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L’acacia, une essence en vogue dans les chais

Remis au goût du jour par les nouvelles tendances de consommation, l’acacia apporte fraîcheur et complexité aux vins sans modifier le nez. Des arguments qui séduisent de plus en plus pour valoriser les cuvées de blancs et rosés. Témoignages.

La Tonnellerie du Sud-Ouest, dans le Tarn, a mis au point une barrique en acacia spécifiquement destinée aux vins blancs. Elle apporte tension et minéralité.
© TSO

Ses ventes ont augmenté de près de 20 % en un an. Baudouin de Montgolfier, amoureux de la première heure de l’acacia, est directeur de la Tonnellerie du Sud-Ouest, dans le Tarn. Il est depuis longtemps convaincu que l’acacia est davantage adapté à l’élevage des blancs et rosés que le chêne. « La fin de l’ère Parker et le rejet du caractère très boisé par une partie grandissante des consommateurs jouent en faveur de l’acacia », explique-t-il. Difficile à travailler car cassant, l’acacia est aussi réputé dans le milieu de la tonnellerie pour abîmer les machines. Pas de quoi décourager le tonnelier qui a sillonné les forêts françaises à la recherche des bassins de production les plus adaptés à des fins œnologiques.

« La philosophie de l’acacia, c’est d’apporter structure et volume sans jamais dominer le vin », explique Baudouin de Montgolfier. Aujourd’hui, la Tonnellerie du Sud-Ouest propose deux produits à la vente, de la barrique de 225 l au demi-muid de 600 l. L’un, destiné aux blancs, apporte de la tension et révèle la minéralité. L’autre, destiné aux rosés, amène rondeur et volume, « mais pas de gras », insiste le tonnelier.

Renforcer le côté floral et apporter de la fraîcheur

Un constat que fait Jean-François Quenin, vigneron au Château de Pressac, à Saint-Émilion. Il y élabore un rosé de saignée à partir d’un assemblage de malbec et de cabernet franc en quantité anecdotique, environ 2 000 bouteilles par an. Il y a quatre ans, il décide de le vinifier en barrique d’acacia et de le laisser dans son contenant près de quatre mois, avec bâtonnages sur lies réguliers. « Je cherchais à faire quelque chose d’original, afin de surprendre mes clients qui viennent déguster au domaine. » Le résultat l’a tout de suite séduit. « Au nez, on pourrait presque penser que c’est un blanc tellement c’est floral. En bouche, il y a beaucoup de fraîcheur, de la longueur et toujours ces arômes de fleurs d’acacia» Le vigneron estime que le profil de son vin « n’a rien à voir avec ce qu’il faisait avant ». Commercialement parlant, la cuvée a su trouver son public ; Jean-François Quenin écoule son stock sans difficulté.

Autre région, autre utilisation de l’acacia. Au Domaine Montemagni, en Corse, Nadine Montemagni, vigneronne, et son œnologue-conseil, Aurélie Melleray, aiment jouer sur les essences de bois pour apporter de la typicité aux vins. Il y a une dizaine d’années, elles franchissent le cap de l’élevage en barriques sur le vermentinu. « Nous cherchions à amener de la complexité sans masquer les arômes floraux. Notre choix s’est finalement porté sur l’acacia », indique Aurélie Melleray. Après des essais peu convaincants en vinification, elles optent pour un élevage de huit à dix mois selon les millésimes, en barrique de 225 l. « L’acacia renforce les caractéristiques du vermentinu, argue l’œnologue. On obtient des vins très floraux, avec des notes de miel. Il y a plus de tension, de vivacité, et la structure est peu modifiée. » Un résultat très plaisant, qui n’empêchera toutefois pas Aurélie Melleray de conduire prochainement des essais sur du bois de merisier. « Il nous arrive de faire des assemblages à partir de différentes essences, tout dépend du millésime », livre-t-elle.

Assembler les essences pour plus de complexité

Pour Adrien Schoenheitz, vigneron au domaine alsacien éponyme, l’assemblage des essences est une évidence. Il réalise ses premiers essais en 2010 en barriques d’acacia, sur les cépages riesling et pinot gris, pour sa cuvée L’Audace. « L’apport en tanins et en composés aromatiques par rapport au chêne est largement moindre, ce qui est très intéressant sur Riesling, atteste le vigneron. Mais l’acacia pur a un côté végétal qui me gêne. » En 2016, il choisit donc de faire entrer le mûrier à hauteur de 1/5 dans l’assemblage de L’Audace. « Le mûrier marque beaucoup, il ne faut donc pas en mettre trop. Mais il vient arrondir et contrebalancer le nerveux de l’acacia », affirme Adrien Schoenheitz. Un résultat qu’il obtient après fermentation en barriques et élevage sur lies pendant six mois, avec des bâtonnages espacés.

