[Effervescents] Des vins sur mesure grâce à la prestation
Sous-traiter l’élaboration des effervescents est la norme lorsque les volumes envisagés ne justifient pas un investissement. Au domaine ou sur un site spécialisé, les deux grands modèles de prestation qui existent garantissent un vin « sur mesure ».
Sous-traiter l’élaboration des effervescents est la norme lorsque les volumes envisagés ne justifient pas un investissement. Au domaine ou sur un site spécialisé, les deux grands modèles de prestation qui existent garantissent un vin « sur mesure ».
Voilà près d’un siècle que la société Rivarose, dans le giron du groupe Veuve Ambal depuis 1998, produit des vins effervescents à façon sur son site de Salon-de-Provence, dans les Bouches-du-Rhône. « La cuve close représente environ 50 % de notre chiffre d’affaires, la méthode traditionnelle représente 40 % et la gazéification 10 % », indique Loïc Mairesse, le directeur commercial.
Pour ce dernier, outre le prix, c’est surtout le marché auquel se destine le vin qui définit la méthode d’élaboration la plus adéquate. « La gazéification est adaptée aux produits très saisonniers, vendus l’été. La cuve close est très demandée à l’export alors que la méthode traditionnelle convient davantage aux producteurs qui ont un caveau de vente directe », expose le responsable commercial.
Il est possible de faire appel au service de Rivarose pour un volume vinifié de minimum 12,5 hl. À ce volume, il faut compter autour de 2,50€/ col pour une gazéification, 3€/col en cuve close et 3,50 €/col en méthode traditionnelle, pour un produit prêt à être commercialisé.
Un paiement au prorata des palettes retirées
Les clients fournissent soit les moûts, soit les vins de base stabilisés. Consciente que les caves qui font appel à ses services ne se situent pas dans une zone traditionnellement productrice d’effervescents, Rivarose a mis au point un cahier des charges pour l’élaboration des vins de base. « L’idée est de leur donner les points clés pour produire des vins autour de 11 % vol. avec une bonne acidité », développe Loïc Mairesse.
Le client peut choisir de réaliser la prise de mousse chez lui avec les formats de bouteilles validés par Rivarose, et de solliciter la société pour dégorger. Une fois le dégorgement effectué, les vins sont conditionnés selon les directives du client. « Nos machines sont compatibles avec 12 formats de bouteilles, que nous achetons en volumes suffisamment grands pour pouvoir les revendre à des prix très compétitifs », stipule le responsable.
Enfin, le négociant-élaborateur offre à ses clients la possibilité de récupérer les palettes contenant leurs vins en méthode traditionnelle dans un délai de trois ans, et de ne payer qu’au prorata des quantités retirées.
Il existe toutefois un inconvénient majeur dans le fait de sous-traiter hors site l’élaboration de son effervescent. « J’ai croisé des clients à Millésime bio qui ne proposaient pas leurs effervescents sur leur stand, relate Loïc Mairesse. En les questionnant, j’ai compris que le fait de ne pas les vinifier eux-mêmes les empêchait de trouver les bons arguments de vente. »
Depuis septembre dernier, Rivarose propose donc tous les trois mois des formations gratuites pour aider ses clients à se réapproprier leurs vins. « Certaines IGP méditerranée effervescentes en méthode traditionnelle se vendent en Paca entre 14 et 18 €. Ce serait quand même dommage de ne pas profiter de ce marché qui affiche une croissance à deux chiffres ! », argue Loïc Mairesse.
Plus de facilité à trouver du petit matériel de dégorgement
Cette situation ne semble pas exister lorsque le prestataire se rend au domaine pour effectuer les différentes étapes de l’élaboration d’un effervescent. Le laboratoire de conseil œnologique IOC, basé à Épernay, en Champagne, propose de réaliser sous cette forme de prestation, des effervescents via la méthode traditionnelle. « C’est surtout pour le tirage que les clients font appel à nous, car cela nécessite un très gros investissement pour des machines qui ne servent qu’une à deux fois par an », explique Philippe Narcy, œnologue et responsable de l’agence IOC de Bar-sur-Seine dans l’Aube.
