Aller au contenu principal

Tomate sous serre : qu'est-ce que la culture sur sol vivant ?

La culture sur sol vivant ou sol régénéré donne des premiers résultats prometteurs. Des producteurs de tomates sous serre expérimentent ce nouveau mode de production depuis quelques années.

Le sol vivant peut être disposé en andains ou contenu dans un cadre.
Le sol vivant peut être disposé en andains ou contenu dans un cadre.
© V. Bargain

Inspirée du maraîchage en sol vivant, la production de tomates sous serre sur sol vivant ou sol régénéré consiste à recréer un sol dans la serre par l’apport massif de matière organique, puis à l’entretenir pour favoriser la vie du sol et que le sol ensuite nourrisse les plantes. Les autres conditions de la serre (chauffage, calendrier de plantation, travail…) sont maintenues. La technique est surtout développée pour l’instant en région nantaise, chez sept producteurs de la coopérative Océane, sur 8 hectares.

« Nous nous sommes inspirés d’une technique canadienne, dans laquelle des tomates sont cultivées sous serre dans des bacs avec apport de vers de terre, explique Laurent Bergé, des Serres de Goulaine (Loire-Atlantique), qui a mis en place 4 hectares de tomates en sol vivant et embauché une personne à plein temps, Anaïs Brucelle, pour développer le projet. Nous avons voulu creuser le concept, pour notamment être moins dépendants des substrats et engrais minéraux dont les coûts ont beaucoup augmenté et qui pourraient venir à manquer. » D’autres producteurs s’y sont ensuite intéressés, amenant notamment la mise en place d’essais à la station Terre d’essais (Côtes-d’Armor). « Les objectifs sont multiples, explique Hervé Floury, de Terre d’essais : être plus autonome en utilisant des substrats et fertilisants produits localement, avoir des plantes plus résilientes, proposer un autre mode de culture en tomate sous serre chauffée pouvant être valorisé spécifiquement… »

Le sol n’est jamais travaillé

En pratique, le sol vivant est créé par apport massif de compost de déchets verts, bois fragmenté, déchets de culture… disposés en andains ou contraint par des longrines. Le plus souvent, un apport de vers de terre est réalisé pour activer la vie du sol (vers, bactéries, champignons…). Les plants en cubes de terreau sont plantés dans l’andain et l’irrigation est installée. Des apports réguliers de matière organique sont ensuite réalisés pour nourrir la vie du sol, complétés si besoin par des engrais. Le sol n’est jamais travaillé.

En région nantaise, le CDDM (comité départemental de développement maraîcher) accompagne depuis deux ans les maraîchers engagés dans la production sur sol vivant. « Trois de ces maraîchers produisent de la tomate en sol sous multichapelle double paroi non chauffée, précise Armelle Braud, conseillère Vie du sol-Agroécologie au CDDM. Face notamment aux problèmes de nématodes, ils ont voulu tester la plantation en sol vivant sur des andains recréés au-dessus du sol. Quatre sont des producteurs de tomates hors-sol sous serre verre chauffée. » Sous multichapelle, les producteurs observent plutôt moins de symptômes de nématodes. Sous serre chauffée, en région nantaise comme à Terre d’Essais, les résultats sont plutôt satisfaisants.

Des rendements proches du hors-sol

 

Laurent Bergé, des Serres de Goulaine, a mis en place 4 ha de tomates en sol vivant.
Laurent Bergé, des Serres de Goulaine, a mis en place 4 ha de tomates en sol vivant. © V. Bargain

Aux Serres de Goulaine, le rendement en tomate ronde atteint de 550 à 650 tonnes par hectare, contre 700 tonnes par hectare en hors-sol. « Quelle que soit la variété, les résultats sont plutôt bons, observe Laurent Bergé. L’alimentation des plantes, assurée par la dégradation de la matière organique, est toutefois moins facile à maîtriser qu’en hors-sol et moins homogène. Toutes les deux ou trois semaines, nous faisons des analyses de feuille pour connaître la composition des plantes. Nous apportons du BRF tous les quatre ou cinq mois et de la matière fraîche tous les mois pour nourrir les bactéries. Et comme les plantes sont très sollicitées en serre chauffée, nous complétons si besoin par des engrais organiques liquides. »

À Terre d’essais, les rendements approchent aussi ceux du hors-sol. Ils peuvent même être supérieurs, comme en 2022 en Cœur de Bœuf, où un écart de + 5 kilos par mètre carré a été observé en sol régénéré par rapport au hors-sol. « Cet écart est surtout lié à la moindre sensibilité du sol régénéré au « blossom end rot », à laquelle la Cœur de Bœuf est très sensible », analyse Hervé Floury. L’expérimentateur note toutefois une petite perte de précocité par rapport au hors-sol. En 2023, un écart de -1 kilo par mètre carré était observé fin mai en tomate grappe et allongée. « Le retard, lié à l’aspect plus végétatif des plants en début de culture, se comble pour partie en été », précise Hervé Floury.

