Une pionnière de la vente directe
« Quand on fait de la vente directe, on fait 25 métiers différents ! »
A Andel, dans les Côtes d'Armor, Marie-Jeanne Avril est une pionnière de la vente directe qu’elle a débutée dans les années 1990, pour petit à petit faire grandir l'entreprise, en montant un abattoir, en faisant de la transformation, en ouvrant un magasin à la ferme, puis des distributeurs. Rencontre avec une femme au franc parler, aussi passionnée que passionnante, aujourd'hui en pleine démarche de transmission.
A Andel, dans les Côtes d'Armor, Marie-Jeanne Avril est une pionnière de la vente directe qu’elle a débutée dans les années 1990, pour petit à petit faire grandir l'entreprise, en montant un abattoir, en faisant de la transformation, en ouvrant un magasin à la ferme, puis des distributeurs. Rencontre avec une femme au franc parler, aussi passionnée que passionnante, aujourd'hui en pleine démarche de transmission.
La ferme de Marie-Jeanne est à l'image de sa patronne. Authentique, attachée aux valeurs familiales et humaine. A 60 ans tout juste, Marie-Jeanne, qui est intarissable quand il s'agit de parler de son exploitation et de son activité, peut commencer à regarder fièrement derrière elle. Car en 1996, quand elle décide de réfléchir à l'idée de quitter l'exploitation de son mari, en intégration, pour se lancer dans la vente directe, il n'y avait pas forcément grand monde à y croire. « Dans les années 1980, avec mon mari Noël, on faisait des lots en dérobés, deux de dindes et un de poulets. Dans ce lot de poulets, il fallait éliminer le petit et j'ai décidé de les garder. Grâce à ma belle-sœur, qui travaillait à la maternité de Saint Brieuc, j'ai pu les vendre à ses collègues », se souvient Marie-Jeanne avec un sourire malicieux. C'est le début de l'aventure. « Ensuite, j'ai acheté mes poussins sur le marché, puis une plumeuse et petit à petit on a grossi, jusqu'à la création de l'abattoir en 2004 ».
Marie-Jeanne s'installe à son nom : le grand saut
En 2010, c'est le grand saut. Marie-Jeanne quitte l'exploitation de son mari pour s'installer en son nom propre en 2012. « Je faisais déjà de la vente directe auprès de quelques boucheries, écoles, comité d'entreprises », énumère Marie-Jeanne. L'entreprise compte alors deux salariés. Parallèlement, elle développe l'activité de l'abattoir en faisant de la prestation de service pour des éleveurs ou des particuliers. Un abattoir dans lequel l'évolution des normes l'oblige à investir, plutôt que d’agrandir et de moderniser l'élevage.
A partir de 2013, sa fille Anne-Flore rejoint l'exploitation, développe la partie découpe et lance les marchés. « On se posait alors la question des « restes », que faire de la découpe ? C'est là qu'on a décidé de faire de la transformation ». Terrines, rillettes, saucisses de volailles, paupiettes, steaks hachés de volaille : la gamme s'est élargie. Et l'exploitation s'est développée. « On est passé de 50 volailles par mois à 3 000 par an et aujourd'hui on est à 750 volailles (poulets, pintades, dindes, canards) par semaine dont plus de 50% sont transformées. »
Dès le départ, l'activité de Marie-Jeanne change sa vie. « Moi qui étais habituée à avoir des comptes dans le rouge lorsque je travaillais avec mon mari, pour la première fois, j'avais des comptes positifs », lance l'éleveuse en toute transparence. En 2016, elle décide d'ouvrir un magasin à la ferme où l'on retrouve sa production bien sûr et aussi d'autres produits locaux. Là encore, la patronne joue la transparence : sur les produits vendus, on marge à 30 %. Depuis 2016, sa belle-fille Coline a également rejoint l'équipe et le site a été équipé, en 2022, de casiers accessibles 7j/7 24h/24. Pour compléter l'équipe, elle peut s'appuyer sur des salariés, l'équivalent de 5,5 plein temps.
Transmission et restructuration du commerce
Marie-Jeanne admet qu'au départ, elle n'imaginait pas avoir un jour de successeur, or, cela fait maintenant deux ou trois ans qu'elle prépare l'arrêt de son entreprise. Ce ne sera pas Anne-Flore, sa fille qui reprendra les rênes, cette dernière souhaitant quitter l'entreprise en septembre vers d'autres activités, mais sa belle-fille Coline. « Il faut donc que l'on mette en place une structuration différente », commente Marie-Jeanne.
« Ce qui est le plus difficile à transmettre, c'est ce que l'on ne dit pas car on le fait par habitude »
Concrètement, les deux femmes vont se répartir le poste d’Anne-Flore, arrêter les marchés, diminuer les journées d'abattage et diminuer la production d'un tiers. En revanche, elles vont développer l’accueil touristique avec la mini ferme et les visites de l’exploitation, et des hébergements insolites mais aussi doubler la surface de casiers. « Ce qui est le plus difficile à transmettre, c'est ce que l'on ne dit pas car on le fait par habitude », estime encore Marie-Jeanne. Et d'ajouter : « la plus grosse difficulté dans la transmission, c'est de réussir à lâcher prise et d'accepter que l'autre ne travaille pas comme vous ».
Pour Marie-Jeanne, l'objectif est de partir à la retraite en juin 2026, « avec peut-être six mois de plus ». Et pour ce qui est de s'occuper, elle a déjà mille idées en tête. « D'abord je me reposerai un peu et je vais pouvoir reprendre à faire de la musique ou m'engager dans des associations, après avoir été obligée d'abandonner tous mes engagements avec mon activité professionnelle car quand on fait de la vente directe, on fait 25 métiers différents ! Et surtout je vais avoir du temps pour m'occuper de mes petits enfants », conclut, dans un sourire, Marie-Jeanne.