Un syndicat unique pour l’industrie de la viande
Gilles Gauthier : « la fusion entre Culture Viande et Fedev est historique »
Le 1er janvier dernier, Culture Viande et Fedev ont fusionné. Le nouveau syndicat des industries des viandes, qui garde le nom de Culture Viande, est présidé pour trois ans par Gilles Gauthier qui nous accorde sa première interview.
Le 1er janvier dernier, Culture Viande et Fedev ont fusionné. Le nouveau syndicat des industries des viandes, qui garde le nom de Culture Viande, est présidé pour trois ans par Gilles Gauthier qui nous accorde sa première interview.
Les Marchés Hebdo : Culture Viande et Fedev ont enfin fusionné, pouvez-vous nous reparler de la genèse de ce projet qui remonte à plusieurs années ?
Gilles Gauthier : Ce projet de rapprochement remonte à plus de trente ans. Laurent Spanghero et Dominique Langlois s’y étaient essayés. La dernière tentative remonte au dernier trimestre 2018. Avec Jean-Paul Bigard, nous nous sommes alors rencontrés avec une réelle volonté d’arriver à réaliser cette fusion. Nous avons fait deux grandes réunions de 4 h 30 pour poser les jalons, et nous nous sommes dit, de manière indéfectible : « On va au bout, sinon on ne le fera plus. »
En 2019, nous avons eu l’idée de constituer dans chacun des deux syndicats une équipe de travail sur ce dossier. Nous avons organisé huit réunions physiques sur le sujet à Paris pour aborder la fusion point par point. Puis en 2020, nous avons formalisé tout cela sur le plan juridique. Fedev est organisé en cinq grandes régions, nous avons réuni des assemblées générales dans chacune d’entre elles pour avoir le consentement de l’ensemble des adhérents, puis des assemblées générales extraordinaires. Le 17 décembre, les présidents de région ont voté à l’unisson en faveur de cette fusion. Cette fusion arrive aujourd’hui alors que notre filière est en crise, elle va permettre de parler d’une seule voix.
Défendre toutes les entreprises aussi bien les grandes que les petites
LMH : Quel est l’intérêt pour les industriels et grossistes en viande de se voir défendus par un seul syndicat ?
G. G : Nous avons qualifié cette fusion d’historique. Aujourd’hui, Culture Viande représente 320 à 350 entreprises françaises de la viande avec quelque 50 000 salariés toutes espèces confondues. Le syndicat a pour but de défendre toutes les entreprises de la viande, aussi bien les grands groupes que les petites structures dotées de 15 à 30 salariés. À Fedev, nous avions de grosses structures comme SVA Jean Rozé, Kermené, Sobeval, mais aussi de petites structures, des grossistes en viande ou de petits abatteurs représentés par des chefs d’entreprise. Il était hors de question de faire des distinctions de taille entre les entreprises. Cela a été notre fil rouge. Trente entreprises sont représentées au conseil d’administration avec une parité entre les grosses et les petites structures. Aujourd’hui, le fait d’être unis doit nous permettre d’apporter un service beaucoup plus adapté à nos adhérents. Nous devons être encore plus à l’écoute, car la conjoncture est beaucoup plus difficile. Ensuite, nous devons privilégier une éthique encore plus responsable avec l’amont, avec qui nous voulons avoir des contacts très étroits. Ensuite, nous devons développer des synergies avec l’ensemble des acteurs de l’aval. Il faut vraiment que l’on arrête de parler et que l’on soit efficaces dans le positionnement de nos produits. Pour finir, nous devons valoriser nos relations avec l’administration en général. Le fait de parler d’une seule voix doit nous permettre d’être beaucoup plus efficaces et de rassembler un maximum d’informations.
Le bien-être animal et la capacité à monter en gamme sont prioritaires
LMH : Quelles priorités vous êtes-vous fixées pour ce premier mandat à la tête du syndicat ?
G. G. : Nous avons notre premier conseil d’administration le 20 janvier, et dans les axes prioritaires, nous allons afficher les enjeux sociétaux. Le bien-être animal et la capacité de nos outils pour monter en gamme sont prioritaires. Il faut aussi mettre un point de suture à la baisse de consommation dans certaines filières. L’urgence est aussi à l’accompagnement des adhérents qui souffrent de la fermeture de la RHD. Tous ces bovins, ces veaux qui ne sont pas abattus, cela peut aussi avoir des conséquences sur l’amont de la filière.
LMH : L’année 2020 avec la Covid-19 et la fermeture de la restauration a secoué l’industrie de la viande, comment se portent les adhérents de Culture Viande ?
