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Thierry Julien, président de France Vin Bio : "Il ne faut pas accepter de brader nos vins"

A la tête de France Vin Bio, l’association nationale interprofessionnelle des vins bio, Thierry Julien considère que la viticulture bio peut encore monter en puissance mais pas sans efforts sur la recherche, ni sans une garantie d’équilibre économique pour les producteurs.

Pour Thierry Julien, président de France Vin Bio, le développement de la recherche est l'un des points clés pour motiver toujours plus de conversions. © T. Julien
Pour Thierry Julien, président de France Vin Bio, le développement de la recherche est l'un des points clés pour motiver toujours plus de conversions.
© T. Julien

Vous êtes vous-même vigneron bio depuis trente ans. Quel regard portez-vous sur l’évolution de la viticulture biologique ?

Nous sommes sortis de la niche. C’est une tendance lourde. Je vois la viticulture bio comme une agriculture qui est à la pointe et qui tire le reste. De plus en plus de produits utilisés en agriculture conventionnelle ont été retirés du marché ou vont l’être. Nous, nous sommes comme un laboratoire de recherche.

La production de vin bio peut-elle se massifier ?

Nous sommes habitués à la croissance. Depuis trente ans, nous vivons une croissance à deux chiffres. Les choses sont claires : un produit bio, c’est un produit qui respecte la réglementation de l’agriculture biologique. Cette démarche de certification, elle est contraignante, mais il faut garder cette rigueur.

Sur le terrain, nous travaillons beaucoup à convaincre les viticulteurs de passer en bio car nous manquons de vin face à la demande. C’est beaucoup de pédagogie. Avoir plus de moyens pour la recherche nous aiderait. Pour aider les viticulteurs en conversion, nous souhaitons généraliser le logo CAB créé en Occitanie.

Quels sont les principaux freins à la conversion ?

Nous constatons souvent une inertie du fait de la pression familiale ou du voisinage. Il faut avoir la motivation chevillée au corps compte tenu des risques. Tout le monde ne l’a pas. Il y a un cap à passer mais les déconversions sont en fait assez rares. Il faut changer de logique et parler d’équilibre. La chimie déséquilibre. On ne gagne jamais en allant contre la nature, en polluant les sols et la nappe phréatique.

Cette logique d’équilibre est aussi économique. Si les rendements baissent, il faut mieux valoriser le vin. Accentuer les recherches sur les alternatives au cuivre est essentiel. Nous sommes sur des doses faibles mais s’il n’y a plus de lissage, ce serait un vrai frein pour certaines régions.

Le consommateur sera-t-il toujours prêt à payer plus pour un vin bio ?

Il faudra que le consommateur continue d’accepter de payer le vin bio à un prix qui rémunère justement le producteur. Mais nous sommes aussi dans une recherche d’équilibre sur les prix. Ils ne doivent pas s’envoler car il y aurait ensuite un retour de bâton. Il faut que tout le monde s’y retrouve. Et il faut bien sûr aussi que le vin soit bon. Le côté plaisir est essentiel.

Les grandes surfaces ne représentent que 19 % des achats de vins bio. Cette particularité va-t-elle subsister si le bio continue de croître ?

Les grandes surfaces n’ont pas cru au vin bio au départ. Maintenant que leur chiffre d’affaires se casse la figure, elles nous font les yeux doux. On ne peut pas refuser mais il ne faut pas répéter les erreurs des vins conventionnels et accepter de brader nos vins. Même si la production se massifie, nous devons rester sur une logique de commerce équitable, avec des discussions commerciales qui se passent de façon humaine.

La réglementation bio est-elle suffisamment exigeante ?

On demande toujours plus aux produits bio mais il ne faut pas oublier que le bio a favorisé l’exigence de traçabilité, le principe de précaution, le retour aux produits de saison et de proximité. Le fait que le bio puisse aller plus loin, nous y travaillons tous les jours : nous réduisons les doses de cuivre, nous arrivons à faire des vins avec beaucoup moins de SO2

Sur le plan réglementaire, toute évolution doit s’envisager à l’échelle européenne. S’entendre sur une réglementation commune a été un sacré combat mais aujourd’hui nous avons un socle solide. Il y a ceux qui respectent le socle et ceux qui en font un petit peu plus, mais tout le monde ne peut pas avancer en même temps comme une armée.

 

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