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Les vins allégés en quête d'un avenir
Simple technique œnologique corrective ou réelle innovation aboutissant à un un produit inédit : la désalcoolisation offre les deux voies. Aux professionnels de trancher, forts des résultats d’un programme de recherche de trois ans.
Marché de niche ou débouché à part entière ? Pur fantasme d'une filière engluée dans la crise ou douces élucubrations de quelques vignerons isolés ? Une chose est sûre : les vins à teneur réduite en alcool ont fait et font encore rêver. On allait toucher à l'Eldorado. Une révolution était en marche et le grand soir de la viticulture française enfin pour demain. Il est vrai qu'au moins deux d'arguments de taille peuvent plaider en cette faveur : à commencer par la demande même des consommateurs pour des produits moins riches en alcool, prévention routière oblige mais aussi pour des raisons de santé ou de désir de mincir ; sans oublier le réchauffement climatique qui a entraîné, par exemple, chez les vins du Languedoc-Roussillon, une augmentation de leur degré alcoolique de 2° en 15 ans, comme le rappelle Jean-Louis Escudier, directeur de l'Inra de Pech-Rouge et coordonnateur du programme de recherche sur les vins à teneur réduite en alcool, lancé en 2006 et dont on va tirer le bilan. Ce programme comportait deux volets : le premier visait à corriger un excès d'alcool pour diminuer ce taux de 2 à 3°, soit par des procédés physiques type osmose inverse, soit par la recherche de variétés aptes à produire des raisins moins riches en sucre (ce qui nécessitera des expérimentations complémentaires), soit encore par le développement de souches de levures à production d'éthanol réduite ; le second volet consistait à une exploration au-delà des frontières du vin, en partant de sa définition légale (sachant qu'un produit à base de raisin est considéré comme vin si son taux d'alcool est d'au moins 8,5° ou 9° selon les régions) et de descendre jusqu'à 6°. A chaque fois, ont été étudiées les réactions du consommateur afin de connaître le rôle de la teneur en alcool sur sa perception chimio-sensorielle et son appréciation de la qualité et d'évaluer les conditions du développement du marché des vins allégés en alcool. Force est de constater qu'au terme de ces trois années de recherche, les vins à teneur réduite en alcool n'auront pas la capacité à inverser la tendance de consommation en France. « Ce qui n'est pas une surprise », estime Hervé Hannin, chargé de la partie marketing et prospective de ce programme de recherche. « L'idée géniale ou la recette miracle qui demain va permettre d'ouvrir un marché de 20 millions d'hl n'existe pas. Il n'en demeure pas moins que les vins allégés en alcool constituent une piste intéressante ». Et Jean-Louis Escudier de souligner : « en tant que chercheurs, nous avons ouvert un chantier. A chaque producteur de trouver son propre complément de gamme ». Ce qui devrait lui être facilité grâce notamment aux connaissances acquises sur le comportement du consommateur.