G. G. : Nous avons trois niveaux de comportements : des entreprises qui ne travaillent pas ou peu avec la restauration et qui souffrent peu ; des sociétés qui travaillent avec la restauration et la distribution et qui sont très affectées, avec des volumes d’activité qui fondent comme neige au soleil et des niveaux de charges élevés ; et ceux qui ne travaillent qu’avec la restauration et qui sont à l’arrêt. On aimerait que ces dernières soient traitées par l’État comme les sociétés de la restauration. Pour l’heure, ce n’est pas le cas. Nous avons sollicité un rendez-vous avec Alain Griset et le ministre de l’Agriculture sur ce sujet.
LMH : La question de l’équilibre carcasse est devenue cuisante. Revaloriser la viande hachée est-il une priorité pour vous ? Comment allez-vous vous y prendre ?
G. G. : La crise a effectivement renforcé le problème de l’équilibre matière, surtout dans le bœuf et le veau, alors que la restauration n’achète plus les entrecôtes. Ces produits se retrouvent en congélation ou sur le marché à vil prix, et c’est catastrophique. Avant la crise de la Covid-19, la valorisation du steak haché n’était déjà pas suffisante. Pourtant, le positionnement est bon. En France et dans l’Union européenne, on a ce qui se fait de mieux au monde sur le plan sanitaire et avec de la viande de très grande qualité. La Covid-19 a confirmé l’excellent positionnement de ces produits français, mais ils doivent espérer de nouvelles valorisations, car cela ne suffit pas à faire remonter la valeur pour l’amont de la filière et les industriels. Il faut aussi s’occuper des autres produits.
La seule valorisation du steak haché ne suffira pas
LMH : Vous avez déclaré « la nécessité pour les filières viandes est de créer plus de valeurs et de produire en fonction des besoins des marchés nationaux et internationaux », quelles sont les autres pistes ?
G. G. : Il faut se repositionner dans le cadre de la loi Egalim et de la montée en gamme avec le label Rouge. Dans les circuits traditionnels, on préconise aussi de valoriser les arrières, les pièces avec os, car la seule valorisation du steak haché ne suffira pas. Lors des états généraux de l'alimentation, on était d’accord pour la montée en gamme, mais il faut être plus concrets. Cela impose de pénétrer tous les périmètres de la distribution française avec des linéaires traditionnels. Si la Covid a eu un côté positif, c’est qu’elle a renforcé la volonté de transparence de la part du consommateur et l’achat de proximité. Sur l’ensemble des circuits de distribution dotés de rayons traditionnels, il faut valoriser les bêtes entières et pièces avec os.
Il faut aller plus vite dans la contractualisation
LMH : Les négociations commerciales avec la distribution se passent à nouveau dans un climat tendu, quelles sont vos revendications sur le sujet ? Les propositions de Serge Papin (contrats pluriannuels et outil de transparence des marges) sont-elles bonnes, selon vous ?
G. G. : Les propositions sont bonnes, mais elles ne sont pas suffisantes. Les négociations commerciales sont très tendues. Il va falloir que cela se détende, tout le monde doit y mettre du sien. Ce n’est vraiment pas l’année où des secteurs de nos filières doivent faire de la résistance. On ne le comprendrait pas, après tous les efforts faits en amont. Au-delà des propositions de Serge Papin, il faut aller plus vite dans la contractualisation et dans l’engagement sur la durée. On va essayer de renforcer cette dynamique.
LMH : Le plan de modernisation des abattoirs est lancé, une bonne chose, selon vous ? Qu’en attendez-vous ?
G. G. : Je vous avoue que sur ce dossier, je suis dubitatif et inquiet. Nous n’avons aucun chiffre qui transpire. L’investissement relève des stratégies internes des entreprises. Mais si j’en crois mon expérience, j’ai l’impression qu’il y a peu de demandes. Si cela se confirme, cela voudrait dire que l’on n’utilise pas des fonds importants par peur du lendemain, et on le comprend pour les entreprises qui attendent l’ouverture de la restauration.
Un long processus de validation
La fusion entre Fedev et Culture Viande a nécessité un long processus de validation au sein de Fedev, organisé en cinq régions. Au début de l’année 2020, tous les adhérents de Fedev ont été invités à participer aux assemblées générales (AG) extraordinaires des unions interrégionales (UIR Sud-Est, Centre Sud-Ouest, Nord-Est, Grande Ouest et Île-de-France). Au cours de ces AG, les adhérents se sont prononcés à 85 % en faveur du rapprochement. Le 17 décembre, lors d’une AG extraordinaire de Fedev, les présidents des UIR ont validé à l’unanimité le processus de rapprochement avec Culture Viande. Le mandat de Jean-Paul Bigard en tant que président de Culture Viande s’arrêtait fin 2020 et il avait annoncé qu’il passait la main. Il restait à Gilles Gauthier deux ans à la présidence de Fedev et il a accepté de prendre la présidence du nouveau Culture Viande pour trois ans.