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Réduire les doses de cuivre en viticulture, c’est possible !

Des vignerons arrivent à employer moins de 4 kg par hectare et par an de cuivre. Qualité d’application, positionnement optimal ou encore utilisation de produits « autres » sont au programme.

Il est possible de descendre sous le seuil fatidique des 4 kg/ha/an en apportant une grande attention à la qualité de traitement et au positionnement.
© Patrick Cronenberger

Selon une enquête réalisée en Aquitaine de 2012 à 2015 auprès de 150 vignerons bio, la consommation moyenne de cuivre se situe autour de 4 kg/ha/an, avec 10 à 11 traitements. 25 % des viticulteurs se situent même au-dessous de 3 kg/ha/an. De même, « en Dordogne, en 2016, malgré une pression mildiou élevée, la dose de cuivre moyenne était de 3,28 kg/ha pour un peu moins de 10 traitements », observe Eric Maille, conseiller Agrobio Périgord.

Etre réactif, bien positionner les traitements et soigner la pulvérisation

Plusieurs facteurs permettent d’arriver à de telles doses. Tout d’abord, « il faut impérativement réaliser les traitements en préventif des pluies contaminatrices et moduler les cadences en fonction de la pression parasitaire et des conditions climatiques », prévient Ludivine Davidou, de la chambre d’agriculture de la Gironde. De plus, « la qualité de pulvérisation est déterminante », ajoute Eric Maille. Cela signifie qu’il faut systématiquement régler son pulvérisateur, même s’il est neuf. Il estime que le bon positionnement des traitements et une qualité de pulvérisation irréprochables sont les clefs pour intervenir avec des doses de cuivre entre 250 g et 450 g, même en cas de forte pression. « Et parfois, comme en 2016, il faut intervenir deux fois la même semaine pour passer ensuite deux mois sans traiter si le vignoble est sain », ajoute-t-il. « Travailler avec de faibles quantités de cuivre suppose d’être réactif pour ré-intervenir si la pression mildiou le nécessite, confirme Marc Chovelon du Grab. La forme de cuivre utilisée n’apparaît pas comme un facteur majeur de réussite même si les formes hydroxydes étant plus facilement solubles dans l’eau, elles agissent plus rapidement. »

Associer le cuivre à des produits alternatifs et complémentaires

En Aquitaine, plus de la moitié des viticulteurs ont recours à des produits complémentaires, pour accompagner la réduction des doses de cuivre. Certains produits sont associés au cuivre. C’est le cas du Limocide/Essen’ciel. Selon Vivagro, qui le commercialise, ce produit de biocontrôle à base d’huiles essentielles d’orange, permet notamment de diminuer les doses de cuivre en préfloraison. « Il est également appliqué comme antisporulant avec son effet asséchant », complète Nicolas Aveline, de l’IFV. Pour la campagne à venir, les vignerons auront également à leur disposition les produits de biocontrôle Bastid/Blason et Messager (voir page 16). Selon Jean-Baptiste Drouillard, expert vigne chez Syngenta, ces spécialités permettent de réduire les doses usuelles de cuivre d’environ 30 %. Un autre produit de biocontrôle (issu d’une structure de levure) est en cours de développement chez BASF avec également une promesse de réduction des doses de cuivre en début et en fin de protection.

Parmi les solutions alternatives et/ou complémentaires au cuivre pour les viticulteurs qui ne sont pas en bio, mentionnons également les spécialités à base de phosphonates comme le Redeli avec une réduction possible des doses de cuivre de 30 %, « en particulier en fin de saison », explique Jean-Baptiste Drouillard, ou encore la spécialité LBG chez De Sangosse.

Utiliser les bénéfices de la phytothérapie

De même, certains viticulteurs bio ont recours à la phytothérapie, « Environ un quart de nos vignerons utilisent des solutions de phytothérapie, indique Eric Maille. Cela permet de réduire un peu plus les doses de cuivre mais c’est insuffisant ». Parmi les préparations les plus testées et utilisées, celles à base de prêle, de bourdaine, de rhubarbe mais aussi les huiles essentielles de sarriette ou de prêle. « Les résultats peuvent être intéressants mais restent hétérogènes selon les régions, les millésimes, la pression », souligne Marc Chovelon du Grab. Par ailleurs, « pour toutes ces préparations qui restent artisanales, il faudra travailler avec des chimistes sur les formulations car ce sont des produits fragiles, qui se dégradent rapidement et/ou qui se mélangent difficilement comme pour les huiles essentielles », précise Nicolas Aveline.

