La piquette mise au piquet

Qui n’a jamais désigné un mauvais vin en employant le mot « piquette » ? Il s’agit pourtant d’un abus de langage puisque la piquette, par son procédé d’élaboration, n’est pas du vin. Obtenue par macération d’eau et de marc de raisin, elle était autrefois une boisson populaire dans le milieu viticole. Elle fut interdite en 1907 et tomba peu à peu dans l’oubli. « Aujourd’hui tout le monde connaît le mot piquette mais personne n’en a jamais goûté. C’est donc par curiosité qu’on a décidé d’en faire une micro-cuvée quand on s’est installés », explique Nicolas Fernandez, cogérant avec Maya Sallée du domaine de la Calmette, dans le Lot.

Une macération à partir de marc de malbec vinifié en grappes entières

Les deux vignerons débutent en 2016 par une quarantaine de bouteilles élaborées à partir de marc de malbec vinifié en grappes entières, complété de quelques grappes de raisins blancs. « Il y a deux façons de faire : soit on ajoute de l’eau sur du marc pressé, soit on ajoute l’eau juste après le décuvage. L’important c’est que le marc soit bien juteux », expose Nicolas Fernandez. C’est cette deuxième option qu’ils ont retenue. Et le résultat s’avère être une bonne surprise. « C’était très fruité, un peu rustique mais en même temps super rafraîchissant », poursuit le vigneron. Séduits, ils prennent contact avec le vigneron alsacien Jean-Pierre Rietsch pour parfaire leur méthode.

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Autour de 7 % d’alcool et 2-3 g/l de sucres résiduels

« On juge à l’œil, mais en gros on est autour de 40 % d’eau pour 60 % de marc », expose Nicolas Fernandez. « On cherche à atteindre environ 7 % d’alcool, parce que c’est l’équilibre qui nous semble bon », complète Maya Sallée. Les macérations ne durent que quelques jours. « Comme il y a moins d’alcool et moins d’acidité, il faut être vigilant et surveiller que ça fermente bien pour éviter les déviations microbiologiques », relève Nicolas Fernandez. Autour de 997 de densité, les vignerons embouteillent le jus saturé en CO₂, alors qu’il contient encore 2 à 3 g/l de sucres résiduels. « Par le passé, il y avait de la piqûre acétique car les piquettes étaient conservées en barrique, au contact de l’oxygène. En mettant en bouteille de suite après la fin de la fermentation alcoolique, on n’a pas rencontré de problème », indique Nicolas Fernandez.

Des douanes plus ou moins réticentes selon les régions

La piquette du domaine de la Calmette est conditionnée en bouteilles champenoises et bouchée avec une capsule. « C’est vrai que les douanes ont été un peu surprises quand on a déclaré notre production, mais ça n’a pas posé de problème. Je crois que dans certaines régions, elles sont un peu plus réticentes », commente Nicolas Fernandez qui précise payer des droits d'accise pour la commercialisation de sa piquette. Le domaine a produit 400 bouteilles de piquette en 2020, et témoigne de l’engouement des consommateurs.

« C’est une boisson patrimoniale, elle fait partie de l’histoire rurale de notre pays. Les consommateurs sont sensibles à ça. On vend tout très vite », se réjouissait Nicolas Fernandez, interviewé par Réussir Vigne en avril dernier. Malheureusement, les réjouissances ont prit fin début mai au domaine de la Calmette et chez tous les producteurs de piquette. Un contrôle de la répression des fraudes a mis fin à toute commercialisation de cette boisson, en vertu du règlement européen (UE) 1308/2013. La piquette [...] ne peut être utilisée que pour la distillation ou la consommation familiale du viticulteur", indique ce dernier. Toutes les bouteilles ont depuis été retirées de la vente.