Les maladies liées aux bactéries lactiques planent sur les vins 2022
Les pH élevés du millésime 2022 risquent d’entraîner des déviations microbiologiques et notamment des problèmes de maladie de la graisse au printemps 2023. Voici comment s’en prémunir.
Les pH élevés du millésime 2022 risquent d’entraîner des déviations microbiologiques et notamment des problèmes de maladie de la graisse au printemps 2023. Voici comment s’en prémunir.
« Le printemps 2023 risque d’être explosif ; ça va être une catastrophe », prévient Philippe Gabillot, conseiller œnologue et viticole à la chambre d’agriculture d’Indre-et-Loire. Maladie de la tourne, maladie de la graisse, maladie de l’amertume, piqûre lactique… Autant de maladies provoquées par les bactéries lactiques qui risquent d’abîmer les vins.
Selon Vincent Gerbaux, œnologue microbiologiste à l’IFV, le changement climatique et la mode pour un moindre sulfitage font en effet les affaires des bactéries lactiques. « Ces microorganismes n’ont pas de problème avec les degrés alcooliques élevés, pose-t-il. Ce qui les inhibe tient en deux facteurs : le pH et le SO2. » Or les pH sont de plus en plus élevés et par ricochet, le soufre de moins en moins actif. Le contexte actuel est donc très favorable au développement des bactéries lactiques, dans toute leur diversité.
Les pétillants naturels fortement concernés
Et de fait, la maladie de la graisse est en recrudescence dans certaines zones depuis une dizaine d’années. « On voit une résurgence très nette de cette maladie, notamment sur les pétillants naturels, note Philippe Gabillot. C’est un réel souci. Chez les vignerons qui n’ont pas l’habitude de contrôler les populations de bactéries lactiques, ça va fleurir. » La maladie de la graisse est en effet due à la production de glucanes par des bactéries lactiques, du genre Pediococcus. Cela conduit à une augmentation de la viscosité du vin, d’où le nom de la maladie.
Selon le conseiller, un vin risque de développer une maladie de la graisse à partir d’un pH de 3,40 ou 3,45 pour un blanc ; et à partir de 3,70 sur rouges. Pour Vincent Gerbaux, des blancs à 3,20 ou 3,30 de pH peuvent même être touchés, notamment lors du vieillissement en barriques. Le millésime 2022 est donc fortement concerné et à surveiller de près.
Penser aux numérations de bactéries lactiques
Face à cela, Philippe Gabillot recommande d’effectuer des numérations de bactéries lactiques. « Si on atteint les 105, c’est couru qu’on va avoir une apparition de graisse, témoigne-t-il. C’est une maladie réversible, à part quand le vin est en bouteille. Mais ensuite, la maladie de l’amertume, elle, est irréversible. » Tout comme la maladie de la tourne, qui ne se développe que sur des vins à pH très élevé (4 et plus).
Pour se prémunir de ce type de problème sur vin à pH élevé, Philippe Gabillot préconise de soutirer à l’abri de l’air à plusieurs reprises, et d’acidifier, afin de descendre à 3,70 ou 3,65 sur rouge. « Cette année, tous les vins de presse seront réacidifiés » indique-t-il. Ensuite, il recommande de filtrer à l’abri de l’air.
Un lien entre bactéries et goûts de souris ?
Vincent Gerbaux met également en garde contre les piqûres lactiques (dégradation des sucres par les bactéries) et… les goûts de souris. « Ces derniers sont toujours en cours d’expertise, nuance-t-il. Mais les bactéries lactiques font partie des potentiels responsables. » Et de fait. En Alsace, Céline Testa, œnologue conseil chez Gresser Œnologie, constate que certains 2022 ont déjà des goûts de souris et des hausses de volatile, parfois préoccupantes, liées à des piqûres lactiques.
« Cela s’était déjà produit en 2020, un millésime lui aussi chaud et avec des moûts carencés en azote assimilable », observe-t-elle. Cette insuffisance d’alimentation azotée empêche les levures de se multiplier suffisamment. Les bactéries lactiques prennent alors le dessus au cours de la fermentation alcoolique. Face à cela, Vincent Gerbaux et Céline Testa recommandent un soutirage avec sulfitage et incorporation d’un pied de cuve très actif pour écraser les bactéries, ou l’ajout de lyzozyme, ce dernier fonctionnant très bien notamment surtout sur rouges.