Car les machines utilisées pour le tirage ne sont pas polyvalentes ; il est impossible de s’en servir pour une mise en bouteille classique. « L’offre en petit matériel de dégorgement est plus vaste, il existe des machines semi-automatiques qui fonctionnent très bien », développe le directeur d’agence. Comme cette étape ne se fait pas vraiment dans l’urgence, les vignerons dégorgent dès qu’ils ont un peu de temps, ce qui justifie qu’ils s’équipent plus facilement. « Ce que nous pouvons faire en une journée, les vignerons le feront en une semaine avec du petit matériel », mentionne toutefois Philippe Narcy. Sous-traiter cette étape dépend donc des volumes vinifiés et des délais dont on dispose avant le début de l’élevage ou la mise en marché.
Planifier le chantier de dégorgement avant les vendanges
Avec la prestation sur site, la planification du travail dans le temps est indispensable. Le jour du tirage, les vins doivent être stabilisés, et la liqueur de tirage doit être prête à l’emploi. Il conviendra aussi de préparer la liqueur d’expédition en amont du chantier de dégorgement. Les machines pour cette étape ont une cadence bien moindre que celles utilisées pour le tirage : jusqu’à 2 200 bouteilles à l’heure contre 12 000 bouteilles à l’heure pour le tirage.
Mieux vaut donc anticiper cette étape. « La forte période d’activité pour le dégorgement a lieu entre avril et fin juin, déclare-t-il. Nous conseillons donc à nos clients de réserver leurs créneaux avant les vendanges. » Les caves qui produisent moins de 30 000 bouteilles pourront toutefois raisonnablement espérer obtenir un créneau sous dix jours.
Une bonne traçabilité
Pour répondre aux inquiétudes concernant leur impact sur la qualité des vins, ces opérations bénéficient d’un contrôle strict par le prestataire. « Nous utilisons des fiches d’exécution qui implique que tel paramètre doit être vérifié toutes les 500 ou 1 000 bouteilles », indique le responsable d’agence. Ces fiches sont fournies au client qui peut en disposer pour son suivi de traçabilité.
Il faudra compter 40 €/1 000 bouteilles pour le tirage et 160 €/ 1 000 bouteilles pour le dégorgement, pour une prestation en région champenoise. Côté format de bouteilles, le parc de machines disponibles en prestation chez IOC est en train d’évoluer pour répondre « à une demande de plus en plus spécifique ».
Avis d’expert : Dominique Furlan, président de la cave Louis Vallon à Saint-Pey-de-Castets, en Gironde
" Un crémant coûte cher à produire"
Nous sommes producteurs de crémant de Bordeaux depuis la création de l’AOP en 1991. Au départ, nous ne faisions que les vins de base, mais dès 1995, nous avons commencé à élaborer nos crémants dans nos caves, en faisant appel à un prestataire pour le tirage et le dégorgement.
Cette décision est venue du besoin de s’approprier le produit, de l’envie de maîtriser le process. Petit à petit, nous avons augmenté nos volumes jusqu’à atteindre un palier. Il nous a alors fallu investir. En 2016, nous avons donc acheté une ligne entièrement automatisée pour la réception des raisins, avec chaîne de convoyage automatique, ainsi que trois pressoirs pneumatiques.
Cet investissement, d’une valeur de 3 millions d’euros, nous permet aujourd’hui de réceptionner 300 t de raisin par jour. Il nous a permis de faire un bond qualitatif énorme et de mieux organiser notre chantier de vendanges.
En 2020, l’UG Bordeaux, l’union de cave coopératives à laquelle nous appartenons, va ouvrir un site industriel sur lequel sera centralisé tout l’atelier d’élaboration des effervescents. Aujourd’hui, nous élaborons 300 000 bouteilles sur site, nos bâtiments sont saturés, et on atteint la limite maximum concernant la main-d’œuvre disponible.
Pour augmenter nos volumes, il nous faut automatiser au maximum. Sur le nouveau site, Louis Vallon contribuera à l’investissement à hauteur de 500 000 € pour l’achat de deux robots qui serviront à l’emboxage et au déboxage. Il n’est pas impossible que nous développions une activité d’élaborateur pour le compte d’autres caves, même si ce n’est pas la priorité.
Le cahier des charges de l’AOP imposant une récolte manuelle, je déconseillerais à ceux qui n’atteignent pas un rendement d’au moins 65 hl/ha de se lancer. Il faut compter en moyenne 2 500 €/ha pour le ramassage manuel, sans oublier que les crémants sont élevés pendant au moins douze mois. C’est un vin qui coûte cher à produire. »