Un troupeau ovin combiné à plusieurs ateliers sur une petite surface
Après sept années en tant que maraîcher, Benoît Ronzon a décidé de s’installer en élevage ovin début 2015 à la suite de son oncle en diversifiant les ateliers de production et en embauchant un salarié trois jours par semaine.
Après sept années en tant que maraîcher, Benoît Ronzon a décidé de s’installer en élevage ovin début 2015 à la suite de son oncle en diversifiant les ateliers de production et en embauchant un salarié trois jours par semaine.
« La vente directe, c’est un atelier à part entière. »
L’exploitation se situe dans les Monts du Lyonnais (Rhône). « Mon idée de départ était de développer un atelier de maraîchage sur ce site », explique Benoît Ronzon. Finalement, il a conservé la troupe ovine existante composée de 260 brebis et développé la culture de pommes de terre et de courges de plein champ. En 2022, Murielle, sa femme, auparavant conjointe collaboratrice, le rejoint pour créer un Gaec en intégrant l’atelier de transformation de laine.
La surface totale de l’exploitation est de 32 hectares de SFP, ce qui représente peu au vu des 320 brebis F1 Grivette x Île-de-France présentes en moyenne sur l’année. C’est pourquoi Benoît a décidé de réorganiser son système en utilisant des surfaces extérieures à son exploitation. « Avant cela, l’exploitation de mon oncle était très chargée avec une conduite intensive au niveau des surfaces ».
Le troupeau de brebis est conduit en deux lots distincts équilibrés. Le premier lot met bas pendant trois semaines de fin novembre à mi-décembre en bergerie. Une fois les agneaux sevrés fin février à 70 jours, les brebis taries sont mises à l’herbe sur les prairies en proximité de la bergerie. Elles sont ensuite montées à l’estive de Garnier (Loire) de la mi-juin à la fin septembre, gérée par une SICA mutualisant le contrat du berger. Les béliers sont introduits le jour du chargement dans le camion. « À la descente d’estive, les brebis sont préparées à la mise bas pendant deux mois, car l’estive de Garnier est pauvre en ressources fourragères », souligne l’éleveur de 44 ans. Quant au deuxième lot, il met bas de fin mars à mi-avril. Brebis, agnelles de renouvellement et agneaux sont conduits au col de la Colombière en Haute-Savoie de la mi-juin à la mi-octobre. « Sur cette estive, on embauche le berger avec deux autres éleveurs ». Les agneaux sont redescendus fin août et seront commercialisés de septembre à mi-décembre. Au retour de l’estive alpine, l’éleveur valorise des surfaces additionnelles à proximité de Corbas dans la plaine céréalière. Ce n’est pas loin de 120 brebis et 60 agnelles qui pâturent des CIPAN. Les parcelles sont découpées pour être pâturées maximum durant trois jours. « C’est une gestion collective avec d’autres éleveurs afin de ne pas faire le déplacement tous les jours, pour déplacer les clôtures vraiment il faut gérer la distance, j’ai toutefois été impressionné par la bienveillance des citadins dès la première année de pâture », apprécie Benoît Ronzon. Ensuite, elles regagnent la ferme et pâturent à proximité des tunnels avant de rentrer en bâtiment fin décembre.
La conduite spécifique de l’éleveur l’a amené à acheter ses agnelles de renouvellement âgées de quatre mois auprès d’un sélectionneur de l’OS ROM Sélection. « J’achète 60 agnelles F1 Grivette x Île-de-France en deux fois. 30 en août et 30 en décembre toujours chez le même sélectionneur pour limiter les problèmes sanitaires. » Ainsi, les deux lots de brebis restent équilibrés. Pour simplifier le travail, les agnelles sont mises à la reproduction tardivement à 15 mois en même temps que les brebis avec des béliers Berrichon du Cher et Moutons vendéens qualifiés. « Je suis exigeant sur le choix des béliers qui doivent marcher et consommer de l’herbe ». Préférentiellement, l’éleveur choisit des béliers inscrits qui ont déjà passé une saison en extérieur.
