Comment réaliser un Pet’Nat ? Quatre vignerons dévoilent leurs recettes
Cépages classiques ou autochtones, vendange précoce ou à maturité, ensemencement par pied de cuve ou fermentation spontanée, filtration ou dégorgement. Les méthodes pour élaborer des Pet’Nat sont nombreuses et variées. Voici comment procèdent les vignerons que nous avons interrogés.
Cépages classiques ou autochtones, vendange précoce ou à maturité, ensemencement par pied de cuve ou fermentation spontanée, filtration ou dégorgement. Les méthodes pour élaborer des Pet’Nat sont nombreuses et variées. Voici comment procèdent les vignerons que nous avons interrogés.
Les pétillants naturels, ou Pet’Nat, ayant le vent en poupe, de plus en plus de vignerons innovent et proposent ce type d’effervescent dans leur gamme. Ainsi, David Notteghem et Matthieu Simon, cogérants du Domaine de Combet, à Monbazillac, en Dordogne, s’y sont essayés cette année, avec un assemblage de sémillon (90 %) et de mérille, un cépage autochtone du Sud-Ouest.
De son côté, Claire Chasselay, du domaine éponyme à Châtillon d’Arzergues, en Saône-et-Loire en produit un, exclusivement à base de gamay, depuis 2018. Le Domaine Py, à Douzens dans l’Aude, propose pour sa part un Pet’Nat à base de sauvignon et colombard depuis 2021 et les Vignobles Hubert, à Cars, en Gironde, en réalisent un à partir de cabernet franc depuis quatre ans.
Vendanges précoces et léger foulage
Si tous vinifient en méthode ancestrale et se passent au maximum d’intrant, les process sont divers et variés. À Monbazillac, par exemple, les raisins destinés au Pet’Nat sont récoltés beaucoup plus tôt que le reste. « Nous avons vendangé à la machine les deux cépages le 17 août », se remémore David Notteghem. Ils sont ensuite foulés via la pompe à marc avant pressurage. De même, dans le Bordelais, Guillaume Hubert vendange manuellement le cabernet franc environ une semaine avant celui destiné au rouge ; en même temps que les blancs.
Claire Chasselay, en revanche, ramasse manuellement son gamay en même temps que ceux destinés aux beaujolais. « Mais nous trions les raisins en trois catégories, nuance-t-elle. Les jolis mais moins mûrs partent pour le Pet’Nat, les verts ou abîmés sont éliminés, et les jolis bien mûrs vont pour le vin. » Le Domaine Py, pour sa part, vendange mécaniquement lorsque les raisins atteignent un potentiel de 12,5-13 % vol.
Pressurage direct suivi d’un débourbage statique
Tous effectuent néanmoins un pressurage direct sous pneumatique non inerté. Mais là aussi, les pratiques varient. Au Domaine de Combet, le pressurage débute à 200 mbars et monte jusqu’à 2 bars, avec une séparation de la goutte des presses assez rapidement (à partir de 800 mbars). Le programme dure environ 2 heures et contient 8 rebêchages. Dans le Beaujolais, le Domaine de Chasselay n’effectue aucun rebêchage.
Le Domaine Py et les Vignobles Hubert se situent au milieu, avec un pressurage pour blanc qui monte jusqu’à 1,6 bar et avec peu de rebêches pour le premier, et jusqu’à 1,3 bar et trois rebêches pour le second. « Nous ne prenons que les premiers jus pour le Pet’Nat », dévoile Fernando Perez, le maître de chai du Domaine Py. Selon la qualité de la vendange, le maître de chai se passe de sulfitage ou peut mettre jusqu’à 2 g/hl de SO2.
