du soja bio
Aujourd’hui, la donne a changé. L’Etat togolais investit aussi dans la filière soja bio, considérée comme économiquement intéressante, au détriment des opérateurs historiques. « Sur la plateforme industrielle d’Adetikope, on achète du soja bio aux producteurs. Le produit est transformé sur place. C’est un partenariat public privé qui déstabilise le marché du soja. », juge notre interlocuteur. Alain Turpaud, responsable achat bio et conventionnel explique que « depuis deux ans, l’Etat togolais souhaite transformer sa production sur place pour gagner de la valeur ajoutée ». Autre point noir, des « importations de plus en plus compliquées depuis que l’Inde est aux achats ». Il faut aussi prendre en compte le fait que « la communication et les informations sont moins fréquentes avec le Togo depuis la pandémie de covid-19 », indique le responsable achat.
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Des prix également minés par la baisse de consommation de viande bio
« Les prix ont connu un pic fin 2022 à 700 €/t en bord champ avant de s’effondrer l’année suivante à 400 € », complète notre source. « La baisse des prix s’explique par une chute de la consommation de viande bio en France. Les stocks sont en hausse et les acheteurs sont attentistes », déplore l’interrogé. Depuis le début de l’inflation, les Français ont tourné le dos à la viande issue de l’agriculture biologique.
La filière togolaise de soja bio tente de se réguler
Pour le moment, la filière togolaise résiste et essaie de pallier ces manquements.
« Beaucoup d’acheteurs ne font plus confiance à la filière »
« Au Togo, il y avait plus de producteurs de soja déclarés que d’habitants. Il y avait plus d’hectares déclarés que de superficie selon Ecocert. L’organisme de certification durable tente d’y remédier en limitant la jauge à 2000 producteurs par coopérative ou union de coopératives. Ces anomalies ne pourront plus se reproduire car Ecocert a entrepris un renforcement drastique des mesures de contrôle du respect des bonnes pratiques bio ». Toutefois, certains interrogés remarquent que « beaucoup d’acheteurs ne font plus confiance à la filière ».
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La France ne répond qu’à un tiers de ses besoins en soja bio
« La France produit un tiers de ses besoins en soja bio. Elle importe un tiers de graines bio et la même quantité de tourteau. Nous sommes donc dépendants pour deux tiers des importations en soja bio », évalue Emmanuel Réveillère, directeur technique et nutrition volaille chez Nutriciab. « La demande nationale en tourteau de soja bio est évaluée entre 100 000 et 120 000 tonnes en soja bio. C’est assez difficile à estimer », ajoute-t-il. Le soja bio n’est pas l’unique oléo protéagineux concerné par ce manque d’auto-suffisance. « Pour l’ensemble de la filière nutrition animale bio, la France importe 50 % de sa valeur protéinée », assène Emmanuel Réveillère.
« La France produit un tiers de ses besoins en soja bio »
Baisse de la production française de soja bio
La production française en soja bio a atteint « un maximum en 2021-2022 ». Autre difficulté, la filière est confrontée à « une baisse des conversions en bio, voire une déconversion. Les surfaces seront donc en baisse les années à venir », alerte Emmanuel Réveillère. Conséquence, « la production française de soja bio était d’environ 70 000 tonnes en 2022, en baisse de 25 % sur 2021. En 2023, les rendements ont été pénalisés par les conditions climatiques et la présence d’insectes ravageurs. Prévue autour de 70/75 000 tonnes la production française est ressortie à 65 000 à 70000 tonnes selon différentes sources. En 2024, le mauvais climat, la priorité donnée au tournesol devraient conduire à des rendements et des volumes à la baisse », termine-t-il.
Quelles alternatives au soja bio ?
Il existe des alternatives au soja bio « les pois et féroles sont des alternatives au soja mais les quantités disponibles sont peu importantes en France. D’autant plus que les producteurs ne dégagent pas assez de marge. La part des pois et féroles n’est que de 5 à 6 % dans le mixte de la nutrition animale contre 20 à 22% pour le tourteau de soja », fait savoir Alain Turpaud, responsable achat bio et conventionnel.