Les nutritionnistes se focalisent sur l’alimentation de précision des cochons
Pour adapter les apports alimentaires à chaque animal afin d’optimiser les performances tout en limitant les rejets polluants, les chercheurs ont développé des modèles dynamiques qui tiennent compte à la fois des connaissances fondamentales et des données acquises en élevage.
Pour adapter les apports alimentaires à chaque animal afin d’optimiser les performances tout en limitant les rejets polluants, les chercheurs ont développé des modèles dynamiques qui tiennent compte à la fois des connaissances fondamentales et des données acquises en élevage.

Après la nutrition de précision pour le porc en croissance et la truie gestante développée les années précédentes, les chercheurs ont abordé cette année la phase de lactation. Une période complexe, puisque les truies doivent à la fois assurer leurs propres besoins et ceux de leurs porcelets. Une étude de l’Inra de Saint-Gilles, en Ille-et-Vilaine, démontre que pour couvrir précisément les besoins nutritionnels des truies allaitantes, il faut pouvoir combiner les connaissances acquises sur l’utilisation des nutriments des truies et les données produites en élevage au cours de la lactation : rang de portée, poids vif et épaisseur de lard dorsal à la mise bas, taille et poids de la portée à la mise bas et en cours de lactation, consommation journalière des truies… À partir de ces données, les chercheurs peuvent calculer quotidiennement les besoins nutritionnels. Ils peuvent aussi prédire les changements de réserves corporelles de la truie, en fonction de sa production laitière estimée et de la consommation d’aliment mesurée. Les dépenses d’entretien et de production laitière sont calculées chaque jour pour chaque truie, en fonction de ses propres caractéristiques et de ses performances.
Prédire le poids des truies pour mieux les alimenter
De son côté, l’Ifip a modélisé l’évolution du poids vif des truies en utilisant la base de données constituée à sa station de Romillé à partir de 90 truies nées entre 2012 et 2015. Selon les calculs réalisés par Nathalie Quiniou, ingénieure nutritionniste à l’Ifip, l’ordre de grandeur de l’erreur de prédiction varie entre 13 et 16 kg selon le modèle et le jeu de données utilisés. « Il peut être relativisé au regard de la variation de poids de la truie avant et après la miction, sachant que le volume d’urine peut atteindre en moyenne 17 litres par jour », prévient-elle. Cet écart est cependant important au regard des quantités ingérées, puisqu’il représente une différence de besoin d’entretien en énergie équivalent à environ 100 grammes d’aliment par jour. Nathalie Quiniou souligne également que la qualité de la prédiction est d’autant meilleure que le troupeau est homogène.
L’intérêt économique n’est pas encore démontré
Tous les outils semblent donc désormais au point pour développer cette approche sur le terrain. Une étude menée conjointement par le Centre de développement du porc du Québec et l’Inra sur l’alimentation de précision sur des truies gestantes introduit cependant quelques doutes sur son intérêt économique. Dans le contexte québécois et à partir d’un essai mené sur quatre bandes et sur deux cycles complets seulement, l’étude conclut à une réduction du coût d’alimentation de seulement 2 euros par truie et par an ! Un gain largement insuffisant pour amortir tout le matériel nécessaire à la mise en place de cette stratégie alimentaire (alimentateurs spécifiques, identification individuelle…). Dans cet essai, la teneur en lysine digestible variait en fonction du jour de gestation et du rang de portée. Ces adaptations ont permis de réduire les apports en lysine de près de 20 %. Mais les améliorations de performances se sont limitées à un logique gain d’épaisseur de muscle des truies pendant la gestation, et à un meilleur taux de survie des porcelets à la mise bas pour les truies nullipares grâce à une meilleure couverture de leurs besoins en acides aminés en fin de gestation. Cependant, la durée de l’essai a sans doute été trop courte pour estimer l’impact de l’alimentation de précision sur la longévité des truies et leurs performances à long terme. Le contexte européen peut aussi mieux valoriser financièrement une baisse du taux de lysine dans les aliments. Enfin, l’impact d’une alimentation de précision sera probablement plus important sur des porcs charcutiers, dont le coût de production est plus sensible à la composante alimentaire.