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Des ombrières dans la vigne, pour lutter contre la chaleur

Convaincus par un premier essai, les Vignobles Alain Brumont, à Maumusson-Laguian, dans le Gers, viennent de planter des chênes fastigiés dans l’une de leurs parcelles, afin de procurer de l’ombre à leurs vignes.

Des rangées d'arbres ont été plantées au sein de la parcelle, avec un mélange d'espèces mellifères et autochtones et chênes fastigiés créant à terme un ombrage sur la vigne.
Des rangées d'arbres ont été plantées au sein de la parcelle, avec un mélange d'espèces mellifères et autochtones et chênes fastigiés créant à terme un ombrage sur la vigne.
© C. de Nadaillac

Maintenir la vigne à l’ombre pour lutter contre le changement climatique, il fallait y penser. Les Vignobles Alain Brumont l’ont fait. C’était il y a une trentaine d’années. « Je suis parti du fait que je voulais planter des blancs dans les pentes, là où il y a des cailloux et où il fait donc chaud », déroule Alain Brumont, à la tête des châteaux Montus et Bouscassé, à Madiran. L’objectif était donc de rafraîchir les vignes, afin de produire des blancs bien frais, avec une bonne acidité. « J’ai eu l’idée de planter des arbres », poursuit le vigneron.

 

 
Il y a une vingtaine d'années, Alain Brumont a implanté dans son jardin des chênes fastigiés à 1,80 m des vignes afin de réaliser un test d'ombrage.
Il y a une vingtaine d'années, Alain Brumont a implanté dans son jardin des chênes fastigiés à 1,80 m des vignes afin de réaliser un test d'ombrage. © C. de Nadaillac
En parallèle de cette réflexion, Alain Brumont trouve des terroirs adaptés à ses blancs et délaisse l’idée des ombrières grandeur nature. Mais il décide de les implanter dans son « jardin », parsemé de vigne. Il recherche alors des arbres avec une forte capacité mycorhizienne, tels que « des chênes, et non des peupliers », insiste-t-il. Il se tourne donc vers des chênes pédonculés fastigiés, ou Quercus robur fastigiata, qui ont un port droit et bien érigé. Ces arbres héliophiles ont un développement rapide et atteignent environ 15 mètres de haut. Ils ne demandent que peu d’entretien. « Nous avons juste coupé les branches les plus basses », se réjouit le vigneron. Trente ans plus tard, les chênes sont magnifiques et les vignes plantées à 1,80 m de là sont en pleine santé.

 

Une alternance de chênes fastigiés et d’espèces autochtones

Fort de ces résultats, cet hiver, Antoine Veiry, responsable technique des domaines, a replanté une parcelle de 2,30 hectares de tannat, dans cette optique agroforestière. Sise dans un cirque et orientée plein Est et plein Sud, la parcelle a été découpée en îlots, plantés dans le sens de la pente à 8 000 pieds par hectare. Avec au total quatre rangées d’arbres écartées des vignes de 2,50 m et implantées tous les 20 rangs de vigne. Les bandes d’arbres prennent environ 6 m de large. « J’ai dû sacrifier l’équivalent de 50 ares, ce n’est pas grand-chose », estime Antoine Veiry. Au centre de la parcelle, 8 rangs ne recevront pas d’ombre, afin de servir de point de comparaison.

 

 
Une ombre qui varie au fil de la journée
Une ombre qui varie au fil de la journée © Source : Vignobles Alain Brumont
Chaque rangée est constituée de chênes fastigiés écartés de 15 mètres les uns des autres, et d’arbres nourriciers. « Ce sont des espèces mellifères et autochtones, telles que du fusain d’Europe (Euonymus europaeus), du noisetier (Corylus avellana), de l’aubépine (Crataegus monogyna), de la bourdaine (Rhamnus frangula), du charme (Carpinus betulus), du cornouiller sanguin (Cornus sanguineum), de l’érable champêtre (Acer campestris) ou encore du troène commun (Ligustrum vulgare) », énumère le responsable technique. Cette implantation d’arbres est revenue à environ 1 000 euros par hectare. Une plantation d’arbres autour de la parcelle est également au programme.

 

Pour Antoine Veiry et Alain Brumont, la présence de ces chênes n’a que des avantages, à commencer par une baisse de la température du sol non négligeable. « Lorsque au soleil il fait 45 °C, à l’ombre des chênes, on a entre 16 et 24 °C », avance Alain Brumont. Il estime également que l’ombre des arbres diminue le stress hydrique de la vigne car « son feuillage est à l’ombre 20 % du temps », juge-t-il. Les arbres permettent aussi de développer la biodiversité, insectes et oiseaux pouvant notamment y nicher. Par ailleurs, Alain Brumont suppute que leur frondaison arrête des ravageurs, des prédateurs, des spores, des pollens, etc. Et que les ombrières aident à diminuer le degré alcoolique des vins grâce à une moindre photosynthèse des vignes. À la question de la concurrence racinaire entre vigne et chênes, Antoine Veiry précise qu’il sous-solera autour des rangs arborés. Ce qui évitera que les racines n’aillent trop vers la vigne. Résultat dans quelques années.

repères

Vignobles Alain Brumont

*Surface : 100 hectares de vins de propriété

*Dénominations : madiran, pacherenc-du-vic-bilh, côtes de gascogne, vin de France

*Production : 650 000 bouteilles

Avis d’expert : Alain Canet, en charge des projets de formation chez Arbre et paysage 32

« L’arbre est un outil de production, de protection et de prévention »

 

 
Alain Canet, en charge des projets de formation chez Arbre et paysage 32 : « L’arbre est un outil de production, de protection et de prévention ».
Alain Canet, en charge des projets de formation chez Arbre et paysage 32 : « L’arbre est un outil de production, de protection et de prévention ». © Alain Canet
« La vigne souffre de nombreux maux, certains étant dus aux chocs climatiques. Remettre la vigne dans son environnement d’origine, c’est-à-dire avec des arbres, lui permet de retrouver un équilibre et donc de mieux résister à ces chocs. Les arbres coupent le vent, peuvent limiter le gel, produisent de l’ombre l’après-midi. On constate en moyenne 10 à 12 °C de moins au sol. La vigne souffre donc moins, il y a moins d’évapotranspiration. Mais il faut bien calculer et dimensionner l’ombre portée et tailler les arbres.

 

En ce qui concerne le choix des espèces, il faut prendre en compte la parcelle, le type de sol, etc. Mais de manière globale, les arbres fruitiers sont tous compatibles avec la vigne, leurs champs mycorhiziens complètent ceux de la vigne. Alain Brumont a pour sa part opté pour des chênes. Ce sont des arbres complexes, mais ce sont les plus gros pourvoyeurs de diversité.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les rendements des parcelles en agroforesterie ont tendance à augmenter. Les racines des arbres ne gênent pas la vigne, mais il faut les « piloter ». On taille les arbres ce qui réduit l’emprise au sol de leurs racines. Par ailleurs, lorsque les sols sont couverts (enherbement, engrais verts), les racines des arbres plongent. Les arbres jouent un rôle plutôt bénéfique sur la maturité car ils amènent de la stabilité et donc de la régularité.

Implanter des arbres au sein de la parcelle doit se raisonner, car cela implique une gestion différente de la zone où ils sont disposés. Il faut y consacrer environ un jour par an pour les tailler etc. Il n’est pas obligatoire de planter la vigne et les arbres simultanément, mais il est indispensable que le sol soit vivant, avec des vers de terre. »

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