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Souveraineté alimentaire : Emmanuel Macron répond aux agriculteurs

En format vidéo (car pris par le sommet international pour le financement des économies africaines) Emmanuel Macron a répondu ce jour aux questions posées au préalable par les agriculteurs à l’occasion de l’évènement sur la souveraineté alimentaire organisé par le Conseil français à l'agriculture et le Ceneca.

Emmanuel Macron
Emmanuel Macron a répondu ce 18 mai par vidéo aux questions posées par des agriculteurs.
© FNSEA

Caroline Delepierre-Piat, agricultrice dans le Nord en polyculture élevage laitier : les Egalim ont donné de l’espoir pour les perspectives de prix, espoirs complètement déçus. Quelles sont les décisions que vous allez prendre pour qu’enfin nous agriculteurs puissions vivre de notre métier ?

Emmanuel Macron : Il n’y a pas de grand pays sans agriculture forte. Nous l’avons vu pendant la crise, l’agriculture a nourri le peuple français. Je défends cette souveraineté, on doit dépendre le moins possible de l’extérieur. Avec le plan protéines on essaie de se réorganiser. Pour être souverain, on doit aussi réduire le risque par rapport aux aléas. Et il faut une rémunération. Les trois questions posées sont très justes, il n’y aura pas de souveraineté si on n’a pas de renouvellement des générations et on n’en aura pas sans revenu. La moitié des agriculteurs vont partir à la retraite, la question du revenu c’est la mère des batailles. Les Etats généraux puis la loi Egalim ont permis de faire des avancées, de commencer à réguler le sujet, alors que le pouvoir est concentré du côté de la distribution, avec quatre centrales d’achat. Avec Egalim, on a demandé aux filières de prendre en compte dans la construction du prix, des indicateurs, et des organisations de filières.

Revoir le colloque en replay : ici

Ca a marché dans certaines filières comme le lait car les producteurs se sont organisés et ont réussi à faire un indicateur qui soit mieux respecté. Le problème c’est que certaines filières, comme la viande de bœuf, n’arrivent pas à s’organiser. Il faut compléter ce travail. Les négociations commerciales ne sont pas satisfaisantes Et puis il y a eu le travail de Serge Papin, il faut changer plus profondément les choses. C’est ce que l’on va faire avec un projet de loi qui va être déposé dans les prochaines semaines pour changer les négociations commerciales.

Egalim 2 : je veux que le projet de loi soit voté avant les prochaines négociations commerciales

Il va permettre de donner plus de temps, favoriser la pluriannualité et faire en sorte que les prix soient faits à partir des coûts fixes pour une juste rémunération des producteurs auxquels s’ajoutera le prix de l’industrie. Je veux que ce soit voté avant les prochaines négociations commerciales. C’est un changement de philosophie. Le projet de loi permettra de rémunérer nos agriculteurs et de faire que ce que le consommateur paie finisse dans les cours de ferme. Il faut permettre à nos agriculteurs de vivre dignement, à nos jeunes de s’installer et à ceux qui veulent investir dans les modèles agricoles, quels qu’ils soient, qu’ils puissent le faire.

Lire aussi : Pour améliorer la souveraineté alimentaire de la France, Bayrou propose un plan Marshall agricole

Candidat à l’installation : Pour continuer à produire en France il faut que des jeunes s’installent, ce qui n’est pas encore mon cas. Comment faire en sorte qu’il y ait encore des candidats vu les capitaux engagés, la rémunération qui n’est pas à la hauteur du temps passé et l’agribashing ? Comment nous aider à rendre le métier attractif ?

Sébastien Francart, agriculteur et éleveur de porc dans la Marne : Depuis mon installation mes pratiques ont évolué en continu, on me demande d’avancer encore sur ce chemin, je suis prêt mais à condition que je m’y retrouve sur le revenu, quelles sont vos solutions ?

A nos jeunes, je leur dirais nous avons besoin d’eux pour nourrir notre peuple. L’agriculture française a réussi à nourrir la France au sortir de la seconde guerre mondiale. Aujourd’hui on leur demande de nourrir avec de la qualité nutritionnelle et environnementale. Notre agriculture française a connu une révolution importante et elle tient.

Les jeunes doivent s’installer : la Nation tout entière sera derrière eux

Nous allons investir dans ces négociations commerciales, dans la Pac que j’ai défendue mais aussi en accompagnant les agriculteurs face aux aléas, mais aussi en défendant un modèle d’agriculture français face à la concurrence déloyale d’autres régions moins regardantes. Les jeunes doivent s’installer : la Nation tout entière sera derrière eux.

Lire aussi : L'enjeu de la souveraineté alimentaire en cinq chiffres clés

Cyril Degluaire, éleveur de volailles de Bresse : La Pac favorise-t-elle vraiment le produire français ou européen ? Alors qu’elle nous impose toujours plus de contraintes et nous rend de moins en moins compétitifs par rapport à nos concurrents ?

