La Cooperl s’engage dans la décarbonation des élevages de porc
La coopérative lamballaise estime qu’il est urgent de se lancer dans un processus de décarbonation de sa filière. Des leviers d’action efficaces existent, notamment au niveau des élevages, afin de remplir les objectifs fixés par l’État.
La coopérative lamballaise estime qu’il est urgent de se lancer dans un processus de décarbonation de sa filière. Des leviers d’action efficaces existent, notamment au niveau des élevages, afin de remplir les objectifs fixés par l’État.
Selon Michaël Bérard, chargé d’études environnement à la Cooperl, le bilan carbone du groupe coopératif lamballais est de 3,2 millions de tonnes équivalent CO2. « Pour stocker ces émissions, il faudrait planter en arbres l’équivalent de deux fois la forêt de Brocéliande tous les ans », calcule-t-il.
C’est dire l’ampleur de la tâche, alors que le gouvernement table sur un objectif de neutralité carbone de la France à l’horizon 2050. Pour cela, il s’est donné pour repères une baisse des émissions carbone de 100 % pour les transports, de 81 % pour l’industrie et de 46 % pour l’agriculture. Trois domaines dans lesquels la Cooperl est fortement impliquée. « 52 % de nos émissions proviennent des élevages, 26,7 % des intrants et 8,9 % du transport. »
Trois leviers de réduction dans l’élevage
L’agriculture a un rôle particulièrement important à jouer dans cette décarbonation. « Les éleveurs disposent de trois principaux leviers », souligne Michaël Bérard : la méthanisation, l’amélioration de l’indice de consommation et l’écoformulation des aliments. La réduction des émissions de méthane liées aux effluents (43 % de l’empreinte carbone du porc) est la plus efficace. « En associant la méthanisation et l’évacuation fréquente des déjections, on peut épargner de 15 à 25 % de gaz à effet de serre (GES) », affirme Pierre Fongué, responsable du service bâtiment Cooperl. Les procédés de méthanisation varient selon le volume de gaz à traiter, depuis le système de recouvrement des fosses Nénufar jusqu’aux unités industrielles. Pour évacuer fréquemment les déjections, Cooperl propose son système de raclage en V Trac désormais largement utilisé en élevage. « Nous finalisons l’Agilitrac, une version automatisée du Trac intégrée dans un concept de bâtiment flexible et modulaire », précise Pierre Fongué. Dans les bâtiments existants, Cooperl teste un aspirateur à lisier mobile qui peut se déplacer dans les préfosses afin de récupérer le lisier frais.
L’aliment représente 52 % des émissions de GES
Les actions menées sur l’aliment ont également un impact élevé, puisque à eux seuls, ils représentent 52 % des émissions de GES. « L’abandon de matières premières telles que le tourteau de soja issu de la déforestation en Amazonie, ou l’huile de palme en provenance de Malaisie ont un fort impact sur le bilan carbone du porc », constate Franck Montagnon, du service nutrition de Cooperl. Il déplore cependant que les bases dont disposent les formulateurs ne donnent pas les mêmes valeurs d’émissions pour certains produits, à cause de méthodes d’estimation différentes. Par ailleurs, certaines matières premières ne sont pas renseignées, comme des coproduits utilisés en fabrication d’aliment à la ferme ou des tourteaux de soja non issus de déforestation. « Ce qui est certain, c’est que plus l’approvisionnement est proche, plus le bilan carbone de la matière première est bas. Remplacer le soja brésilien par de la féverole ou du pois français est extrêmement efficace. Malheureusement, ces deux matières premières sont rares actuellement en France. » La baisse de l’indice de consommation permet également de décarboner les élevages. Un gain de 0,1 point d’indice global équivaut à 2,4 % d’émissions d’équivalent CO2 évitées. « En dix ans, l’indice de consommation global de nos élevages a baissé de 0,18. Pour un élevage de 250 truies naisseur-engraisseur, cela équivaut à une épargne de 60 tonnes d’équivalent CO2 par an. » La Cooperl met aussi l’accent sur la production d’une énergie décarbonée à partir de l’énergie solaire. « Des panneaux solaires installés sur une toiture permettent de produire de l’électricité à un prix de revient de 0,13 €/kWh », calcule Pierre Fongué. « Celui des trackers solaires est plus élevé (0,17 €/kWh). Mais à surface équivalente, leur potentiel de kWh produit par an est presque deux fois plus important. » L’impact de ces nouvelles ressources en énergie est faible sur le bilan carbone du porc puisque l’énergie ne représente que 2 % des émissions de GES. Cependant, elles rendent les élevages moins dépendants des fluctuations du prix des énergies fossiles et améliorent l’image de la production.
