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Distinguer sa cuvée avec une macération carbonique

Pour limiter l’extraction des tanins ou booster le fruit, par exemple lors de millésimes de qualité hétérogène, la macération carbonique peut être une solution adaptée à plus de cépages qu’on ne le pense. Voici trois exemples.

Les fermentations spontanées sont possibles en macération carbonique, à condition de les déclencher à l'aide d'un pied de cuve préparé quelques jours avant la récolte.
Les fermentations spontanées sont possibles en macération carbonique, à condition de les déclencher à l'aide d'un pied de cuve préparé quelques jours avant la récolte.
© A.Tassin

Conséquence du gel d’avril dernier, le millésime 2021 sera marqué par l’hétérogénéité. C’est donc peut-être l’année pour s’essayer à la macération carbonique, technique emblématique des vins primeurs, aussi connue pour masquer une légère sous maturité. En Occitanie, cette méthode a permis de réhabiliter le carignan, un cépage aux tanins parfois durs et âpres. Et ce n’est pas Mathieu Chatain, ni sa femme Diane de Puymorin, du château d’Or et de Gueules, dans le Gard, qui diront le contraire. « La quintessence de nos vieux carignans s’obtient par une macération carbonique de deux à trois semaines », affirme Mathieu Chatain.

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Des carignans aux tanins souples dans le Gard

La recherche du fruit n’est pas la motivation première des deux vignerons. Ce qu’ils veulent, c’est limiter l’extraction des tanins, et les assouplir. « La base, c’est d’avoir des raisins en parfait état sanitaire, avec un pH autour de 3,50 pour limiter le développement des bactéries », indique Mathieu Chatain. En bio et biodynamie, le vigneron réalise un pied de cuve quelques jours avant la vendange. Un indispensable pour le vigneron adepte des fermentations alcooliques (FA) spontanées. « Avec la carbo, il faut que ça démarre tout de suite », insiste-t-il. La cuve béton de 50 hl servant à la vinification est remplie jusqu’en haut, et saturée en CO2. « On a des drapeaux au cas où il faudrait chauffer, mais on a rarement eu besoin de le faire. La FA se fait entre 25 et 27 °C », expose le Gardois. Tous les jours ou presque, il contrôle l’acide malique, et surveille l’état sanitaire de sa cuve pour détecter un éventuel début de piqûre lactique. « On ne veut surtout pas que la malo se fasse en même temps que la FA. Comme les baies sont intègres, l’avancement de la FA est trop hétérogène. La présence de bactéries alors qu’il y a encore du sucre, c’est un risque énorme. Dès qu’on a la moindre suspicion, on décuve », rapporte-t-il. Que la carbo soit écourtée ou non, Mathieu Chatain utilise un cycle de pressurage à 1 bar. Les presses et les gouttes sont séparées et finissent leurs sucres en cuve. Une fois que les vins sont secs, ils sont entonnés et alors seulement, la malo peut commencer. Une année, le vigneron et sa femme ont tenté l’expérience sur syrah. Mais la carbo n’a pas su les convaincre. « C’est par les maturités qu’on va chercher le fruit sur ce cépage, pas par la technique de vinification. Il y a aussi moins de problématiques de tanins qu’avec le carignan. On a trouvé que le pigeage donnait un meilleur rendu. »

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Un merlot frais et croquant dans l'Hérault

