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Combien le changement climatique va-t-il coûter à l’agriculture française ?

Le changement climatique pourrait bien générer des surcoûts de plusieurs milliards d'euros par an pour les filières agricoles et agroalimentaires françaises, selon un récent rapport commandé par le ministère de l'Agriculture.

changement climatique, hausse de la température
© Pixabay

Quel impact financier le changement climatique risque-t-il d’avoir sur les filières agricoles et alimentaires ? Missionné en avril 2021 par Julien Denormandie, alors ministre de l’Agriculture, le conseil général de l’alimentation de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAER) apporte quelques éléments de réponse, non exhaustifs, dans un rapport rendu public cette semaine.
 

Le modèle économique de la ferme France affecté

D’ici à 2050, « au total, un surcoût estimé global (charges nouvelles ou manques à gagner) de l’ordre de 3 milliards d’€ par an affectera le modèle économique de la ferme France et par voie de conséquence sa compétitivité », indiquent Dominique Tremblay et José Ruiz, les deux auteurs du rapport Evaluation du coût du changement climatique pour les filières agricoles et alimentaires.

Une estimation à prendre avec des pincettes puisqu’ils expliquent que « la mission n’a pas pu quantifier tous les surcoûts liés à l’adaptation de l’agriculture française au changement climatique », s’étant efforcée « d’évaluer des ordres de grandeur des surcoûts liés à l’augmentation de la couverture des risques du fait d’aléas climatiques croissants, ceux liés aux besoins supplémentaires en eau et ceux générés par l’accompagnement des agriculteurs à la transition climatique ».


Comment se décompose la facture de 3 milliards d’euros par an ?

Dans le détail, la mission du CGAER décompose ainsi la facture liée au changement climatique pour l’agriculture et l’agroalimentaire d’ici à 2050 :

  • 1 milliard d’euros par an, pour les surcoûts liés à l’eau
  • 1 milliard d’euros par an, pour les surcoûts liés à l’augmentation des aléas
  • 2 millions d’euros, pour le surcoût de mise au point de diagnostics « climat »
  • 190 millions d’euros par an pour le conseil
  • 600 millions d’euros par an, pour renouveler 10% du verger français par an


Calcul du coût lié à l’augmentation des aléas climatiques sur l’agriculture

Les auteurs du rapport partent du principe que « la croissance escomptée et hautement probable des pertes de récoltes en raison du changement climatique entraînera des charges nouvelles supportées en grande partie par l’agriculture ».

Des charges composées des primes d’assurances payées par les agriculteurs et des pertes en deçà d’un seuil restant à la charge des agriculteurs dans tous les cas. Sans connaître exactement les modalités précises de la réforme de l’assurance climatique, la mission du CGAER a fait l’hypothèse d’un doublement des aléas actuels, estimant ainsi le surcoût à un milliard d’euros par an d’ici à 2050, soit plus de 2,5% des 40 milliards d’euros que représente la production végétale française.
 

Calcul du coût liés à l’augmentation de l’utilisation de l’eau

« Le changement climatique va se traduire notamment par une évapotranspiration (ETP) supplémentaire des végétaux et des sécheresses plus importantes, donc des besoins supplémentaires en eau », rappellent les experts du CGAER. Face à cette situation la mission est partie de l’hypothèse qu’il faudrait doubler le volume d’eau actuellement stocké pour retenir l’eau en hiver, et passer ainsi de 3 milliards à 6 milliards de mètres cubes d’eau, pour un coût de 6 euros par mètre cube soit la somme de 18 milliards d’euros d’investissement.

Si l’exploitation doit investir directement dans le stockage (seul ou en collectif sans subvention) ce coût rapporté à l’hectare pourra s’élever à 12 000 euros.

A cela s’ajoute le coût de l’irrigation que la Chambre d’agriculture de la Loire estime à 320 euros/ha/an pour le fonctionnement d’un canon enrouleur, à ajouter au coût de l’eau de 600 euros/ha/an, soit un total de 920 euros/ha/an. Soit un coût d’irrigation annuel de 920 millions d’euros par an pour 1 million d’hectares.


Coût lié à la mise au point de diagnostics « climat » dans les élevages

La mission estime que pour l’élevage « s’adapter à un contexte de production différent sera une obligation pour la plupart des élevages au cours de la carrière professionnelle de chaque éleveur ». Pour ce faire, un diagnostic carbone mais aussi un diagnostic de vulnérabilité seront nécessaires. L’outil diagnostic de vulnérabilité en cours de réalisation par l’Institut technique des ruminantes (Idele) devrait ainsi coûter 2 millions d’euros, estime le rapport qui cite d’autres outils d’analyse et de diagnostic.

 

Un coût du conseil en forte hausse

Pour aider l’agriculture à faire face au changement climatique, de manière générale le conseil et la formation vont monter en puissance dans le secteur agricole, analysent les experts. Selon eux la « massification du conseil stratégique climat » devrait représenter un coût de 150 millions d’euros par an au rythme de 50 000 diagnostics par an (d’un coût unitaire de 3000 euros). Par ailleurs 13 000 nouveaux installés par an devraient être diagnostiqués pour un coût de 39 millions par an.
 

Un coût important pour renouveler le verger français

Concernant les conséquences du changement climatique sur les différentes filières, la mission du CGAER s’est intéressée à l’arboriculture dont l’institut technique (le CTIFL) a exprimé la nécessité d’un renouvellement du verger français afin de bénéficier des progrès apportés par l’amélioration génétique. Pour ce faire, le taux de renouvellement du verger devrait passer de 5% à a minima 10% du verger par an, soit un coût 600 millions d’euros par an pour 13 500 hectares renouvelés par an, estime le rapport.

 

Trois recommandations face à l’urgence climatique

Suite à ces estimations de coûts qui seront supportées par les finances publiques mais aussi par l’agriculteur, la mission du CGAER formule trois recommandations :

  • Poursuivre la recherche et le développement sur la vulnérabilité et la résilience des produits agricoles en France, notamment sur les méthodologies de diagnostics « atténuation carbone » et « vulnérabilité des exploitations ».
  • Massifier sur le terrain un conseil stratégique en couplant les diagnostics « vulnérabilité » et « atténuation » et le soutenir via, par exemple le PNDAR (programme national de développement agricole et rural) ou un programme type Plan de relance ou PIA4.
  • Accompagner les agriculteurs dans la transition climatique en poursuivant le soutien financier aux investissements et aux actions mises en œuvre suite à ce diagnostic par des programmes tels que France Relance.

L'adaptation doit se réaliser dans les 10 ans à venir sous peine de perte de compétitivité de l'agriculture française

« Les enjeux sont majeurs pour la Ferme France car l’adaptation de l’agriculture au processus irréversible du changement climatique est indispensable et les coûts seront importants. Si on a pu considérer que le changement climatique pouvait s’envisager sur le temps long, ce n’est plus le cas : l’adaptation doit se réaliser dans les 10 ans à venir sous peine de perte de compétitivité de l’agriculture française et de perte de souveraineté alimentaire de la France », conclut le rapport.

Lire le rapport de mission du CGAER

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