FA spontanée ou pied de cuve indigène
Guillaume Hubert laisse ensuite les fermentations se dérouler spontanément, sans pied de cuve, à 20 °C. Il met en bouteilles lorsque le taux de sucre est descendu à 25 g/l. « Selon les analyses, selon si la malo s’est enclenchée ou pas, je sulfite un peu ou pas à ce stade », dévoile-t-il. Mais il ne filtre pas, de peur d’empêcher la prise de mousse. Il stocke ses bouteilles, bouchées avec des capsules couronne, à l’horizontale et à la température ambiante du chai (15 à 20 °C) pour la prise de mousse, jusqu’à leur commercialisation. « Il y a des risques de déviations et on ne sait pas toujours si la fermentation va bien se finir, témoigne-t-il. À partir du moment où c’est en bouteille, on ne maîtrise plus rien. »
Fernando Perez l’arrête quant à lui aux alentours de 18-20 g/l de sucres résiduels, en faisant rapidement chuter la température de la cuve. Il descend jusqu’à 2 °C en 8 à 10 heures. « Durant ce laps de temps, la fermentation se poursuit un peu, note le maître de chai. Au final, il reste 15 à 20 g/l de sucres. » Il sulfite alors à 2 ou 3 g/hl.
Puis, tant lui que Matthieu Simon, filtrent les vins, grossièrement sur plaque pour le premier et sur terre pour le second. « J’ensemence alors le vin avec un lot de blanc sec en fermentation (densité à 1070), pour 2 % du volume total », poursuit Matthieu Simon. Cette année, le vin a été mis en bouteilles deux jours plus tard, le 19 septembre. Les bouteilles ont alors été conservées en position allongée, dans des box en métal, avec un petit radiateur à thermostat au milieu. « L’objectif était de conserver une température de 19-20 °C, pour que la prise de mousse se déroule correctement », indique David Notteghem.
De son côté, Fernando Perez met en bouteilles quelques jours après la filtration sur plaques. « Le prestataire réalise une filtration plus fine et bouche avec une capsule à bière, dépourvue de bidule », décrit-il. Les bouteilles sont entreposées dans des box, en position couchée, dans un local à température ambiante (18-20 °C), pour la prise de mousse. La pression est de l’ordre de 2,5 à 3 bars. « Dès que la fermentation est terminée, nous mettons les bouteilles debout et les étiquetons, afin que le dépôt se fasse dans le cul, justifie Fernando Perez. C’est plus propre. »
Remuage et dégorgement dans le Beaujolais
Un process totalement différent de celui employé par la famille Chasselay, qui laisse la fermentation s’enclencher spontanément. Elle maintient la cuve à 17 °C afin que l’opération se déroule doucement. « J’inerte un peu au gaz pour protéger le vin », complète Claire Chasselay. Lorsqu’il ne reste plus que 20 g/l de sucres, la vigneronne met en bouteille. « Parfois, je ne suis qu’à mi-vendanges, parfois c’est en décembre », relate-t-elle. Elle bouche ses bouteilles avec une capsule équipée de bidule, et les couche à plat dans des caisses palettes. Elle maintient toujours la température du local à 17 °C.
Dès la fin de fermentation, elle dispose les bouteilles sur des pupitres champenois et pratique un remuage d’un quart de tour par jour, durant vingt-cinq jours. À l’issue, elle fait appel à un prestataire qui dégorge le Pet’Nat en glaçant le goulot, puis complète les niveaux et rebouche les bouteilles, avec une pression de l’ordre de 4,5 bars.
Toutes ces cuvées sont vendues entre 11 et 13 euros départ caveau, le plus souvent sur le réseau traditionnel (restaurants, cavistes), mais aussi à l’export, comme au Japon et en Norvège pour le Domaine Py. Ce sont des vins peu stabilisés et donc à boire rapidement, mais qui séduisent les consommateurs en mal de bulles accessibles financièrement.
Comment suivre les taux de sucre ?
Claire Chasselay suit l’évolution de la concentration en sucres via la carte Fehling. Cette méthode de dosage repose sur la réduction de la liqueur de Fehling, mélange d’une solution de sulfate de cuivre et de sel de Seignette en présence de soude, par les sucres présents dans le moût ou le vin. Du côté du Domaine de Combet et du Domaine Py, le suivi s’effectue au mustimètre puis via analyse au laboratoire avant mise. Les Vignobles Hubert ont eux aussi recours à des analyses de laboratoire, mais Guillaume Hubert envisage de s’équiper d’un appareil de mesure pour suivre plus finement l’évolution des sucres.