« À La Ferme de Kermerrien, nous testons l’allaitement collectif des truies »
La Ferme de Kermerrien est équipée de 16 places de cases maternité évolutives conçues par Galvelpor, permettant une mise bas sans contention puis un allaitement collectif par groupe de 4 truies. Les éleveurs y voient un intérêt sur le bien-être animal et sur le coût d’investissement.
La Ferme de Kermerrien est équipée de 16 places de cases maternité évolutives conçues par Galvelpor, permettant une mise bas sans contention puis un allaitement collectif par groupe de 4 truies. Les éleveurs y voient un intérêt sur le bien-être animal et sur le coût d’investissement.
Observé discrètement à travers le hublot de la porte de la maternité, le comportement des truies et de leurs porcelets, réunis en 4 portées, est vraiment plaisant à voir, pour le visiteur comme pour les éleveurs, Dominique et Philippe Gautier, et leurs salariés.
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Les truies sont paisiblement allongées tandis que leurs porcelets, à quelques jours du sevrage, se courent après dans un joyeux bazar. À Trévérec dans les Côtes-d’Armor, la SARL La Ferme de Kermerrien expérimente une conduite d’élevage en maternité doublement innovante : la mise bas sans contention et l’allaitement collectif.
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Cette technique a été testée depuis deux ans et demi sur deux truies par bande, avant d’être mise en place depuis février 2023 avec des modules de quatre truies.
Favoriser le comportement naturel de la truie
Avec Galvelpor, les éleveurs ont imaginé un modèle de cases mises bas ingénieux, aménagé dans deux salles de huit places. Il s’agit de cases individuelles de 4 m2 d’espace pour la truie avec une niche à porcelets, séparées par des barrières ajourées pivotantes. Ouvertes lors du passage à l’allaitement collectif, une semaine après la mise bas, elles créent un espace de 16 m2 disponible pour quatre truies. Ce prototype est le fruit d’un long cheminement après plusieurs visites en France et à l’étranger. « Nous évoluons en permanence pour améliorer le bien-être animal. La maternité liberté répondait à notre souhait d’être moins interventionnistes auprès de la truie et d’aller vers un système favorisant davantage le comportement naturel des animaux, explique Dominique Gautier. L’allaitement collectif est une suite logique. Il favorise les interactions entre les truies et leurs portées tout en optimisant la surface totale des salles de maternité, par rapport à un système de cases mise bas liberté classique. »
L’allaitement collectif dès 7 jours
À leur arrivée en maternité, une semaine avant la mise bas, les truies sont logées par quatre dans chaque parc en position ouverte. « Nous choisissons des truies qui étaient déjà ensemble durant la gestation, et pour lesquelles la hiérarchie est déjà faite, précise Philippe Gautier. Une taille de groupe de quatre truies nous paraît un optimum à ne pas dépasser. » Les cases individuelles sont reconstituées 3 jours avant la mise bas pour isoler les truies. Les barrières entre truies sont de nouveau ouvertes une semaine après la mise bas, jusqu’au sevrage. La sociabilisation précoce des porcelets se fait dès 4 jours le lendemain des soins, en retirant la cloison de séparation entre deux nids. Lorsque tout est ouvert, les porcelets accèdent à l’ensemble du parc. Ils y restent jusqu’à une semaine après le sevrage, les éleveurs expérimentant également la technique du sevrage sur place.
Cibler davantage les cochettes
Après cinq mois de recul, il est bien trop tôt pour dresser un bilan chiffré des performances techniques. Mais les éleveurs peuvent déjà affirmer que ce concept fonctionne bien, en particulier pour les cochettes qui s’adaptent plus facilement que les multipares. « Les truies ont un bon comportement envers leurs porcelets, qui acquièrent vite l’instinct d’aller dans la niche chauffée. La mortalité et la croissance n’ont pas été pénalisées », constatent Dominique et Philippe. Leur objectif est de sevrer autant qu’avec des mises bas classiques. « Nous n’avons pas constaté de bagarres entre truies lors de l’allaitement collectif. Avec cet équipement évolutif, nous gardons cependant la possibilité d’isoler une truie stressée. De plus, les truies en liberté sont en meilleur état au sevrage que celles en case mise bas classique. »
Une relation homme-animal différente
Cette technique nécessite toutefois d’adapter la conduite d’élevage. « Elle pousse à avoir une approche plus animalière. » La mise en confiance des truies est essentielle pour intervenir en toute sécurité dans la case. Ainsi, la phase d’apprivoisement des cochettes a été renforcée. « Nous n’hésitons pas à aller régulièrement au contact des truies, en les caressant et en leur parlant à voix haute », confirme Richard, salarié depuis 27 ans et en charge du troupeau, conquis par ce concept.
