Côtes-d’Armor : pourquoi les Bretons se sont mis à produire de la vanille ?
De la vanille cultivée en Bretagne ? Mais pourquoi donc ? De la Réunion à la Bretagne, on vous raconte les origines de cette diversification pour 3 producteurs bretons et on vous dévoile quelle est la cible clients de cette vanille bretonne.
De la vanille cultivée en Bretagne ? Mais pourquoi donc ? De la Réunion à la Bretagne, on vous raconte les origines de cette diversification pour 3 producteurs bretons et on vous dévoile quelle est la cible clients de cette vanille bretonne.
Quand on parle culture de vanille, on pense plutôt aux pays tropicaux, un peu moins à la Bretagne… Pourtant pour les Maraîchers d’Armor, cette aventure a commencé en 2018. L’idée est sortie d’une réunion Innovation classique comme en connaissent les producteurs bretons réunis sous la marque Prince de Bretagne. Pierre Guyomar, maraîcher et président de la section Vanille de Prince de Bretagne raconte : « Nous avions des serres anciennes moins adaptées à la culture de la tomate aujourd’hui et nous cherchions à les valoriser avec un autre produit. Au même moment, il y avait une grosse spéculation sur la vanille de Madagascar ». En effet, à ce moment-là les cours de la vanille malgache, qui dominait le marché avec 80 % de la production mondiale de vanille, n’avaient jamais été aussi élevés. « Mais il y avait aussi une baisse de sa qualité, les producteurs malgaches récoltant les gousses avant la pleine maturité par appât du gain », se souvient Pierre Guyomar. Plusieurs pays comme l’Inde, l’Ouganda ou la Papousie-Nouvelle Guinée commençaient aussi à produire de la vanille.
Les maraîchers bretons n’étant pas à une expérimentation près, l’idée de produire de la vanille sous serre était lancée, il ne restait plus qu’à la creuser. « Nous sommes partis d’une page blanche. Jusque-là, il n’y avait d’itinéraire technique pour la culture de la vanille sous abri.Nous nous sommes renseignés sur la culture de la vanille au moyen d’internet, de vidéos, du peu de bibliographie qui existe dessus…, poursuit Pierre Guyomar, mais nous avons beaucoup été aidés par la station d’expérimentation Terre d’Essais qui a commencé l’expérimentation 6 mois avant nous ».
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Terre d’Essais est la station d’expérimentation de la coopérative Les Maraîchers d’Armor à laquelle adhèrent les 3 producteurs costarmoricains qui se sont lancés dans l’aventure de la vanille : deux d’entre eux sont installés à Paimpol, Pierre Guyomar est lui installé à Camlez.
Les plans de vanilliers in vitro arrivent de la Réunion
Terre d’Essais a fait venir par avion les plans in vitro de vanilliers de la Réunion. Il s’agit donc d’une vanille 100 % française qui pousse désormais dans les serres bretonnes. Les plans sont ensuite élevés dans la pépinière de Terre d’Essais pendant 6 à 8 mois. Pour les producteurs bretons, les premiers essais datent de 2019.
« En 2021, nous avons créé la surprise en participant au Symposium de la vanille au ministère des Outre-mer à Paris », poursuit Pierre Guyomar, une réunion organisée juste avant le salon de l’Agriculture à laquelle participent les territoires d’Outre-mer français produisant de la vanille (Tahiti, La Réunion, La Guyane…). C’est là que les producteurs bretons commencent à sympathiser et à échanger avec leurs homologues de la Réunion.
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A la Réunion, il est désormais difficile de satisfaire la demande en vanille
« Les producteurs de vanille réunionnais se trouvaient confrontés à des problèmes liés au changement climatique avec une production en baisse. Ils avaient de plus en plus de difficultés à satisfaire la demande », explique Pierre Guyomar. A la Réunion en effet, la culture rémunératrice de de la vanille (IGP depuis août 2021), est menacée par le changement climatique : réduction des rendements, développement des ravageurs, changement de calendriers des cultures…
Liane de sous-bois, le vanillier n’aime pas les températures trop fortes, ni trop faibles. Grâce à la maîtrise de la serre, « nous avons réussi à acclimater le vanillier au climat breton et nous avons obtenu nos premières fleurs en 2022 », se réjouit Pierre Guyomar. Une réussite qui a intéressé les producteurs de vanille réunionnais, la culture sous abri pouvant en effet être une solution pour eux face au changement climatique.