En mettant les agnelles à la reproduction à plus d’un an, l’exploitation a un chargement très élevé au printemps : 30 antenaises en plus de l’effectif moyen de brebis présentes soit 350 brebis au total en bergerie et au pâturage.
« J’ai commencé la vente directe dès mon installation, cela me semblait logique par rapport à mon activité initiale de maraîcher. Puis, j’ai construit en 2020 un atelier de découpe et de transformation à la ferme pour un coût total de 66 000 euros. » Pour assurer des ventes régulières sur l’année, l’éleveur étale sa production d’agneaux. À chaque lot, une partie est commercialisée à la coopérative Sicarev Coop (25 % d’agneaux), l’autre en vente directe en caissettes (15 %) et enfin au magasin de producteur (60 %). Le premier lot d’agneaux est sous-divisé et conduit selon trois modes d’alimentation différents : concentrés à volonté, concentrés rationnés et à l’herbe (70 à 80 agneaux de report) pour être commercialisés de mars à juillet. Le deuxième lot prend le relais d’août à mi-décembre. Les agneaux sont sevrés à la descente d’estive en août à environ 30 à 35 kg vif, les mâles ont été castrés à la naissance. Selon le potentiel des agneaux, l’éleveur réalise des petits lots avec des croissances plus lentes.
« La vente directe, c’est un atelier à part entière. » Les agneaux sont abattus par lot de six à environ 50 kilomètres de la ferme et ramenés ensuite par la société St Laurent Viande de Saint-Laurent de Chamousset à cinq kilomètres d’ici. Ils sont ensuite découpés par un boucher et Benoît et Murielle réalisent la transformation et assurent les livraisons. En moyenne, les frais de transformation dans cette exploitation ont été estimés à 79 euros par agneau sans prendre en compte le temps de travail et le coût de transport pour aller à l’abattoir. La marge par agneau a été estimée à 166 euros par agneau en déduisant 26 % de commission du magasin et les frais d’approche à l’abattoir et du temps de travail. « Si je deviens associé, je réduirai le coût de la commission mais je devrais passer plus de temps au magasin, ce qui est problématique ». « Aujourd’hui, je paie mon temps lié à la transformation mais ça ne permet pas de vendre plus cher. Cela ne me dédouane pas d’être performant sur mon troupeau. L’équilibre économique est fin, une fois le personnel rémunéré (boucher et salarié). »
Michel Pocachard, chambre d’agriculture du Rhône
La maîtrise de la reproduction et des coûts de ration
« L’exploitation de Benoît et Murielle est atypique car seulement deux périodes d’agnelage permettent de vendre des agneaux tout au long de l’année. D’autre part, le système permet de valoriser aussi des surfaces additionnelles avec des potentiels fourragers différents. De par leur technicité les éleveurs maîtrisent les clés de la reproduction, avec une productivité numérique à 1,5/EMP (ou 1,8 par brebis agnelée) tout en limitant les coûts d’alimentation avec 5,3 kg de concentrés par kilo de carcasse produit. »
Philippe Allaix, chambre d’agriculture de la Loire
S’organiser pour les différents circuits de vente
« Cette ferme pose bien les questions autour de la commercialisation des agneaux. La combinaison des différents circuits leur permet de limiter le temps de travail nécessaire à la vente, de garantir un écoulement régulier des ventes. Toutefois, c’est une activité complexe qui demande une organisation efficace pour être rentable. Avant de se lancer dans la vente directe, il est essentiel de bien définir son prix de vente pour couvrir ses frais et rémunérer son temps de travail. »
Chiffres clés
SAU : 33,2 ha dont 1,2 ha de légumes de plein champ + 68,5 ha de surfaces pastorales
UMO : 2,7 UMO dont 0,7 salarié
320 brebis F1 Grivette x Île-de-France
4 tunnels + 1 hangar de stockage + 1 local à légumes sur 2 niveaux dont 1 laboratoire de transformation