Des ombrières dans la vigne, pour lutter contre la chaleur
Convaincus par un premier essai, les Vignobles Alain Brumont, à Maumusson-Laguian, dans le Gers, viennent de planter des chênes fastigiés dans l’une de leurs parcelles, afin de procurer de l’ombre à leurs vignes.
Convaincus par un premier essai, les Vignobles Alain Brumont, à Maumusson-Laguian, dans le Gers, viennent de planter des chênes fastigiés dans l’une de leurs parcelles, afin de procurer de l’ombre à leurs vignes.
Maintenir la vigne à l’ombre pour lutter contre le changement climatique, il fallait y penser. Les Vignobles Alain Brumont l’ont fait. C’était il y a une trentaine d’années. « Je suis parti du fait que je voulais planter des blancs dans les pentes, là où il y a des cailloux et où il fait donc chaud », déroule Alain Brumont, à la tête des châteaux Montus et Bouscassé, à Madiran. L’objectif était donc de rafraîchir les vignes, afin de produire des blancs bien frais, avec une bonne acidité. « J’ai eu l’idée de planter des arbres », poursuit le vigneron.
Une alternance de chênes fastigiés et d’espèces autochtones
Fort de ces résultats, cet hiver, Antoine Veiry, responsable technique des domaines, a replanté une parcelle de 2,30 hectares de tannat, dans cette optique agroforestière. Sise dans un cirque et orientée plein Est et plein Sud, la parcelle a été découpée en îlots, plantés dans le sens de la pente à 8 000 pieds par hectare. Avec au total quatre rangées d’arbres écartées des vignes de 2,50 m et implantées tous les 20 rangs de vigne. Les bandes d’arbres prennent environ 6 m de large. « J’ai dû sacrifier l’équivalent de 50 ares, ce n’est pas grand-chose », estime Antoine Veiry. Au centre de la parcelle, 8 rangs ne recevront pas d’ombre, afin de servir de point de comparaison.
Pour Antoine Veiry et Alain Brumont, la présence de ces chênes n’a que des avantages, à commencer par une baisse de la température du sol non négligeable. « Lorsque au soleil il fait 45 °C, à l’ombre des chênes, on a entre 16 et 24 °C », avance Alain Brumont. Il estime également que l’ombre des arbres diminue le stress hydrique de la vigne car « son feuillage est à l’ombre 20 % du temps », juge-t-il. Les arbres permettent aussi de développer la biodiversité, insectes et oiseaux pouvant notamment y nicher. Par ailleurs, Alain Brumont suppute que leur frondaison arrête des ravageurs, des prédateurs, des spores, des pollens, etc. Et que les ombrières aident à diminuer le degré alcoolique des vins grâce à une moindre photosynthèse des vignes. À la question de la concurrence racinaire entre vigne et chênes, Antoine Veiry précise qu’il sous-solera autour des rangs arborés. Ce qui évitera que les racines n’aillent trop vers la vigne. Résultat dans quelques années.
repères
Vignobles Alain Brumont
*Surface : 100 hectares de vins de propriété
*Dénominations : madiran, pacherenc-du-vic-bilh, côtes de gascogne, vin de France
*Production : 650 000 bouteilles
Avis d’expert : Alain Canet, en charge des projets de formation chez Arbre et paysage 32
« L’arbre est un outil de production, de protection et de prévention »
En ce qui concerne le choix des espèces, il faut prendre en compte la parcelle, le type de sol, etc. Mais de manière globale, les arbres fruitiers sont tous compatibles avec la vigne, leurs champs mycorhiziens complètent ceux de la vigne. Alain Brumont a pour sa part opté pour des chênes. Ce sont des arbres complexes, mais ce sont les plus gros pourvoyeurs de diversité.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les rendements des parcelles en agroforesterie ont tendance à augmenter. Les racines des arbres ne gênent pas la vigne, mais il faut les « piloter ». On taille les arbres ce qui réduit l’emprise au sol de leurs racines. Par ailleurs, lorsque les sols sont couverts (enherbement, engrais verts), les racines des arbres plongent. Les arbres jouent un rôle plutôt bénéfique sur la maturité car ils amènent de la stabilité et donc de la régularité.
Implanter des arbres au sein de la parcelle doit se raisonner, car cela implique une gestion différente de la zone où ils sont disposés. Il faut y consacrer environ un jour par an pour les tailler etc. Il n’est pas obligatoire de planter la vigne et les arbres simultanément, mais il est indispensable que le sol soit vivant, avec des vers de terre. »