Marie Sarah Evers à l'UIVV : « les vitamines sont importantes pour la vie cellulaire de la levure lors de la vinification »
Marie Sarah Evers, doctorante à l’Institut universitaire de la vigne et du vin Jules Guyot, réalise une thèse sur la nutrition en vitamines des levures dans les vins blancs. Elle revient pour nous sur les principales connaissances sur ces éléments.
Marie Sarah Evers, doctorante à l’Institut universitaire de la vigne et du vin Jules Guyot, réalise une thèse sur la nutrition en vitamines des levures dans les vins blancs. Elle revient pour nous sur les principales connaissances sur ces éléments.
Quelles sont les vitamines présentes dans les moûts ?
Les vitamines sont des composés organiques. Il en existe deux catégories : les hydrosolubles et les liposolubles. Logiquement, on trouve essentiellement des hydrosolubles dans les moûts. Et parmi elles, surtout des vitamines du groupe B : B1 ou thiamine, B2 ou riboflavine, B3 ou niacine, B5 ou acide pantothénique, B6 ou pyridoxine, B8 ou biotine et B9 ou acide folique. Il y a également de la vitamine C, connue sous le nom d’acide ascorbique.
La vitamine que l’on retrouve en général en plus grosse concentration dans les moûts est la B6, avec 2 000 à 4 000 µg/l. Vient ensuite la B1 (environ 2 000 µg/l) puis la B3 (environ 1 000 µg/l). Les vitamines B2 et B5 sont en dessous de la barre des 1 000 µg/l. Quant aux vitamines B8 et B9, elles sont présentes en infimes quantités, inférieures à 5 µg/l.
Quel est le rôle de ces vitamines lors de la fermentation alcoolique (FA) ?
Certaines vitamines sont impliquées dans le métabolisme des levures, d’autres dans leur nutrition. Elles peuvent aussi intervenir dans les transferts d’énergie. La plupart agissent en tant que cofacteur dans les relations enzymatiques. Elles sont importantes pour la vie cellulaire de la levure, pour la structure de sa membrane, ou encore pour sa résistance au stress. À titre d’exemple, la thiamine agit comme activateur de FA, la biotine est essentielle à la croissance de la levure, à son implantation. L’effet de l’acide pantothénique est moins clair mais il apparaît comme ayant un gros impact. Enfin, la vitamine C intervient dans le caractère redox. Elle joue un rôle antioxydant, notamment lorsqu’elle est ajoutée avec du soufre.
Les taux naturels dans les moûts sont-ils suffisants ?
Il est assez difficile de se prononcer sur le sujet mais il semblerait que la plupart du temps, les besoins soient couverts. Néanmoins, les concentrations des diverses vitamines varient selon les cépages, les millésimes, etc. Je n’ai jamais trouvé de moût dépourvu de vitamines.
Les opérations de vinification ont-elles un impact sur les concentrations en vitamines ?
J’ai réalisé des essais sur trois opérations : sulfitage, filtration et débourbage. Malgré ce que l’on peut trouver dans la bibliographie, où l’on peut lire que l’ajout de soufre nuirait à la présence de thiamine, je n’ai constaté aucun impact de ces trois opérations sur les concentrations en vitamines.
Les vitamines jouent-elles un rôle aromatique ?
Il y a très peu de données sur l’intérêt aromatique ou sensoriel des vitamines. Néanmoins, la riboflavine est associée au développement des goûts de lumière, et l’excès de thiamine peut entraîner le développement d’acide acétique.
De son côté, il semblerait que la biotine favorise la production d’esters. Le lien métabolique existe, mais cela n’a pas encore été observé en pratique. Enfin, l’acide pantothénique évite la production d’H2S et d’acidité volatile.
Comment peut-on agir sur le taux de vitamines au chai ?
Il faut savoir que seuls l’ajout de thiamine et d’acide ascorbique sont autorisés au chai. La première peut parfois être en concentration insuffisante car elle est très rapidement consommée par les levures. Dans ce cas, le moût peut être complémenté, souvent de manière conjointe avec du DAP et des levures inactivées. Pour ce qui est de la vitamine C, elle est en général utilisée au moment de la mise en bouteille, afin d’éviter les chocs oxydatifs, mais est également autorisée sur vendange.
De manière générale, il n’existe pas de méthode analytique pour connaître la concentration en vitamines d’un moût sur le terrain. Nous avons dû mettre la nôtre en place. Même si son transfert vers la profession est envisagé à terme, il n’est pas encore réalisé.
voir plus loin
Un impact aussi sur la malo
De son côté, Lallemand s’est penché sur les besoins en vitamines des bactéries. Selon la firme, l’acide pantothénique, la biotine, la thiamine ou encore la niacine seraient nécessaires aux bactéries œnologiques. D’autres, sans être essentielles, contribueraient à la croissance optimale des souches, comme la riboflavine.