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Dépense alimentaire : 5 raisons pour lesquelles elle ne va pas augmenter, selon Philippe Goetzmann

Invité par l’interprofession des fruits et légumes Interfel, l’expert des évolutions de la consommation Philippe Goetzmann a, entre autres, expliqué à l’assemblée pourquoi il ne faut pas espérer que les dépenses alimentaires des Français augmentent. 

Achat d'une pomme au marché.
« La dépense alimentaire des Français n'a pas de raison objective d'augmenter », démontre Philippe Goetzmann.
© Pexels de Pixabay

Philippe Goetzmann était l’un des invités de l’assemblée générale ouverte d’Interfel, intervenant lors de la table-ronde « La consommation de demain et les enjeux de transition durable de la filière fruits et légumes », il a affirmé qu’il ne faut pas compter sur une augmentation de la dépense alimentaire des Français au niveau global. En voici 5 raisons. 

 

Lire aussi : Prix des pommes : « il faut encore 10 centimes au kilo pour apporter de la sérénité au verger »

 

1. La population française ne croît plus 

Philippe Goetzmann cite en premier lieu un paramètre qu’il juge tout à fait nouveau : on assiste à une stagnation de la population française. « Il y a encore 5 ans, la population française avait une petite croissance, mais elle faisait déjà le quart de celle d'il y a 15 ans. Nous sommes entrés dans une période de stagnation démographique, voire de déclin », explique-t-il. On ne peut donc pas compter sur davantage de bouches à nourrir. 

 

2. Une tension réelle du pouvoir d’achat

« La consommation, c’est toujours un arbitrage entre des désirs et des contraintes », rappelle Philippe Goeztmann. Et pour lui, la contrainte pouvoir d’achat est réelle : « la dépense alimentaire n'a pas de raison objective d'augmenter, martèle-t-il.  On est sur une tension de pouvoir d'achat pour un certain nombre de Français ». 

Il en donne la preuve par le Smic : « En 2010, il y avait 9 % des salariés du privé qui étaient au Smic ». Il y a 4 ans, ils étaient 12 %. Aujourd'hui, on en compte 18 %. « La smicardisation de la société est extrêmement rapide. Un certain nombre de Français qui étaient un peu au-dessus du Smic (entre le SMIC et + 20 à 30 % de plus que le Smic) sont rattrapés par le Smic qui augmente. Ils vivent donc une vraie paupérisation et ça se retrouve dans la consommation », estime Philippe Goeztmann. 

Depuis 2007, les produits alimentaires de grandes marques dans la grande distribution ont augmenté de 26 %. C'est-à-dire que le pouvoir d'achat du SMIC pour ces marques a augmenté 12%.

En revanche, le prix des fruits et légumes, d’après les observations des chiffres Insee faites par Philippe Goetzmann, ont eux doublé depuis 2007. C'est-à-dire le pouvoir d'achat d’une personne gagnant le Smic a baissé de 30 % en fruits et légumes ! « Il a augmenté de 12 % sur les grandes marques et baissé de 30 % en fruits et légumes », résume l’analyste. 

Et pour continuer sur le pouvoir d’achat : « Entre 1990 et 2007 le pouvoir d'achat par unité de consommation (= par personne) a augmenté de 30 % ». De 2007 (début de la crise des subprimes) à 2019, il a stagné en moyenne (« certains ont connu une augmentation et d’autres une baisse », développe Philippe Goeztmann). Depuis 2019 (année des manifestations des gilets jaunes), le pouvoir d’achat des Français a augmenté à peu près 4,5 %. On est loin des 30 % des années 90 à 2007.

Pour Philippe Goeztmann, quel que soit la politique qu'on veut mener en matière d'alimentation, « si on veut améliorer l’alimentation des Français, il faut intégrer le facteur prix. Si on n’intègre pas le facteur prix, on passe à côté du sujet »

 

3. La physionomie des ménages a changé 

Parmi les autres facteurs importants à avoir en tête, la déstructuration des ménages qui a, pour Philippe Goetzmann, « une conséquence très claire sur la consommation de demain ». C’est un fait : la taille moyenne des ménages a considérablement baissé. Pourquoi ? « Parce qu'on fait moins d'enfants, parce qu'on divorce et parce qu'on vieillit », résume Philippe Goetzmann. 

En France, selon le dernier recensement de 2020, 37 % des ménages (« c'est-à-dire des occasions de faire la cuisine chez soi », contextualise Philippe Goetzmann) sont des ménages d’une seule personne. La famille de 4 personnes de l’imaginaire collectif (les deux parents et 2 enfants) représente aujourd’hui seulement 11 % des ménages. 

Pour Philippe Goetzmann, il faut donc repenser les grammages - voire les calibres - à l’aune de la taille des ménages actuels. 

 

4. Il y a moins de gaspillage alimentaire 

Un autre paramètre auquel on ne pense pas souvent quand on parle de dépense alimentaire, c’est la lutte contre le gaspillage. Philippe Goetzmann estime que le gaspillage alimentaire représente « suivant les mesures, de 10 à 20 % de ce que les gens achètent ». Il y a des grandes différences entre ce qu'ils achètent (« c’est ce qu'on mesure quand on parle de consommation, rappelle-t-il) et ce qu'ils mangent. « Le consommateur fait de plus en plus fait attention au gaspillage alimentaire, pour des raisons écologiques d’abord, mais aussi, de plus en plus, pour des raisons économiques ». 

 

5. On mange trop 

Il ajoute aussi le fait connu de tous qu’« on mange trop » de manière générale. « On sait très bien que le premier facteur d'obésité est dû au fait qu’on mange trop », rappelle-t-il. C’est un sujet de santé publique qui ne va pas aller dans le sens d’une augmentation de la consommation, même si, dans ce cas précis, la filière fruits et légumes a sa carte à jouer. 

Si on cumule tous ces facteurs, conclut Philippe Goetzmann, « on peut penser que d'ici 10 ans, on pourra nourrir les Français avec 10 ou 15 % de volume de moins ». La dépense budgétaire dédiée à l’alimentation ne va donc pas augmenter. « Et la part de gâteau à se partager ne sera pas plus grande ». 

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