Méthanisation : Quand le lisier de porc se transforme en carburant
L’unité de méthanisation SARL Morel Énergies utilise une partie du biogaz produit à partir des effluents pour ravitailler un tracteur et huit véhicules grâce à une station privative de biométhane compressé.
L’unité de méthanisation SARL Morel Énergies utilise une partie du biogaz produit à partir des effluents pour ravitailler un tracteur et huit véhicules grâce à une station privative de biométhane compressé.
Avec la station de distribution de biométhane installée sur le site de méthanisation SARL Morel Énergies, Nicolas et Florent Morel renforcent un peu plus leur démarche d’autonomie et d’économie circulaire autour de leurs élevages.
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Installés sur deux exploitations distantes de 3 km – Nicolas en porc (250 truies et sa suite) et Florent en lait (100 vaches) –, les deux frères ont investi en 2018 dans une unité de méthanisation en injection. « L’objectif était de mieux valoriser nos effluents mais surtout de diversifier notre activité avec une source de revenu complémentaire et plus sécurisée (prix du gaz fixe). En renforçant notre solidité financière, la méthanisation aide à poursuivre les investissements de modernisation de l’élevage, qui reste notre priorité », explique Nicolas Morel.
Située sur la commune de La Chapelle-Janson, en Ille-et-Vilaine, l’unité de méthanisation s’est développée au fil des ans, passant d’une capacité de 45 normo mètre cube par heure (Nm3/h) la première année, à 100 Nm3/h en 2022 et bientôt 150 Nm3/h, soit un investissement total de 4,5 millions d’euros avec un retour sur investissement prévu sur 12 ans.
Le tracteur ravitaillé en BioGNV
Le biogaz, une fois purifié à 97 % en biométhane, est injecté à 3 km dans le réseau de distribution de gaz de la ville de Fougères. La station privative de distribution de biocarburant a été ajoutée il y a deux ans, afin de valoriser une partie de la production en BioGNV (gaz naturel pour véhicule). Fournie par Prodéval, spécialiste en valorisation de biogaz, la station située en aval du purificateur comprend un compresseur et une pompe de distribution avec un stockage disponible de 240 kilos, équivalent aux réservoirs du tracteur et de trois véhicules (investissement de 55 000 euros). « Il s’agit de la première station en autoconsommation installée sur une méthanisation à la ferme en injection. Elle sert à ravitailler un tracteur New Holland T6.180 en version Méthane Power de 150 chevaux, le premier en test en France (1). « Depuis l’été 2021, il a réalisé 1 800 heures de fonctionnement, essentiellement pour le transport d’effluents et d’intrants végétaux ainsi que pour des travaux dans les champs (enfouissage du digestat, déchaumage…). Utilisé pour transporter la tonne à lisier, son autonomie est de 6 heures. » La station alimente également huit véhicules légers fonctionnant au GNV : deux utilitaires de services Caddy Volkswagen disposant d’un réservoir à gaz de 34 kilos (soit 650 km d’autonomie), deux voitures privées pour les éleveurs ainsi que quatre Fiat Punto mises à disposition de chacun des salariés des deux exploitations porcine et laitière.
Promouvoir la mobilité en gaz
La part du biogaz valorisée sur la ferme comme biocarburant est relativement faible (environ 1 %). Son coût de revient est difficile à estimer, mais rouler au bioGNV reste plus économique qu’avec de l’essence, du gazole ou du GNR. « Avec la station privative, notre but est aussi de donner une image concrète de la mobilité en bioGNV et de communiquer sur cette énergie verte. Le message « BioGNV produit à la ferme » floqué sur deux véhicules contribue à faire la promotion du GNV et à montrer une image positive de l’élevage, acteur de la décarbonation. » L’impact carbone du bioGNV est en effet très faible, proche de celui des éoliennes. L’ambition des éleveurs à terme est d’approvisionner le territoire via des stations publiques, dans une démarche collective. « La station représente un maillon de plus dans la chaîne de valorisation de nos effluents et contribue à l’autonomie de nos élevages, poursuit-il. C’est un cercle vertueux : le digestat issu de la méthanisation retourne sur nos parcelles, dans lesquelles nous cultivons des céréales destinées à l’alimentation de nos animaux ainsi que des couverts végétaux (Cive). Utilisé pour le tracteur, le biogaz permet également de diminuer nos charges de carburant, d’autant plus que le coût du GNR va augmenter… »
Autre intérêt mais non des moindres, la station de biométhane contribue également à fidéliser leurs salariés, en leur faisant bénéficier d’une voiture de services au BioGNV.
Toujours en mode projet, Nicolas et Florent réfléchissent déjà, avec l’association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF), à une nouvelle technologie afin de trouver un débouché au CO2 issu de la purification du biogaz, non valorisé jusqu’à présent (CO2 alimentaire par exemple pour les serristes ou les produits sous vide).
En chiffres
Unité de méthanisation SARL Morel Énergies
10 millions de kWh produits en 2022 soit la consommation annuelle en gaz de 1 600 foyers
1,5 million de chiffre d’affaires par an
14,5 centimes d’euro d’achat du kWh (contrat sur 15 ans)
4,5 millions d’euros d’investis pour une capacité de 150 Nm3/h
470 000 euros de subventions de l’Ademe, du conseil régional de Bretagne et du conseil général d’Ille-et-Vilaine
Carte d’identité
Élevage de porcs de Nicolas Morel
1 salarié
250 truies naisseur-engraisseur
2 sites d’engraissement
150 hectares
Le digestat liquide valorisé localement
Accolée à l’élevage de porcs, l’unité de méthanisation digère chaque jour 40 m3 d’intrants.
La totalité du lisier de porc de l’élevage de Nicolas Morel est valorisée dans l’unité de méthanisation, y compris celui du second site d’engraissement situé à 3 km, soit 6 000 m3 au total. Cela représente un tiers des intrants, le reste étant du lisier et du fumier de bovins de l’élevage de Florent (4 500 tonnes), du lactoserum, des couverts végétaux ainsi que du maïs ensilage (8 %). Le biogaz est produit dans deux digesteurs de 2 000 m2. Le digestat est stocké dans une fosse de 4 000 m3 sous un dôme, complétée par 5 000 m3 de fosses extérieures. Les éleveurs ont opté pour du digestat liquide plutôt que sec, pour éviter le risque de panne d’un séparateur de phase. « Nos parcelles sont regroupées autour de la méthanisation. Cela permet de garder l’azote et le phosphore sur nos terres. »
La méthanisation favorise par ailleurs les échanges entre agriculteurs à l’échelle locale (lisier contre digestat). « Certains prêteurs de terre se sont mis à faire des couverts végétaux entre cultures (seigle et avoine l’hiver, sorgho et tournesol l’été). » Ainsi, le volume de digestat produit par an va augmenter de 18 000 à 23 000 m3.
Installés depuis 2019, quatre trackers de 22 kW fournissent 22 % des besoins d’électricité de la méthanisation. Un cinquième couvre 35 % des besoins de l’élevage de porcs. S’y ajoute depuis cet été, une centrale de 300 kW en vente totale sur la toiture d’un nouvel hangar agricole qui abritera la nouvelle FAF dédiée à l’alimentation des truies et des porcs en engraissement. Des investissements qui confortent l’objectif d’autonomie de l’exploitation, alimentaire comme énergétique.