Mathieu Abgrall, jeune installé en porc, renforce la cohérence de son exploitation avec deux sites
Mathieu Abgrall aura pris son temps avant de s’installer. À trente-neuf ans, il saute le pas en reprenant un élevage de 260 truies à un tiers, et l’atelier d’engraissement de ses parents. Deux sites complémentaires qui forment un système cohérent.
Mathieu Abgrall aura pris son temps avant de s’installer. À trente-neuf ans, il saute le pas en reprenant un élevage de 260 truies à un tiers, et l’atelier d’engraissement de ses parents. Deux sites complémentaires qui forment un système cohérent.
S’il a pris son temps, c’est pour mieux sonder le marché. « J’ai eu envie de m’installer dès 2001, sitôt mon certificat de spécialisation « porc » obtenu à l’Ireo de Lesneven, dit Mathieu Abgrall, originaire de Landivisiau dans le Finistère. Mais ce que j’ai vu était trop cher. » Il confie aussi qu’à l’époque, il n’était pas certain de faire carrière dans le cochon. Le lait l’attirait plus. Il se fait pourtant recruter dès 2001 comme salarié dans un élevage mixte lait-porc à La Martyre, celui de Jean-Michel Donval. Et c’est la conduite de l’atelier porc (140 truies naisseur engraisseur) qu’on lui confie. « Là, j’ai appris l’autonomie, les objectifs techniques qu’on se fixe étape par étape pour faire progresser l’élevage. » Mathieu va y passer 18 ans. Sans jamais éprouver l’envie de tenter d’autres systèmes pour enrichir ses connaissances. Il s’intéresse très tôt au volet exploitant en militant au collège salarié des JA. Car au fond de lui, il a toujours eu envie de devenir son propre patron. En 2010-2011, il visite un nouvel élevage. Encore trop cher. Puis un autre en 2012. Il s’apprête à signer mais abandonne au dernier moment pour raisons personnelles. À cette époque, Mathieu Abgrall est tout près de changer de vie. Mais quand il voit le vent de l’agribashing se lever, il décide de rester au pays et de s’investir dans le cochon. Il se met alors « en mode guerrier ».
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Un élevage à vendre à 6 kilomètres
Avec le technicien du groupement de ses parents (Porélia), il établit un plan de bataille pour son installation, avec comme pivot l’engraissement de ses parents bientôt en retraite. « Aux côtés de l’atelier de Landivisiau, soit je reconstruisais une partie naissage et post-sevrage, soit j’y rajoutais un atelier volaille chair, soit je reprenais un élevage naisseur engraisseur en cohérence avec l’atelier. » Il choisit la dernière option. Quand Mathieu visite l’élevage d’un cédant à Guiclan situé à 6 kilomètres, il voit tout de suite son potentiel. « Mon prédécesseur sevrait 6 000 à 6 200 porcelets par an avec ses 260 truies, mais n’avait la place que pour 5 500 charcutiers environ. Avec l’engraissement de Landivisiau, je peux engraisser tous les animaux nés sur la ferme. Et avec ses 47 hectares de SAU qui s’ajoutent aux 45 hectares de mes parents, je peux couvrir les besoins de l’engraissement. » Pour monter le dossier de reprise des deux outils (650 000 euros au total avec les stocks), Mathieu a bénéficié de l’aide à la reprise des stocks du groupement (50 000 euros), et du prêt Brit de la région Bretagne (50 000 euros sans intérêts). Ses voisins lui ont fait preuve d’une grande solidarité pour rénover les bâtiments existants. Il a financé le reste auprès du Crédit agricole. Il n’a pas consolidé les deux ateliers dans une même structure. Il serait passé au-dessus du seuil des 20 000 unités d’azote qui oblige un éleveur à épandre uniquement sur ses terres en propre et à traiter le reste.
