Raisonner le sevrage blanc sur toute la durée du post-sevrage
La firme service Techna et le groupe Michel misent sur une approche nutritionnelle différenciée selon le stade physiologique de l’animal pour passer au sevrage blanc.
La firme service Techna et le groupe Michel misent sur une approche nutritionnelle différenciée selon le stade physiologique de l’animal pour passer au sevrage blanc.
La formulation d’aliments utilisés dans le cadre d’un sevrage sans antibiotiques est désormais bien maîtrisée par les firmes services et les fabricants d’aliment. En témoigne Mathias Michel, directeur du groupe Michel, qui soulignait lors d’une réunion d’éleveurs à Cléden-Poher le 30 janvier dernier que la part des 1er âge blancs vendus dans son groupe dépassait désormais 50 %. Mais derrière cette évolution se cache un changement radical d’approche à la fois nutritionnelle et zootechnique. « Désormais, la réussite d’un programme de sevrage doit se juger non pas à la transition 1er-2e âge, mais à la mise à l’engraissement », souligne Christian Debevere, responsable du pôle porc de la firme service Techna. Car le sevrage blanc se raisonne sur toute la durée du post-sevrage. Les objectifs, et donc les ingrédients utilisés diffèrent selon le type d’aliment et le stade physiologique de l’animal. « Le rôle de l’aliment 1er âge est avant tout de sécuriser la digestion et de renforcer le porcelet pour qu’il surmonte le stress du sevrage », explique Gwenaëlle Houël, ingénieure porc Techna. Pour cela, elle distingue quatre axes de travail :
-Soutenir la consommation par le choix de matières premières appétentes, des extraits végétaux, des arômes et des édulcorants qui la stimulent.
-Formuler un aliment digestible grâce à la qualité des protéines qui le composent et l’équilibre des acides aminés, mais aussi avec des acidifiants, des extraits végétaux et des huiles essentielles.
-Développer l’immunité par l’ajout d’extraits végétaux, de probiotiques et de bêta-glucans.
-Stimuler la flore digestive bénéfique avec des acidifiants, des prébiotiques et des huiles essentielles.
Ces deux derniers points (immunité et flore digestive) peuvent être aussi pris en compte dans la composition des aliments des truies.
Matières premières sécurisantes et gestion fine des fibres
Ce travail de sécurisation doit se poursuivre avec l’aliment 2e âge, en privilégiant l’incorporation de matières premières sécurisantes (orge, pulpes), et en gérant finement les fibres et la protéine indigestible. L’ajout d’acides organiques améliore la digestion par activation enzymatique et participe au contrôle des pathogènes. Des huiles essentielles et des extraits végétaux peuvent être aussi utilisés pour leur pouvoir bactéricide, et pour leur capacité à stimuler les enzymes et à capter les toxines. « Mais avant tout, l’aliment 2e âge doit être le moyen de booster les performances du post-sevrage, notamment en augmentant le taux de lysine », soutient Gwenaëlle Houël, pour qui un porcelet bien préparé durant la phase 1er âge doit pouvoir exprimer tout son potentiel en seconde partie du post-sevrage. L’ingénieure souligne que la non-utilisation d’antibiotiques au sevrage agit positivement sur l’équilibre du microbiote intestinal, constitué d’une multitude de micro-organismes (bactéries levures, champignons, virus…) qui jouent un rôle essentiel dans les fonctions digestives, métabolique, immunitaire et neurologique. « C’est un équilibre fragile, mis en cause par le stress du sevrage. En étant accompagnée des mesures classiques d’hygiène et de confort, la nutrition est aujourd’hui à même de maintenir cet équilibre », conclut-elle.
L’acide benzoïque, un ingrédient tout-en-un
Parmi les solutions utilisées par Techna et le groupe Michel pour sécuriser leurs formules d’aliment, l’acide benzoïque tient une place majeure. « C’est à la fois un conservateur qui prévient le développement bactérien et fongique, une substance aromatique qui favorise la consommation, et un additif zootechnique qui améliore les performances de croissance et d’indice », souligne Aline Gourlan, formulatrice du groupe Michel. « C’est aussi l’acide qui permet de réduire le plus les coliformes et les bactéries lactiques en milieu gastrique. Il agit en synergie avec les huiles essentielles et les extraits de plante pour améliorer l’appétence de l’aliment 1er âge, sa digestibilité et pour limiter les diarrhées. »
La démédication pour gagner en croissance
À l’EARL de Kerangoué à Plouigneau dans le Finistère, Sandrine Grot a passé avec succès le cap de la démédication de l’aliment 1er âge distribué à ses porcelets. "C’est à la fois une démarche technique et personnelle, souligne l’éleveuse. Je raisonne l’alimentation de mes porcelets exactement comme la mienne. Pas question d’utiliser les antibiotiques de manière inconsidérée. Nous utilisons la pompe doseuse uniquement pour des traitements curatifs et pour la vermifugation." La transition vers le "sans antibiotiques" est d’autant plus remarquable qu’elle s’est faite dans ses anciens post-sevrages, désormais remplacés par un nouveau bâtiment. "Nous avions fait quelques adaptations pour améliorer le confort des porcelets, comme l’ajout d’un plancher en bois dans les cases", souligne Alain Kerebel, technico-commercial Britalym qui fournit les aliments de post-sevrage. Le poids de sortie oscille aujourd’hui entre 26 et 27 kg à 64 jours d’âge. "On observe toujours une amélioration de la croissance quand on passe à un 1er âge démédicalisé", constate-t-il. Une croissance déjà importante durant les 14 jours d’aliment 1er âge (340 g/j sur la dernière bande), qui se confirme en 2e âge, grâce notamment au passage à un aliment annoncé à 1,25 % de lysine, contre 1,20 % auparavant.