Un concept adapté au sevrage sur place
Si son intérêt technico-économique se confirme, La Ferme de Kermerrien envisage de le déployer à plus grande échelle, dans le cadre d’une réorganisation complète du logement du cheptel gestante et maternité d’ici deux ans. « Nous visons 70 % de places en allaitement collectif, précise Philippe. Nous garderons par sécurité 30 % de places en maternité liberté classique avec possibilité de contention, toutes les truies n’étant pas forcément adaptées à une mise bas sans contention. » En parallèle, leur conduite en bande va être changée pour permettre le sevrage sur place dans les cases d’allaitement collectif. Les porcelets y resteront jusqu’à 50 jours.
accroche « Cette technique nous pousse à avoir une approche encore plus animalière »
Fiche d’identité
La Ferme de Kermerrien
Une case évolutive et optimisée
Les 16 places de cases mises bas sans contention Galvelpor ont été réparties dans deux anciennes salles de maternité de 13 mètres de long.
Chaque salle comprend une rangée de huit cases, soit deux modules de quatre truies, avec deux couloirs d’accès, à l’avant et à l’arrière de la niche à porcelets. « Cet aménagement en salle complète nous permet de gérer la température avec deux ambiances pour la truie et ses porcelets. » Les cases sont séparées par une barrière en Inox avec une partie pleine au niveau du sol pour empêcher le passage d’une case à l’autre des porcelets nouveau-nés.
L’aliment sec et à volonté, clé de réussite
Chaque case dispose d’un nourrisseur pour la distribution d’un aliment à sec à volonté. « Cet aspect est important car il contribue à avoir des truies peu stressées. Cela fonctionnerait plus difficilement en alimentation liquide », estime Philippe. Il n’y a pas de dispositif d’alimentation spécifique pour les porcelets. « Ils s’alimentent dans le nourrisseur pour truie dès quelques jours d’âge », a-t-il observé. De même, l’abreuvement de la truie et des porcelets se fait dans un bol commun.
Le type de sol déterminant
Deux configurations de sol sont testées afin de trouver le meilleur compromis entre facilité de nettoyage et confort pour les pattes. « Celui avec une grande part de sol plein s’est révélé trop sale. Nous allons tester un nouveau sol, composé de caillebotis béton sur un mètre de large, une surface réduite en sol plein et un caillebotis fil. »
Les deux types d’enrichissements testés, la toile de jute ou le râtelier de paille, sont dans les faits très peu utilisés pour la nidification. « Elles en ont moins besoin, exprimant davantage un comportement naturel », suppose Dominique.
Les éleveurs ne constatent pas d’impact sur le temps de travail. « Nous passons davantage de temps à surveiller le comportement alimentaire de chaque truie le matin mais nous n’avons plus à racler les déjections des cases. Au sevrage, les truies sortent très facilement de la salle. » À terme, la distribution de l’aliment sera automatisée avec le système Spotmix.
Des caméras vont être installées d’ici peu pour mieux comprendre le comportement de tétée des porcelets, dans le cadre d’un suivi par le groupement Evel’Up et Copeeks.
À retenir
Les conditions de réussite de l’allaitement collectif à La Ferme de Kermerrien :
Les + et les –
Les + :
Les - :
Noël Bon, de Galvelpor
« Un gain d’un mètre carré par place de truie »
« La case mise bas sans contention installée à La Ferme de Kermerrien est large de 1,57 mètre et longue de 2,55 mètres. S’y ajoute la niche à porcelets de 0,8 m2, sur sol plein. Ce concept permet d’offrir à la truie une grande surface de circulation pendant la phase d’allaitement collectif (16 m2 lorsque les barrières sont ouvertes), tout en réduisant la surface par case individuelle. On gagne environ 1 m2 par place par rapport à des cases mise bas liberté classique : 5,2 m2 tout compris, contre 6,5 à 7 m2. La case sans contention, privilégiant les matériaux en Inox, revient quasiment au même prix qu’une case liberté classique. L’économie se fait sur la surface totale de bâtiment nécessaire pour loger un même nombre de truies. Nous ajustons les dimensions de cases en fonction du bâtiment existant, en s’appuyant sur nos modèles de portes standard (modules pour 2, 3 ou 4 truies) et en se basant sur une surface accessible pour la truie d’environ 4 m2 et un nid de 0,80 à 1 m2. »