L’intelligence artificielle peut détecter les porcelets immatures à leur naissance
Le niveau de maturité des porcelets à la naissance pourrait devenir un nouveau critère de sélection afin d’améliorer leur taux de survie en cours de lactation, grâce à l’intelligence artificielle.
Le niveau de maturité des porcelets à la naissance pourrait devenir un nouveau critère de sélection afin d’améliorer leur taux de survie en cours de lactation, grâce à l’intelligence artificielle.
Des travaux dirigés par l’Ifip démontrent qu’il est possible de détecter facilement les porcelets immatures à la naissance à des fins de sélection génétique. Le dispositif simple imaginé avec la société Néotec-Vision, spécialisée dans l’analyse d’images, et en partenariat avec les sélectionneurs français d’Alliance R & D (Axiom, Choice et Nucléus), prend automatiquement une photo de la tête des porcelets pour les analyser ensuite par deep learning (voir encadré). Ce procédé ouvre la voie à un phénotypage objectif, automatisé et reproductible sans subjectivité de la part de l’éleveur. Il permet aussi de fiabiliser la collecte et la transmission de données tout en gagnant en confort de travail. Ces travaux se justifient par le fait qu’au-delà du poids à la naissance, il apparaît important pour les sélectionneurs de pouvoir détecter parmi les porcelets légers ceux qui sont plus susceptibles de mourir du fait de leur immaturité. Il s’agit alors d’apporter une information complémentaire sur la qualité du porcelet. Ce phénotype de maturité semble d’autant plus intéressant qu’une étude récente a mis en évidence l’intérêt de prendre en compte la proportion de porcelets immatures par portée(1). Avec l’estimation d’une héritabilité moyenne de 0,20 ± 0,05, il s’agit là d’un critère utilisable pour les schémas de sélection. Cependant, pour pouvoir proposer ce nouveau phénotype comme critère de sélection, l’enregistrement du degré de maturité de chaque porcelet en élevage de sélection doit être mis en place. L’enjeu, alors, est de développer un outil capable d’enregistrer automatiquement ce phénotype sans alourdir le travail de l’éleveur.
L’ordinateur note les porcelets
Un porcelet immature présente une croissance embryonnaire altérée où tous les tissus et organes ne sont pas affectés de la même manière. Cela se caractérise par une asymétrie de développement avec un ratio anormal en faveur de la tête par rapport au reste du corps. Par ailleurs, la tête présente une morphologie caractéristique avec un crâne bombé comme une tête de dauphin, des yeux exorbités et des oreilles peu développées et basses. Cette tête en forme de dauphin est plus ou moins marquée selon le degré d’immaturité. Il est donc possible visuellement de classer, à la naissance, les porcelets immatures et matures. Avec la démocratisation des algorithmes de traitement d’images, cette notation visuelle peut alors être confiée à une machine. Ce n’est plus l’éleveur qui note le porcelet mais l’ordinateur grâce à un modèle de classification deep learning.
Un outil de prise d’images
L’Ifip et Neotec-Vision ont développé un algorithme de classification des porcelets selon leur degré de maturité à partir d’une photo de leur tête. Un système de prise d’images a été spécifiquement développé dans le cadre de ce projet. Le dispositif permet d’acquérir des photos homogènes et standardisées de la tête du porcelet. Un logiciel associé à ce dispositif sauvegarde la photo ainsi que le numéro du porcelet. Ce prototype non encombrant est conçu pour s’intégrer dans la routine de soin effectué par les éleveurs en élevage de sélection. À l’aide de cet outil, plus de mille porcelets Large-White français et Landrace français ont été pris en photos et phénotypés visuellement selon leur degré de maturité. À partir de ces images annotées, un algorithme de classification a été estimé. Les résultats préliminaires montrent un taux de classification correct de 89 % pour la classe des porcelets notés immatures. L’algorithme est un peu moins fiable lorsqu’il s’agit de dire si un porcelet est mature avec un taux de bonne classification de 74 %.
De façon plus générale, ce travail ouvre la voie à d’autres applications futures en élevages pour le phénotypage haut débit s’appuyant sur de la prise d’images couplée à un traitement statistique automatisé (notation de la morphologie, des aplombs…).
Repères
Le projet Pic’Let (Picture of piglet) a été réalisé dans le cadre de l’appel à projets « Recherche technologique pour la compétitivité et la durabilité des filières, de la production à la transformation » du ministère de l’Agriculture 2019.
Le deep learning apprend à reconnaître les porcelets immatures
Le deep learning, ou apprentissage profond, s’appuie sur un réseau de neurones artificiels s’inspirant du cerveau humain. Ce réseau est composé de dizaines voire de centaines de «couches» de neurones. À chaque couche, le système analyse les caractéristiques de l’image et renvoie un résultat. Au fur et à mesure de l’apprentissage, c’est la machine qui définit seule le modèle optimal. Lorsque ce modèle est par la suite appliqué à d’autres cas, il est normalement capable de reconnaître un porcelet immature sans l’intervention d’un opérateur. Cependant, pour une bonne prédiction, les données en entrée sont essentielles : plus le système accumule d’expériences différentes, plus il sera performant.
Difficile de sélectionner directement le taux de survie des porcelets
En réponse aux attentes sociétales, améliorer la survie des porcelets pendant la phase d’allaitement est, aujourd’hui, un enjeu majeur pour les schémas de sélection. Cependant, s’intéresser directement au taux de survie reste complexe car cela fait intervenir différentes composantes : le potentiel de survie du porcelet, la capacité de la mère à bien sevrer son porcelet et des facteurs environnementaux. Une approche consiste alors à décomposer ce taux de survie par des caractères indirects facilement mesurables en prenant en compte, par exemple, le poids des porcelets à la naissance. En effet, il a été montré que le taux de survie des porcelets jusqu’au sevrage chute fortement avec des porcelets de poids inférieur à 900 grammes. Leur prise colostrale est souvent plus tardive, les risques d’écrasement et d’hypothermie plus élevés. Cependant parmi ces porcelets légers il faut distinguer deux classes. Les porcelets petits pour leur âge gestationnel, qui survivent très bien avec un profil de croissance normal, et les porcelets présentant un retard de croissance intra-utérin (RCIU). Ces porcelets RCIU n’ont pas atteint leur plein développement à la naissance et ont un risque de mort plus important. On parle alors de porcelet immature, dont la fréquence pourrait être diminuée par la nouvelle approche proposée par l’Ifip.