Plus à l’Ouest, à Fabrègues dans l’Hérault, le domaine de Mirabeau a lancé en 2020 une cuvée issue d’une macération carbonique de merlot. À l’origine, le but était simplement de « se faire plaisir » et d’apprendre une autre méthode de vinification sur ce cépage à la pellicule épaisse qui contient beaucoup de rafles. « C’était censé être une cuvée éphémère mais vu son succès, on va la reconduire. Et augmenter les volumes », se réjouit Jean-Charles Thibault, le vigneron. « Ça fait un vin d’apéro qui correspond au goût actuel. C’est moins tannique qu’un merlot traditionnel, plus frais, plus croquant. On a une vraie demande de nos clients, surtout particuliers, pour ce style de vin. » Les raisins sont récoltés en légère sous maturité, une semaine avant ceux vinifiés traditionnellement. Comme au château d’Or et de Gueules, Jean-Charles Thibault réalise un pied de cuve d’environ 1 hl quelques jours avant la vendange. Il l’insère dans la cuve de 15 hl la veille de la récolte afin de la saturer en gaz carbonique. « Lorsque la cuve est pleine, je fais un remontage pour homogénéiser et lancer la FA », détaille le vigneron. La macération carbonique dure une dizaine de jours. « Lorsque la densité ne bouge plus trop, autour de 1050, je décuve », témoigne-t-il. Il mesure une fois par semaine la montée de volatile. À l’inverse de ses confrères du Gard, Jean-Charles Thibault tolère que FA et malo s’effectuent en même temps. « Si les levures sont bien actives, il n’y a pas de soucis », assure le vinificateur. Lorsque les gouttes et les presses ont moins de 10 points d’écart de densité, il les réassemble juste après le pressurage. Sinon, elles sont réassemblées une fois les sucres achevés. Pour « conserver la fraîcheur du fruit », l’embouteillage se fait au mois de février suivant la récolte, pour une consommation suggérée dans les deux à trois ans.

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Une semi-carbo de pinot noir pour un champagne à la couleur « provocante »

Dans l’Aube, les champagnes Fumey-Tassin proposent une cuvée rosée faite à partir d’une macération semi-carbonique de pinot noir. « L’esprit de la maison, c’est de faire des champagnes à consommer pendant le repas. Pour le rosé, on veut qu’il soit provocant, tant par sa couleur que par ses arômes, et qu’il ait du répondant côté tannique », commente Arthur Tassin, le vigneron. Il estime par ailleurs que la semi-carbo confère à cette cuvée un potentiel d’évolution intéressant. « D’une dégustation à l’autre, ce n’est pas le même fruit rouge qui s’exprime », assure-t-il. Sur des vignes « pas exceptionnellement chargées », consigne est donnée aux coupeurs de ne prendre que les grappes les plus mûres et les plus saines. Dans une cuve inox de 30 hl, le vigneron met 80 % de raisin en grappes entières et 20 % de raisin foulé et éraflé. « Les baies éclatées déclenchent la FA. Puis, on fait un remontage une à deux fois par jour », indique Arthur Tassin. La macération ne dure que trois à quatre jours (d’où le « semi »-carbonique). « On décide de décuver en fonction de la couleur », indique le champenois. Le pressurage, à basse pression, dure en moyenne une heure contre plus de 3 heures sur les autres cuvées. La cuvée sera par la suite élevée 24 à 36 mois en bouteille.

Par le profil atypique que donne au vin la macération carbonique, de nouvelles opportunités de marché peuvent s’ouvrir. C’est en tout cas ce que rapporte Arthur Tassin, qui compte parmi ses clients des consommateurs habituellement peu amateurs de champagne rosé.

"Ensemencez avec des lactobacilles en deux ou trois temps"

Daniel Granès, directeur scientifique à l’ICV © ICV

« Tous les cépages se prêtent aux macérations carboniques à part peut-être ceux qui ont une pellicule très fine. Avant de se lancer, il faut accepter le fait que la macération carbonique modifie le style habituel des cépages. Sa réussite repose en grande partie sur la capacité à monter vite en température, autour de 30 °C, et de la tenir pendant plusieurs jours. Le risque microbiologique est bien sûr très élevé, c’est pourquoi je conseille de levurer avec des LSA sélectionnées pour leur capacité à résister à des températures élevées. Les cuves béton ont une meilleure inertie que l’inox ou l’époxy et sont à privilégier. Un traitement préventif au chitosane est aussi une solution pour limiter le développement des bretts en l’absence de sulfitage. Il faut compter en général quatre à sept jours pour que l’ensemble de la cuve soit en macération carbonique. Pour éviter les piqûres lactiques, je recommande d’ensemencer avec des lactobacilles en deux ou trois temps : à l’encuvage, au bout d’une semaine et au décuvage."

 

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