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Face à la crise, les Vignerons indépendants partagés entre inquiétude et combativité

Si les derniers résultats de l’Observatoire des Vignerons indépendants reflètent le climat d’incertitude dans lequel est plongé le vignoble français, le mouvement trace des pistes de résilience.

Pour développer les exportations, les Vignerons indépendants envisagent l'organisation de leur concept de salon hors de France.
Pour développer les exportations, les Vignerons indépendants envisagent l'organisation de leur concept de salon hors de France.
© Vignerons Indépendants

Pour mesurer la santé économique de leurs 7 000 adhérents, les Vignerons indépendants disposent d’un Observatoire interrogé deux à trois fois par an. La dernière vague a eu lieu en mai-juin 2024. Les répondants notent en moyenne la santé financière de leur exploitation à 5,7/10 alors qu'ils la notaient en moyenne à 7,1/10 avant la survenue de l’épidémie de Covid. Désormais plus de 45 % des entreprises Vignerons indépendants se déclarent en difficulté voire en grande difficulté, contre seulement 18 % il y a quatre ans ».

Charges en hausses et consommation en baisse

Le niveau de confiance retrouvé juste après la sortie du Covid n’a pas perduré face aux hausses de coûts engendrées notamment par le conflit Ukraine-Russie. « Puisque nous allons de la production à la commercialisation, les hausses de prix se sont ressenties de bout en bout avec, au final, des charges de l’ordre de 40 % plus chères, bien au-delà des marges des entreprises », expose Jean-Marie Fabre, président des Vignerons indépendants. « La fragilisation est multifactorielle, le niveau de fragilité économique s’aggrave depuis deux ans », alerte-t-il.

Lire aussi : La région Occitanie débloque 5 millions d’euros pour aider filière viticole

Les données financières n’ont depuis pas changé, les coûts ne baissant qu’à la marge. « Le coût salarial a continué d’augmenter sachant qu’il constitue 70 % de l’emploi viticole à temps plein du secteur », illustre le président.

Les charges, encore plus élevées qu’en 2022, n’ont pu que très peu, voire pas du tout, être répercutées au consommateur. Dans le même temps, l’inflation aggrave la tendance baissière de la consommation de vin observée depuis plusieurs années et empêche d’appliquer les hausses de tarifs nécessaires.

La pression du changement climatique

Le dérèglement climatique participe aussi au sentiment de déstabilisation économique exprimé par les Vignerons indépendants. Ils sont 62 % à voir dans le changement climatique une source de difficulté et d’inquiétude et à penser que leur avenir repose sur leur capacité à lui faire face. « La lutte et la prévention contre les aléas climatiques sont un facteur de performance et de durabilité », insiste Jean-Marie Fabre. D’où son souhait de voir les aides aux investissements pour se protéger contre les aléas se développer massivement.

Exporter le modèle du salon des Vignerons indépendants

Commercialiser à l’export est un axe prioritaire. 90 % des adhérents exportent et cela représente 23 % de leur chiffre d’affaires en moyenne. Les Vignerons indépendants misent notamment sur leur présence à Wine Paris pour gagner en visibilité auprès des acheteurs étrangers. « Les importateurs veulent avoir 5, 6, 8, 10 vignerons indépendants à leur catalogue pour se différencier. Ils ont besoin de diversité », affirme Jean-Marie Fabre. Les jeunes domaines qui n’ont pas encore de réseau peuvent accéder au stand institutionnel de 60 m2.

Pour aller encore plus loin, la fédération étudie l’exportation de son concept de salons. « On a cette ambition d’encourager les salons B to C (du professionnel au consommateur). On débutera dans quelques pays d’Europe », confie le président.

Continuer à capitaliser sur la vente directe

Mais dans un contexte où la baisse de consommation est particulièrement violente en grande distribution, les Vignerons indépendants voient dans leur modèle privilégiant la vente directe une force à cultiver. Ils ne vendent que 4 % de leur production en moyenne en grandes surfaces.

« Le vin est un produit plaisir. Le consommateur achète plus que du prix, il a besoin de s’approprier les vins créés et incarnés par des vignerons artisans. L’évolution de la consommation est un élément plutôt concurrentiel pour nous », positive Jean-Marie Fabre.

Selon lui, les achats aux caveaux résistent malgré le contexte économique, tandis que les salons retrouvent leur niveau de fréquentation d’avant Covid. « Le consommateur a souhaité revenir au contact », analyse le président des Vignerons indépendants. Il rapporte qu’en comparaison de 2022, le salon parisien de la porte de Versailles, à Paris, a gagné 11 % de visiteurs et 16 % de chiffre d’affaires. Le prix moyen de la bouteille est monté à 17 euros alors qu’il était habituellement autour de 13,40 à 14,50 euros.