Transports et biodiesel
La Cooperl compte également agir sur l’ensemble de ses outils industriels. Pour cela, elle mise sur l’amélioration de l’efficacité énergétique de ses installations, notamment grâce à la mise en place de récupérateurs de chaleurs. Les systèmes de refroidissement des entrepôts frigorifiques vont bénéficier progressivement de fluides frigorigènes à bas pouvoir de réchauffement. Par ailleurs, une partie de l’énergie nécessaire au fonctionnement des installations sera issue de la méthanisation. Pour réduire les émissions liées aux transports, le groupe mise avant tout sur son projet de production de biodiesel à partir de graisses d’origine animales. Il envisage aussi le transport multimodal, avec notamment le recours au train pour les produits carnés issus de ses usines. « Nous choisirons également des prestataires ayant des stratégies de décarbonation similaires à la nôtre », précise Michaël Bérard.
Le label Bas carbone, la cerise sur le gâteau
Le label Bas carbone, lancé par le gouvernement en 2019, permet de certifier des projets de réduction d’émissions de gaz à effet de serre et de séquestration carbone et de les valoriser économiquement. Il garantit que les projets de réduction ou de séquestration du carbone réalisés contribuent à atteindre les objectifs fixés.
Les élevages qui ont des projets certifiés label Bas carbone pourront être accompagnés financièrement par les entreprises ou collectivités locales qui souhaitent compenser leurs émissions de CO2 grâce à des crédits carbone. « Ces crédits ne seront pas des revenus, mais des aides limitées, souligne cependant Sandrine Dumoulinneuf, responsable environnement de la Cooperl. Il faut les considérer comme la cerise sur le gâteau. Certaines solutions sont d’ores et déjà rentables sans les crédits carbone. » Par ailleurs, la liste des solutions éligibles au label Bas carbone n’a pas encore été publiée, et la méthode de calcul des émissions de GES n’a pas encore été validée. « Nous espérons cette validation vers la fin du premier semestre 2023 », indique Annie Soulier, ingénieure en charge de ce dossier à l'Ifip.
Lancement de la plateforme Cooperl
Il faudra aussi une structure qui sert d’intermédiaire entre les éleveurs porteurs de projets et les entreprises qui apportent le financement. La plateforme Cooperl récemment créée a pour objectif de remplir cette mission. « Nous sommes à la fois agrégateur en accompagnant les éleveurs qui mettent en place des pratiques bas carbone, et courtier afin de trouver les entreprises qui veulent acheter des crédits carbone dans une démarche volontaire », explique Clément Mauboussin, coordinateur responsabilité environnementale à la Cooperl. Les prix ne sont pas régulés, mais ils peuvent être contractualisés. La fourchette actuelle dans le cadre du label Bas carbone est large, selon Michaël Bérard, de l’ordre de 20 à 100 euros la tonne équivalent CO2.
Avis - Bertrand Eon, directeur des achats boucherie de Carrefour
« Tous nos fournisseurs doivent décarboner leur production »
"Les notions de réchauffement climatique commencent à marquer les consommateurs, notamment depuis l’été 2022. La décarbonation agira très certainement sur leur comportement d’achat. C’est pour cela qu’il faut anticiper les objectifs de réduction d’émission de GES. Chez Carrefour, les fournisseurs devront tous avoir engagé un plan de décarbonation d’ici 2025."