question de vigneron
Vinification et élevage du vin : comment gérer une montée de volatile ?
Selon qu’elle apparaît durant les fermentations ou l’élevage, sur rouge ou sur blanc, les gestes à appliquer ne seront pas les mêmes pour enrayer une montée de volatile. Voici les conseils des œnologues de terrain.

« Un état des lieux analytique permet de déceler la cause et d’agir en conséquence »

En fermentation, cela commence par un état des lieux analytique de la cuve. Le problème provient-il d’un arrêt de fermentation ? D’un souci de piqûre lactique ou acétique ? D’un chapeau de marc qui a piqué ? D’un mauvais inertage ? D’un départ en malo sous marc ?
Dans le cas d’une piqûre du chapeau, le vigneron doit se demander s’il peut décuver de suite, quitte à moins extraire. Ce vin de goutte peut ensuite être passé sur le marc d’une cuve saine non épuisé, de même qualité, pour garnir un peu sa bouche. Bien souvent, dans ce cas, les presses sont malheureusement destinées à la destruction.
Autre option moins extrême, le vigneron peut analyser le jus de goutte, sentir le chapeau, et par exemple retirer les 10 premiers centimètres les plus exposés à l’oxygène, aux drosophiles et à la piqûre. Il sulfitera ensuite le marc au contact de l’oxygène et refermera hermétiquement la cuve. Il faudra dans ce cas éviter un contact prolongé entre le marc et le jus de goutte, écourter malgré tout la cuvaison et bien séparer les presses par précaution, car leur AV sera fatalement plus élevée.

En élevage, le meilleur outil dans l’urgence, c’est le SO2. C’est le produit le plus fiable et le plus rapidement efficace. La dose dépendra de la matrice et notamment du pH du vin, mais il n’y a pas besoin de 'doses de cheval', les bactéries étant assez sensibles. Il faut viser les 0,4 mg/l de SO2 actif. La seconde étape, si le vin n’est pas stable, est la stérilisation (ou du moins la réduction drastique des populations), via la filtration ou la flash pasteurisation.
Lorsque l’on souhaite faire des vins sans sulfites ou lorsque les marges de manœuvre sont minces en termes de sulfitage du fait du pH élevé des vins, l’acidification ou la baisse du pH par les techniques membranaires sont intéressantes. Il est aussi possible d’utiliser un bactéricide en complément, comme le Bactiless, qui, employé conjointement avec le SO2, permettra de contenir les populations de bactéries. On peut aussi préconiser un collage qui diminuera la charge microbienne temporairement et facilitera la filtration derrière. La régulation de la température a aussi un rôle à jouer pour freiner l’activité microbienne en général.
Ces vins fragilisés ne sont pas destinés à des élevages longs et devront être mis en bouteilles rapidement. »
« Une montée de volatile en fermentation sur rouge se règle avec un ensemencement en L. plantarum »

Sur blancs, en général, la volatile est imputable à une activité microbienne importante, avec des levures mal implantées. On ne sait pas quel micro-organisme est responsable. L’objectif est donc de sortir les micro-organismes de leur zone de confort en jouant sur le pH. Pour cela, je recommande d’acidifier (100 à 150 g/hl), de taniser avec des tanins galliques (5 à 7 g) et de légèrement sulfiter (1,5 à 2 g) simultanément. Cela permet de nettoyer la matrice.
En phase liquide, il est aussi possible de réaliser une flash pasteurisation.
Si la montée de volatile survient durant l’élevage, il n’y a pas 36 000 solutions. Il faudra sulfiter. Trop souvent, les dosages du SO2 libre intègrent les polyphénols, ce qui majore les teneurs réelles en sulfites. Et du coup, les vins se retrouvent insuffisamment protégés. De bons calculs de SO2 actif (avec un objectif proche de 0,6 mg/l), en particulier lorsque les températures remontent, permettraient bien souvent d’éviter des hausses de volatile.
Sur les vins sans sulfites, en cas de problème, je conseille d’utiliser un mélange de chitosane et d’écorces de levures, le Bactiless Nature, à raison de 30 à 50 g/hl. C’est efficace.
Enfin, pour éviter les montées de volatile au conditionnement, il faut filtrer à moins de 0,45 ou sur tangentiel. »
« En élevage, il faut soutirer et sulfiter en veillant à ce que le SO2 actif soit suffisant »

En élevage, la plupart des montées sont dues soit à une négligence du viticulteur, mais c’est assez rare, soit à une chambre à air de garde à vin qui s’est dégonflée. Dans ce cas, il n’y a pas grand-chose à faire. Il faut soutirer et nettoyer de suite, sulfiter et avoir une hygiène rigoureuse. Il est très important de mettre suffisamment de SO2 libre pour qu’il y ait assez de SO2 actif. Avec les pH de plus en plus élevés, il faut viser un libre de 30 pour être toujours protégé. »