La Pac, c’est le socle de notre stratégie agricole, sur laquelle Julien Denormandie travaille beaucoup avec l’ensemble des filières. La déclinaison nationale prendra en compte, nos spécificités, toutes les filières. Je suis très préoccupé par le sort des éleveurs, le revenu a encore baissé l’an dernier, on doit les aider à faire les transitions tout en maintenant le cheptel, leur revenu.  D’autres productions ont connu des sécheresses. On connaît les difficultés, elles sont là.

La Pac c’est notre chance, l’agriculture française, elle gagne avec le marché unique

Mais la Pac c’est notre chance, avec environ 9 milliards d’euros par an pour l’agriculture française. Elle lui permet d’avoir un marché domestique à la taille de l’Europe. L’agriculture française, elle gagne avec le marché unique. Nous avons une certaine compétitivité. Nous avons une agriculture qui exporte, je pense au vin et à l’agroalimentaire. L’agroalimentaire comme l’aéronautique avant la crise, est un grand secteur exportateur. La Ferme française nourrit et exporte. Elle nous permet d’améliorer notre balance commerciale qui serait plutôt négative.

Voir aussi : [VIDEO] Souveraineté alimentaire : par où commencer ? Leurs visions des choses

Aurélien Soubeyrand, producteur de cerises en Ardèche :  Notre production est en train de disparaître face à la drosophile suzukii, que fait la recherche ?

La Pac est une chance mais on doit améliorer notre compétitivité hors coûts, c’est-à-dire la qualité. Je tiens beaucoup à lutter contre la concurrence déloyale. La première se situe entre Européens, quand nous sommes plus durs que nos voisins. Tout le monde doit avancer au même rythme, je pense au glyphosate. Par le passé on a créé de grandes difficultés car on n’avait pas de solutions alternatives à des phytosanitaires. Quand on se bat au niveau environnemental. Il faut le faire au niveau européen.

Voir aussi : [VIDEO] Souveraineté alimentaire en danger ? Leurs avis divergent

Aymeric Gerbaud, polyculteur-élevage, en caprins en Vendée : Comment nous demander d’être plus vertueux alors qu’avec des accords comme le Ceta ou le Mercosur l’Europe accepte des produits qui n’ont pas les mêmes normes que nous ?

Nous sommes confrontés au dumping social et environnemental des zones géographiques hors Union européenne. Dans le cas du Ceta avec le Canada, la négociation était faite, on a mis en place un débat citoyen inédit qui a permis de mettre en place des règles qui n’existaient pas au début. Nous sommes sur une application provisoire, et l’accord est plutôt bon pour la ferme française. L’application du Ceta est positive. Nous sommes gagnants.

Sur le Mercosur, les inquiétudes je les partage, je tiendrai sur ce sujet

Sur le Mercosur, les inquiétudes je les partage, c’est moi qui ai bloqué le Mercosur, j’ai dit que je ne ratifierai pas l’accord. On a face à nous des pays sud-américains qui déforestent, n’ont pas les mêmes contraintes phytosanitaires, n’ont pas les mêmes contraintes sociales que nous. On ne peut pas demander des efforts aux agriculteurs tout en important de ces régions. Je répète avec force que je tiendrai sur ce sujet. 
Pas de négociation commerciale avec les pays qui ne respectent pas l’Accord de Paris, mais nous défendons aussi la clause miroir, c’est-à-dire le fait de pouvoir refléter nos contraintes avec les gens avec qui nous échangeons.

Lire aussi : En direct du grand débat national sur la souveraineté alimentaire

Jean-Baptiste Gibert, Agriculteur du Tarn et Garonne, fruits et légumes et grandes cultures : sur les trois années, que nous subissons les dégâts du gel et de la sécheresse, la grêle, malgré les assurances je ne peux pas m’en sortir tout seul, comment l’Etat peut-il nous aider ?

La souveraineté alimentaire à laquelle je tiens, elle a ses piliers : le revenu pour renouveler ses générations, la protection face à la concurrence déloyale et la protection face aux aléas climatiques. On va devoir repenser complètement le modèle d’assurance. Pourquoi ? Le toit de la ferme France c’est le ciel ouvert. Les premières victimes des aléas climatiques ce sont nos agriculteurs, je comprends qu’ils aient du mal à entendre quand on leur fait la leçon sur les sujets environnementaux. On a une accélération des problèmes climatiques sur 10 dernières années. On ne peut pas rester dans la situation actuelle. Nous avons fait un plan d’urgence de 1 milliard d’euros après ce qui s’est passé, un évènement terrible : il y a des agriculteurs qui ont tout perdu.

Assurance : nous allons devoir bâtir un nouveau régime

Sur le long terme, il faut réformer l’assurance récolte. Nous allons devoir bâtir un nouveau régime, sans doute partenarial. Il faudra convaincre les agriculteurs d’entrer dans l’assurance. Ils ne peuvent payer seuls cette assurance. Il faudra un financement public. Nous allons ouvrir ce chantier de l’assurance récolte qui va permettre d’assurer dans la durée tous nos agriculteurs sur tous nos territoires et j’appelle les assureurs à la responsabilité. Des contentieux sont en cours, il faut aller jusqu’au bout. Ils doivent être sur le pont. Nous ne parlons pas d’un risque assurable comme les autres. On ne peut pas demander aux agriculteurs de s’assurer seuls. Il faut inventer un mécanisme. On peut s’inspirer de certains voisins. Les Espagnols ont su faire des choses intéressantes.

