Assembler en fermentation pour des vins plus harmonieux
Au Moulin de Chauvigné, dans le Maine-et-Loire, le savennières élaboré par Sylvie Plessis est assemblé une première fois en cours de fermentation alcoolique. Un moyen pour la vigneronne de potentialiser le terroir sur lesquels s’épanouissent ses chenins.
Au Moulin de Chauvigné, dans le Maine-et-Loire, le savennières élaboré par Sylvie Plessis est assemblé une première fois en cours de fermentation alcoolique. Un moyen pour la vigneronne de potentialiser le terroir sur lesquels s’épanouissent ses chenins.
Le savennières cuvée Intemporelles du Moulin de Chauvigné est composé de chenins issus d’un seul et même bloc de 6 ha, reposant sur des sols de schistes verts, gris et pourpres ainsi que sur des sables éoliens. Des porte-greffes aux clones, en passant par les analyses de sol et de sous-sol, Sylvie Plessis, vigneronne, a tout décidé sur ces parcelles lors de son installation en 1992. C’est donc un terroir qu’elle affectionne particulièrement. Dès les premières vinifications, elle comprend le potentiel de l’assemblage en cours de fermentation alcoolique (FA). « Les schistes sont riches en minéraux, qui sont des précurseurs d’arômes. Je voulais donc trouver le moyen de potentialiser les terroirs, le cépage et le millésime à travers la vinification », détaille-t-elle. En 1996, elle suit son intuition et commence à assembler une partie de la cuvée en cours de FA. Les résultats la bluffent tant l’équilibre général des vins se retrouve modifié par cet assemblage précoce. Elle décide donc de vinifier ainsi l’ensemble des 6 ha.
Le pH comme principal critère de décision
Dans le détail, la méthode se veut tout à fait empirique. « Je n’ai pas de règles, indique Sylvie Plessis. Il y a beaucoup de critères qui entrent en jeu, comme les volumes de vendanges ou la maturité des raisins. » Le jeu nécessite donc de se caler sur le millésime, en fonction de la dégustation. Un paramètre est toutefois décisif : le pH. Pour la vigneronne, il joue un rôle primordial sur l’expression aromatique du chenin. « À des pH bas, j’obtiens des arômes type granny smith, floraux, alors qu’à des pH élevés, le chenin exprime des notes de fruits compotés », raconte-t-elle. Elle joue donc sur les dates de récolte, de sorte à obtenir trois grands profils de vins. Les raisins sont vendangés de nuit, puis, le pressurage est réalisé sans inertage. « En cours de FA, je fais varier les températures de 14 °C à 22 °C selon les cuves », pointe-t-elle. Une façon d’influencer le relargage des précurseurs d’arômes dans les vins. Des conditions strictes, bien supportées par les levures sèches actives ensemencées dès l’encuvage.
Assembler avant d'atteindre points de densité
Pour limiter les risques d’arrêts de fermentation, la vigneronne assemble ses différentes cuves avant d’atteindre 1 040 points de densité. « J’utilise uniquement des gardes vins avec des flotteurs, je suis donc totalement libre des volumes d’assemblages », indique-t-elle. Le remplissage se fait par la vanne du bas, le coude du débourbeur orienté vers le bas. Ce transfert suffit par ailleurs à apporter l’oxygène nécessaire aux levures. Une fois les vins secs, ils sont soutirés une première fois. L’un des trois profils réalise ensuite une fermentation malolactique (FML) pour « marier les profils de savennières et apporter du volume sans perdre le côté fruité et floral ». Quinze jours après la fin des malos, les vins sont à nouveau soutirés et Sylvie Plessis procède à l’assemblage final avant de mettre rapidement en bouteilles. « Je ne fais pas d’élevage afin de conserver de la vivacité, du pep’s dans mes vins », conclut-elle. Des descripteurs à l’image de Sylvie Plessis.
AVIS D’EXPERT : Laurent Chancholle, consultant chez Chancholle consultant SAS, en Gironde.
« Davantage une façon de sécuriser la FA
" L’intérêt de cette technique repose plutôt sur la sécurisation de la FA que sur l’impact aromatique, même si une certaine synergie entre les différents terroirs n’est pas à exclure. L’assemblage juste avant le départ en FA ou au début permet de moduler les deux paramètres limitants que sont le pH et le degré alcoolique. On peut ainsi les ramener naturellement à des niveaux plus cohérents, et permettre non seulement le bon déroulement des FA mais aussi celui de la malo. Le pH a par ailleurs un impact vis-à-vis du SO2 actif, il est donc très bien d’en faire un critère décisif. Il faut cependant veiller à ne pas assembler trop tard pour ne pas créer un choc en diluant le moût. Je recommanderai par ailleurs d’ensemencer systématiquement avec la même souche pour éviter les risques d’incompatibilité. Je dirai que le seul désagrément est de ne pas pouvoir jauger la parcelle en fonction du millésime, ce qui peut pourtant fournir des informations intéressantes. »
repères
Moulin de Chauvigné
Surface 13 ha
Appellations savennières, anjou fines bulles, rosé de loire, coteaux-du-layon, cabernet d’anjou
Mode de production HVE
Circuits de distribution 40 % vente directe
Prix départ caveau 4,90 € à 15 €