Trouver l’équilibre bactéries-champignons

La technique est également satisfaisante au plan sanitaire. Les Serres de Goulaine ont une pression moins forte, voire inexistante, en botrytis et oïdium. Et la protection biologique intégrée fonctionne partout normalement. De la verticilliose a toutefois été observée aux Serres de Goulaine, mais pas à Terre d’essais. « La difficulté est de trouver le bon équilibre bactéries-champignons, analyse Laurent Bergé. En cas de déséquilibre, certains micro-organismes comme le verticillium peuvent prendre le dessus. » Le Jardin de Rabelais (Loiret) a également connu en sol vivant une infestation de punaises Nesidiocoris, liée au fait qu’il n’a pas pu nettoyer la serre aussi efficacement qu’en hors-sol.

« Une difficulté est aussi qu’en cas de virus comme le ToBRFV, il n’est pas possible de désinfecter le sol », souligne Hervé Floury. « Les plantes en sol sont davantage capables de se défendre, estime Laurent Bergé. En plus du fait que nous n’avons plus ni botrytis ni oïdium, nous n’observons pas de problèmes liés à Corynebacterium, dont les sols de la serre étaient infestés. Il n’est pas interdit de penser qu’une barrière naturelle puisse aussi s’imposer face aux virus. Nous avons tout de même planté une variété résistante au ToBRFV. » Très peu de problèmes d’adventices sont par ailleurs constatés.

 

Booster la vie du sol

Beaucoup restent toutefois à découvrir sur le fonctionnement du sol et la culture sur sol vivant. « La technique a déjà évolué, indique Armelle Braud. Au départ, des apports trop massifs de matière organique riche en potassium ont entraîné des problèmes de conservation. Depuis, nous modérons ces apports. » L’apport de matière organique est ainsi complété par des apports d’argile, la difficulté étant d’obtenir la bonne structure de sol, le bon taux de matière organique… Les producteurs et expérimentateurs recherchent aussi des indicateurs pour mesurer la vie du sol.

« Les références de biomasse microbienne établies en sol maraîcher nantais ne sont pas adaptées au sol vivant, où il y a moins de sable, plus d’argile, plus de vers de terre… », précise Armelle Braud. Une piste est aussi d’orienter la vie microbienne du sol pour favoriser les micro-organismes bénéfiques, défavoriser les pathogènes et booster les défenses naturelles des plantes. Un projet avec la région Pays de la Loire a été engagé sur la lacto-fermentation des déchets de culture, le jus de « bokashi » issu de la fermentation anaérobie des déchets étant rapporté sur le sol vivant, permettant sa fertilisation et l’apport de lacto-ferments bénéfiques.

Les plus lus

Consommation de fruits et légumes : pourquoi la Nouvelle-Aquitaine est sous la moyenne française ?

La région Nouvelle-Aquitaine, pourtant poids lourd en production de fruits et légumes frais, n’est pas la meilleure des élèves…

Achat d'une pomme au marché.
Dépense alimentaire : 5 raisons pour lesquelles elle ne va pas augmenter, selon Philippe Goetzmann

Invité par l’interprofession des fruits et légumes Interfel, l’expert des évolutions de la consommation Philippe Goetzmann a,…

Tempête Boris : le nord de l’Italie à nouveau sous l’eau, quels fruits et légumes sont touchés ?

Les syndicats italiens Coldiretti et Confagricoltura ont dressé des premières observations. Les dégâts, qualifiés d’importants…

Le sol vivant peut être disposé en andains ou contenu dans un cadre.
Tomate sous serre : qu'est-ce que la culture sur sol vivant ?

La culture sur sol vivant ou sol régénéré donne des premiers résultats prometteurs. Des producteurs de tomates sous serre…

Interfel : 4 grands chantiers à poursuivre pour le nouveau président Daniel Sauvaitre

Les deux mandats de Laurent Grandin à la présidence d’Interfel (de 2018 à 2024) ont fait basculer l’interprofession fruits et…

Pistache : pourquoi la Turquie devrait avoir une récolte record

La Turquie a elle aussi fait le pari de la pistache. Depuis 15 ans, les producteurs investissent en remplaçant leurs…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 90€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site filière Fruits & Légumes
Profitez de l’ensemble des cotations de la filière fruits & légumes
Consultez les revues Réussir Fruits & Légumes et FLD au format numérique, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters de la filière fruits & légumes