Fructose, saccharose et silicium dans le viseur

Dans le futur, le sucre pourrait bien faire partie des produits alternatifs permettant de réduire les doses de cuivre. En effet, selon des essais réalisés de 2012 à 2015 en Savoie sur gamay, et en Indre-et-Loire sur côt (malbec) avec du fructose, « ajouté à 100 ppm à chaque traitement cuprique, il permet de diminuer les doses de cuivre de 400 à 100 g/ha sur gamay, relate Ingrid Arnault, coordinatrice du projet à l’Université de Tours. En revanche, sur côt les résultats sont plus variables d’une année à l’autre. Nous allons poursuivre nos essais en particulier sur le positionnement ainsi que sur les mélanges fructose/saccharose ». À noter que le fructose et le saccharose sont en cours d’inscription pour l’usage mildiou de la vigne.

De même, le silicium pourrait être un allié de poids. La société Jade (Belchim) travaille depuis mars 2015 sur le sujet, afin de lutter contre le mildiou, mais aussi l’oïdium. « Le silicium n’a pas d’action directe mais il bloque le signal de reconnaissance entre la plante et le pathogène, explique Wilfried Remus Borel, de l’entreprise. Nous poursuivons nos travaux avec la mise au point de formulations à libération progressive et nous envisageons d’associer cette solution avec des doses réduites de cuivre, voire des produits de biocontrôle sur lesquels nous travaillons également, ce qui permettrait de s’affranchir du cuivre. »

« J’associe le cuivre à des solutions complémentaires »

« Je suis vigneron bio depuis plus de 18 ans et mon expérience me permet de travailler à des doses très faibles de cuivre, avec une seule déconvenue concernant le mildiou sur cette période. Je commence en général assez tôt, c’est-à-dire au stade premières feuilles étalées (en raison de la problématique black-rot), à des doses de 80 à 90 g/ha, et j’atteins 250 g/ha autour de la floraison. Toutes mes applications de cuivre sont associées à des solutions complémentaires, que ce soit des huiles essentielles de citrus pour leur effet asséchant, des décoctions de bourdaine pour leur puissance fongicide ou encore des produits comme Silizinc ou Silicuivre pour booster les défenses naturelles de la plante. Jusqu’à l’an passé, cette stratégie, associée à un positionnement des interventions au plus près des épisodes pluvieux annoncés, m’a toujours permis d’atteindre le rendement de 45 hl/ha. Malheureusement, en 2016, une conjonction de facteurs très défavorables (petite grêle début juin suivie de dix jours de pluie avec 120 mm en pleine floraison) a entraîné une explosion du mildiou avec une impossibilité d’intervenir. Résultat, le mildiou a fait de gros dégâts. Le fait de ne pas pouvoir intervenir a semble-t-il été déterminant. »

André Quénard, vigneron sur 17 hectares en Savoie

 

« Conseils, rigueur et précision pour atteindre 2,5 kg/ha de cuivre »

« Pour ma première année d’installation et de conversion en bio, j’ai été confronté à une campagne compliquée sur le front du mildiou. Les recommandations de mon conseiller, avec des interventions toujours avant les pluies, m’ont permis au final de réaliser neuf traitements pour une dose totale de 2,5 kg/ha. J’ai commencé à 180 g/ha, pour atteindre un maximum de 379 g/ha au moment de la floraison. J’ai également réalisé un traitement avec la spécialité Limocide après un orage de grêle. Le positionnement très précis des interventions associé à une pulvérisation en traitement face par face après un réglage du pulvérisateur (grâce à des tests sur papiers hydro sensibles) m’a permis de maîtriser le mildiou malgré la pression et d’atteindre le rendement de l’appellation soit 54 hl/ha. »

Florent Justo, vigneron au château la Bienveillance en Gironde

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