Retenues d’eau : j’ai demandé la remise à plat de tous les projets

Jean-Marc Ravaille vigneron dans le Languedoc : J’ai un projet de stockage d’eau, cela fait déjà dix-huit mois et je suis très inquiet, y’a-t-il un espoir de voir ce projet débloqué ?

Sur la question de la sécheresse et des retenues d’eau, il n’y a pas de fatalité. Je vais ouvrir le Varenne de l’eau au ministère de l’agriculture. Le pays est traumatisé sur ce sujet. On était organisés par bassins. Les choses se passaient bien quand il n’y avait pas de stress hydrique. Puis on a travaillé sur les grands projets qui créent des tensions. Le drame de Sivens a tout bloqué. Tous ces projets doivent s’intégrer dans les territoires. Il n’y a néanmoins pas de fatalité. A Montauban à l’échelle du Tarn et Garonne, un projet très prometteur vient d’être finalisé, il débloque beaucoup de petits projets. Dans le cadre du Varenne de l’eau, j’ai demandé la remise à plat de tous les projets qui doivent s’intégrer sur les territoires, définir une méthodologie plus rapide et faire sortir en quelques mois tous ces petits projets. Le Varenne de l’eau impliquera les agriculteurs, les chambres d’agriculture, syndicats agricoles, les élus et les agences de l’eau et les préfets.

Lire aussi : Lutter contre la concurrence déloyale, action clé pour gagner en souveraineté alimentaire ?

Cécile Jarosz céréalière dans les Yvelines : Le réchauffement climatique entraine des problèmes sanitaires de plus en plus fréquents sur nos cultures. Il faut accompagner les agriculteurs sur les volumes or Bruxelles envisage de réduire de 50% les produits phytosanitaires, allez-vous mettre en place cette baisse ?

Sur les pesticides, on doit arriver à cet objectif de 50% dans l’Union européenne et en France. Mais je veux mettre en avant deux choses : le pragmatisme, je ne laisserai jamais d’agriculteurs sans solutions. C’est comme ça qu’on a adapté la copie sur le glyphosate. Sinon on détruit une culture et on favorise la production chez le voisin. On sait qu’on peut avancer sur les pratiques alternatives avec des solutions mécaniques et pour ça on a le plan de relance. Il faut accompagner l’agriculteur pour qu’il s’équipe.

Deuxième point, la recherche, dans la viticulture par exemple on fait des cépages plus résistants qui permettent une baisse drastique la dépendance aux phytosanitaires. La recherche est le meilleur levier pour réduire les phytosanitaires.

Je crois à l’élevage français, on en a besoin pour l’équilibre de nos territoires

Antony Feissat, éleveur viande bovine limousin en Haute-Vienne : la décision du maire de Lyon d’interdire la viande à la cantine est inadmissible. Qu’en pensez-vous ? Voulez-vous encore de l’élevage ?

Les esprits se sont beaucoup embrasés sur ce sujet, je veux appeler tout le monde au calme. Il faut qu’on pacifie ce débat en France. Le maire de Lyon est revenu à des menus multiples. Après il y a des règles. On ne transige pas avec la santé de nos enfants. On a besoin que les enfants soient bien nourris à l’école. Il faut pouvoir manger de tout à la cantine, dans un régime flexitarien, la viande fait partie des aliments nécessaires. Mais il faut une viande de qualité. Il y a des communes qui ont fait un boulot formidable. Les maires ont fait un énorme boulot, les agriculteurs, les départements, les régions. Julien Denormandie a fait un appel pour manger du jeune bovin à la cantine, il a raison.

Je crois à l’élevage français, on en a besoin pour l’équilibre de nos territoires, car il tient nos montagnes, fait vivre des familles et fait partie de notre patrimoine gastronomique.

Lire aussi : Emmanuel Macron défend de la viande française de qualité

Au moment de la réouverture des restaurants, je le dis aux tables françaises qui servent à plus de 60% de la viande d’importation. Elle ne vient pas du bout du monde, elle vient d’Allemagne, des Pays-Bas…. Arrêtons de faire du haché, du haché, du haché ! Valorisons nos éleveurs, nos découpes à la française. Mettons de la viande française dans les assiettes dans les restaurants.

Quand ses bêtes ont mal, l’agriculteur est malheureux

Nous avons pris des réformes courageuses, historiques, sur le sujet de la condition animale, ça ne peut pas être tabou, c’est un vrai sujet. Un éleveur ne sait pas que ce que c’est de se lever tard, ni un jour ferié. Quand ses bêtes ont mal, l’agriculteur est malheureux. Il faut arrêter de leur renvoyer la condition des bêtes à la figure, c’est leur première préoccupation. Concernant les abattoirs, on a un outil trop vétuste, l’abattage doit se faire dans les meilleures conditions sanitaires avec le respect du bien-être. Je souhaite que l’on puisse investir pour que l’abattage se fasse dans un moindre stress. On peut défendre en même temps l’élevage français et les conditions d’élevage de leurs bêtes.  

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