Crozes-Hermitage part en campagne sur la température de service des vins rouges
Retrouver le réflexe de chambrer les vins, c’est-à-dire de les amener à la juste température, c’est l’appel que lancent les vignerons de l’appellation crozes-hermitage. Avec en ligne de mire la (re)conquête de consommateurs, quelque peu en froid avec les vins rouges.
Retrouver le réflexe de chambrer les vins, c’est-à-dire de les amener à la juste température, c’est l’appel que lancent les vignerons de l’appellation crozes-hermitage. Avec en ligne de mire la (re)conquête de consommateurs, quelque peu en froid avec les vins rouges.
« Des lendemains qui chambrent ». Ainsi s'intitule l'appel lancé par les vignerons de l’appellation crozes-hermitage, le 23 mai, à Paris. Signé par près de 130 caves et maisons de crozes-hermitage ainsi que par une cinquantaine de chefs, sommeliers, restaurateurs ou patrons de bars à vins, cet appel veut sensibiliser à la température de service des vins rouges.
« Les vins rouges ne sont pas souvent servis à la bonne température, c’est dommage pour nos vins », a introduit Yann Chave, vigneron et coprésident de l’appellation. « Nous faisons des vins pour qu’ils soient bus. On s’est donc emparés de cette réflexion et on a voulu s’appuyer sur un savoir scientifique », a appuyé Jacques Grange, directeur-œnologue de la Maison Delas et autre coprésident.
Des scientifiques pour une approche pédagogique
Les journalistes spécialisés et les professionnels de la filière vin présents ont pu eux-mêmes concrètement mesurer, dégustation à l’appui, combien un même vin servi à 10°C, 16° C ou 22°C est plus ou moins séduisant.
Selon la température, des phénomènes physico-chimiques sont à l’œuvre tant dans le vin que sur les papilles. Les scientifiques Marc-André Selosse, biologiste, professeur au Muséum d’histoire naturelle, spécialiste des tannins, et Gabriel Lepousez, neurobiologiste et chercheur en neurosciences, étaient conviés pour les expliquer. Et bien signifier que la température de service du vin est une chose sérieuse et pas une lubie de sommelier obsessionnel.
« La température, c’est une agitation des molécules »
« La température, c’est une agitation des molécules », a ainsi lancé Marc-André Selosse. Plus elle s’élève, plus les molécules ont « de l’énergie pour s’extraire du liquide et passer dans l’air ». Jusqu’à « se bousculer dans notre nez » avec un effet de saturation, là où un vin trop froid ne libère rien. Il a aussi détaillé l'impact de la température sur les liaisons protéines de la salive-tannins. Ces dernières étant plus stables quand le vin est froid, cela exacerbe l'astringence.
De son côté, Gabriel Lepousez a par exemple expliqué qu’à basse température, nos capteurs du sucré sont moins efficaces. La perception de l’acidité étant, elle, indépendante de la température, un vin paraît plus acide s’il est froid.
Autant de phénomènes qui conduisent donc à "défigurer" un vin servi trop chaud ou trop froid et à limiter le plaisir de sa dégustation. Les scientifiques ont rappelé que la température optimale d’un vin rouge se situe « de façon empirique, entre 14° C et 18° C ».
Faire passer le message plus largement
Un dispositif de communication se met en place pour diffuser la bonne parole dans la restauration, au-delà du cercle des sommeliers, ainsi qu'auprès des consommateurs de vin. Il est ainsi prévu un film, de courtes vidéos explicatives, un relais de l’appel sur le web, les réseaux sociaux et via des médias partenaires.
Les vignerons de crozes-hermitage voient dans la prise de conscience de l’impact de la température sur la dégustation un véritable enjeu. Les bouteilles de vin, surtout rouge, achetées aujourd’hui moins souvent mais plus chères, doivent laisser le souvenir d’une bonne expérience aux consommateurs. Faute de quoi, ils privilégieront d’autres boissons.