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Un partenariat gagnant/gagnant entre les producteurs bretons et réunionnais
Un partenariat a donc été signé l’an dernier entre la coopérative bretonne Les Maraîchers d’Armor et la coopérative réunionnaise Provanille, située à Bras-Panon au Nord-Est de l’île : les producteurs bretons aident les Réunionnais à intégrer les subtilités de la culture sous abri ; les producteurs réunionnais accompagnent les producteurs bretons sur la partie transformation de la gousse jusqu’à la vente.
Car comme le souligne le président de la section Vanille bretonne, « la réussite de la production de vanille se fait en deux temps ». Il faut d’abord réussir la culture pour les gousses vertes qui ne représente qu’un « tiers du travail » selon lui, malgré le fait que celle-ci soit « difficile et méticuleuse ». Il faut par exemple polliniser à la main, une à une, les fleurs du vanillier à l’aide d’un cure-dent, le seul insecte capable de polliniser le vanillier (l’abeille Melipona) ne vivant qu’au Mexique.
Une fois les gousses récoltées, il faut ensuite procéder aux étapes de transformation, celles qui feront passer la gousse du vert au noir et qui développeront ses arômes : échaudage, étuvage, séchage, puis affinage des gousses dans des malles spécifiques. Si les maraîchers bretons sont au point en ce qui concerne la culture, ils étaient moins familiers de la partie transformation de la gousse jusqu’à la vente. Une étape que maîtrisent en revanche les producteurs réunionnais.
La relation avec les producteurs réunionnais est qualifiée de « saine » et sans concurrence par le président de la section Vanille de Prince de Bretagne. « Eux vendent essentiellement aux touristes directement là-bas, il n’y a donc aucune concurrence entre nous », explique-t-il.
Quelle sont les clients cibles de cette vanille bretonne ?
La vanille bretonne étant un produit premium, restaurateurs et professionnels des métiers de bouche (pâtissiers, glaciers…) sont les premières cibles. L’an dernier déjà, une première récolte de « plusieurs centaines de kilos » (comme cette année) avait été commercialisée à des restaurateurs et des glaciers locaux. Ces professionnels « nous ont aidés à améliorer notre produit, dévoile Pierre Guyomar. Ils préféraient par exemple une gousse plus charnue ». Pour révéler toutes ses qualités en cuisine, la gousse de vanille doit être brune, charnue, grasse, riche en vanilline. Les restaurateurs ont trouvé dans la vanille bretonne différents arômes « de chocolat, de pain d’épices, de café et de vanille bien sûr. Les producteurs réunionnais nous ont dit qu’on avait réussi », poursuit le président de la section Vanille de Prince de Bretagne.
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Des ventes au consommateur final ?
La vente au grand public est aussi prévue, notamment pour les fêtes de fin d’année, dans les magasins spécialisés (épiceries fines, magasins de souvenirs bretons…) et pourquoi pas « vendue en en tube sur les comptoirs des glaciers par exemple. On travaille sur les packagings », précise encore le producteur. En ce qui concerne les grandes surfaces, « on ne se ferme pas la porte, confie Pierre Guyomar, mais c’est un circuit très bataillé où le prix compte beaucoup » et face à la vanille malgache, les Bretons ne feraient pas le poids. « En revanche, certains professionnels de la GMS ont eu notre vanille bretonne en main et ont conclu qu’elle était beaucoup plus intense en goût que la vanille malgache. On aura peut-être une carte à jouer là-dessus : un arôme intense avec 3 fois moins de gousse », conclut Pierre Guyomar, mais la GMS ne figure, pour le moment, pas parmi les ambitions de Prince de Bretagne. Néanmoins les producteurs bretons travaillent déjà à enrichir la gamme avec de la poudre de vanille par exemple. La coopérative bretonne tisse aussi des liens avec les producteurs de vanille tahitiens. « A Tahiti, ils commencent eux aussi à couvrir leurs vanilliers, nous avons maintenant aussi des échanges techniques avec les producteurs tahitiens », confirme Pierre Guyomar.