À voir si la tendance se confirme lors des prochains salons dont la saison 2024-2025 débute le 10 octobre prochain.

« Nous misons sur l’œnotourisme »

Émilie Mérieau et son mari Jean-François Mérieau, Vignerons indépendants, développent le domaine Mérieau, 36 hectares à Montrichard dans le Loir-et-Cher.

 

 
Émilie Mérieau et son mari Jean-François Mérieau, à la tête du domaine Mérieau, 36 hectares à Montrichard dans le Loir-et-Cher adhèrent aux Vignerons indépendants.
Émilie Mérieau et son mari Jean-François Mérieau, à la tête du domaine Mérieau, 36 hectares à Montrichard dans le Loir-et-Cher adhèrent aux Vignerons indépendants. © Domaine Mérieau

« Nous cherchons à être le plus possible sur le terrain et à consolider nos clients actuels. Il faut être partout et ne pas avoir tous ses œufs dans le même panier. Caveau, salons, export, CHR, grande distribution… tout est bon à prendre en faisant les choses intelligemment avec des cuvées spéciales.

La vente au caveau est importante mais cette saison estivale a été très mauvaise avec une baisse de 50 % par rapport à l’an dernier alors que j’avais pris comme chaque année un saisonnier. Je ne m’y attendais pas.

Dans les périodes de crise, il faut se réinventer. Nous misons sur l’œnotourisme en développant de l’événementiel autour du vin. Nous avons aménagé une salle de réception que nous louons. Nous ciblons plutôt les entreprises que les particuliers, pour des séminaires. C’est un lancement récent mais ça nous permet de sauver les meubles.

On a une réflexion autour des cuvées en se disant que peut-être il faut en faire moins en mettant l’accent sur ce qui marche et gagner de l’énergie. Les coûts augmentent. On a modifié nos prix durant nos années de conversion en bio, mais cette année, on n’a pas pu le faire. Pour les effervescents, ça devient compliqué car les bulles ont un coût de plus en plus élevé mais on n’est pas du champagne donc doit rester dans un niveau de prix que nos clients acceptent. »

« On se nourrit des échanges avec les consommateurs finaux »

David et Laurent Siozard, Vignerons indépendants à Lugaignac en Gironde, cultivent et vinifient 60 hectares répartis sur deux domaines.

 

 
David (à gauche) et Laurent Siozard, vignerons indépendants à Lugaignac en Gironde, exploitent 60 hectares répartis sur deux domaines.
David (à gauche) et Laurent Siozard, vignerons indépendants à Lugaignac en Gironde, exploitent 60 hectares répartis sur deux domaines. © Vignobles Siozard

« La situation est compliquée à tous les niveaux. Nous essayons de travailler au maximum pour coller au marché. Même si nous sommes en période de vendanges, je vais sur le terrain en Bretagne voir nos clients parce que c’est le moment où se préparent les achats pour les fêtes. Mais on fait des choix. L’export c’est 60 % de nos ventes. J’aurais dû aller aux États-Unis car c’est un marché très important qui demande beaucoup d’investissement. Mais on a vu que ça ne valait pas le coup dans le contexte actuel. On a un maillage dans une trentaine de pays. On constate que les profils de vins qui plaisent sont différents selon les destinations. Nos importateurs sont très sollicités mais on dialogue beaucoup avec eux, on leur propose des produits qualitatifs.

On s’est engagé en bio en 2019. Depuis 2022, on n’a pas pu passer de hausse de tarif. On absorbe les coûts en rognant sur nos marges et en faisant plus de boulot. Pour réduire les dépenses et dégager du temps, on a arraché 5 hectares sur des terroirs peu qualitatifs dans le cadre du plan d’arrachage bordelais.

Lors des salons, on se nourrit des échanges avec les consommateurs finaux pour faire évoluer le profil et la gamme de nos vins. Il y a trois ans, nous avons ainsi imaginé nos cuvées Twin tchin-tchin, des vins fruités, légers, faciles à boire. Ça fonctionne très bien. Cette année, nous avons élaboré une gamme de « sans alcool » qui marche très fort, notamment à l’export. Ça a été une vraie réflexion et beaucoup de travail. On s’est lancés quand on a été confortés sur la qualité. On répond à une demande. On est dans l’adaptation permanente. Il faut avoir envie de se remettre en question. »

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