De retour sur le pourtour méditerranéen, à Canet-en-Roussillon, où Rémi Sisqueille utilise depuis 2017 deux fûts de chêne pour un d’acacia afin d’élaborer sa cuvée Mine de Rey. « J’ai eu l’occasion de goûter des vins faits à 100 % dans de l’acacia, mais je n’ai pas été convaincu. » Grenache blanc et gris composent la cuvée, mais le vigneron du Château de Rey n’a choisi d’entonner que le grenache gris dans ses barriques d’acacia de deux vins, d’une contenance de 400 l. Le moût y réalise sa fermentation et est soutiré au printemps suivant. Côté aromatique, le résultat est là. « On obtient un vin avec des notes de fleurs blanches et un côté séveux qui nous plaît beaucoup. En bouche, l’acacia apporte du peps », témoigne Rémi Sisqueille. Un profil agréable qui constitue une vraie satisfaction, mais le vigneron n’envisage pas pour autant d’utiliser l’acacia sur toutes ses cuvées de blanc. « C’est en partie ce qui fait l’originalité de Mine de Rey », conclut-il.

L’acacia séduit aussi les microbrasseurs

L’acacia semble donc avoir encore de beaux jours devant lui. D’autant que les vignerons estiment son coût à l’achat équivalent à celui du chêne, quoique légèrement moindre. Même topo côté entretien et durée de vie des contenants : les deux essences se gèrent de la même façon. Reste à savoir si les fournisseurs seraient capables de répondre à une demande de plus en plus forte. « Il est vrai que la ressource est limitée, et que le process de fabrication est long. Tous les tonneliers ne peuvent pas intégrer cette essence dans leur chaîne de production, assure Baudouin de Montgolfier. En parallèle, les vignerons, sans le savoir, font face à une concurrence grandissante de la part des microbrasseurs et producteurs de spiritueux, notamment de gin. « Avec le rosé, ils constituent des marchés émergents qui ont une belle marge de progression, confirme le tonnelier. Ces alcools donnent de très bons résultats avec l’acacia », renchérit-il. À bon entendeur.

Avis d’expert : Hannah Fiegenschuh, œnologue-conseil, Derenoncourt consultants, en Gironde

"L’acacia fait parler le vin"

"Dans le Bordelais, nous constatons un regain d’intérêt pour l’acacia dans les itinéraires de vinification en blanc. Il me semble que ça s’explique par le fait que c’est un bois beaucoup plus respectueux que le chêne au niveau de l’apport 'boisé', car il n’est pas ou très peu chauffé. L’apport en tanins est faible, donc on ne modifie pas la structure. Par contre l’apport en termes de fraîcheur est évident. Pour moi, l’acacia fait parler le vin, dans le sens où il renforce les caractéristiques d’un cépage. Je recommande à mes clients de l’utiliser sur leurs cuvées qui sont déjà produites à 100 % en barriques, et d’en intégrer à hauteur de 15 % maximum. Utilisé seul, l’acacia étouffe un peu le vin. Ce qui est important avec les blancs, c’est de réaliser la fermentation dans les barriques et de maintenir les vins le plus longtemps possible dedans, si possible sur lies totales. D’une part car une barrique n’est jamais aussi bien conservée que lorsqu’elle est pleine, et d’autre part car cela facilite l’intégration des tanins. L’utilisation de l’acacia dans les itinéraires rouges est encore peu développée, mais je pense qu’il peut y avoir des résultats intéressants sur des cépages qui n’ont pas une masse tannique trop importante, comme le gamay ou le grenache."

 

Attention au cadre réglementaire

Les alternatifs à base d’acacia, douelles ou copeaux, sont strictement interdits dans les cahiers des charges des vins sous AOP et IGP.

Les spiritueux élaborés à partir de vin (Cognac, Armagnac etc.) ne peuvent pas utiliser de barriques d’acacia.

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