Performances techniques supérieures aux objectifs
Avec sa salariée, Mathieu Abgrall conduit l’élevage comme il procédait auparavant à La Martyre : en se fixant des objectifs pour améliorer progressivement l’outil. « Pour l’instant, tout va bien, sourit Mathieu. Nous sommes au-dessus des objectifs de l’étude chambre. Ce n’est pas difficile pour le prix de base (1,28 euro en objectif), vu les cours au MPB. De plus, on est bien sur les paramètres techniques : 12,7 à 12,8 porcelets sevrés vivants par portée contre 12,5 prévus au départ, un indice de consommation de 2,40 en sevrage-vente, et un indice global de 2,70. » Sur le plan alimentaire avec sa FAF simplifiée, l’éleveur atteint un prix moyen de 219 euros par tonne — y compris les aliments complets pour les reproducteurs et les porcelets achetés à l’extérieur, alors qu’il visait 239 euros par tonne. Ce n’est là que le début. Mathieu Abgrall est déjà en train de régler l’outil à sa main. Première évolution, la maternité. « J’ai refait au printemps une salle de seize cases dont dix d’occasion, et six neuves. » Ce sont des cases standards avec caillebotis plastique et truie surélevée pour réduire le taux de pertes sous la mère. Les trois autres salles seront rénovées dans les prochains mois, avec un investissement couvert à 35 % par le PCAEA. Seconde évolution en cours, le changement de génétique pour réduire le nombre d’écrasés, avec le choix de la Libra Star d’Hypor. L’avantage ? « Les Libra Star sont dociles, elles mettent bas sans se lever, ce qui réduit le risque de pertes. » Mathieu a introduit 15 à 20 % de Libra Star à ce jour (bandes de 32 à 34 truies) et vise les 100 % d’ici deux ans. Pas sûr cependant qu’il reste dans ce format. « La verraterie est calée pour fonctionner sur ce nombre, la maternité aussi mais le goulot d’étranglement, c’est le post-sevrage de 800 places. Conséquence, je transfère les animaux du post-sevrage à l’engraissement à 25 kg contre 30 kg normalement. » Deux solutions s’offrent à lui pour résoudre ce problème : « soit j’agrandis le post-sevrage après passage devant l’administration et établissement d’un nouveau plan d’épandage, soit j’abaisse le nombre de truies par bande à 30-32 contre 34 aujourd’hui. Je devrais opter pour la dernière solution. » En faisant progresser la productivité, Mathieu pourrait fonctionner en bandes de 32 truies et viser les 7 000 cochons engraissés par an. Idéalement, il souhaiterait aussi renforcer son autonomie alimentaire en portant son foncier à 120 hectares. Mais dans son secteur, la pression foncière est forte avec une densité importante d’éleveurs et de producteurs de pommes de terre.
"J’ai appris l’autonomie, les objectifs techniques qu’on se fixe étape par étape pour faire progresser l’élevage"
Curriculum
Mathieu Abgrall
Côté éco
Prix d’équilibre prévisionnel (base cadran) : 1,28 euro du kilo de carcasse
Prix de l’aliment moyen, (FAF en engraissement, aliments reproducteurs et porcelets achetés) : 219 euros la tonne
Fiche d’élevage
L’accompagnement personnalisé du groupement Porélia
« Quand nous accompagnons l’installation de jeunes dans notre groupement (22 depuis 2018), notre objectif consiste à mettre en place un système naisseur engraisseur cohérent avec la meilleure efficacité alimentaire et sanitaire pour disposer de marges de manœuvre en toutes circonstances », explique Rémi Berthevas, responsable technique de Porélia. Le groupement propose un volet financier (prêt à 1 % à hauteur de 250 euros par truie, avec un plafond de 200 truies, soit 50 000 euros maximum). « Mais ce n’est pas cela le plus important. Porélia prend soin, dès le montage du dossier, d’être un intermédiaire vigilant dans toutes les discussions du futur installé avec les acteurs au projet : administration, chambres d’agriculture, banques, organismes techniques et de gestion, etc. Nous défendons le jeune et son projet dans une sorte de contrat d’engagement réciproque. Car il arrive parfois que le projet évolue dans sa dernière ligne droite, sans que le groupement en ait connaissance. Auquel cas, la rentabilité de l’élevage peut être menacée à moyen terme. » Pour faire prendre conscience à l’éleveur de la nécessité d’être performant, Porélia impose aux nouveaux installés le suivi de gestion technique et économique de leur élevage. « Il s’agit de tout faire pour que l’éleveur parvienne le plus rapidement au meilleur coût de revient. »