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En Suisse, pas d’alternative à l’anesthésie

La Suisse oblige à castrer sous anesthésie générale. À défaut d’avoir supprimé tout stress pour l’animal, la pratique a néanmoins tué le débat sur cet aspect du bien-être animal

Saisi par la patte arrière, le porcelet se débat et grogne. Manuela Bigler le positionne dans un berceau en forme de demi-tube et lui bloque les pattes arrière en remontant une barre métallique. Elle pousse le groin dans un masque étanche. Le mufle appuie sur un diffuseur monté sur ressort. Sous la pression, celui-ci libère instantanément de l’oxygène additionné de 5 % d’isoflurane. L’animal s’apaise au bout d’une dizaine de secondes. Il faut attendre une bonne minute avant qu’un voyant rouge ne vire au vert. Manuela peut dès lors opérer. Elle incise, castre et vaporise de la tetracycline sur les deux petites plaies. L’intervention demande environ une minute par tête, anesthésie comprise. « C’est trois fois plus qu’auparavant », évalue Rudolf Bigler, père de Manuela, à la tête de cet atelier naisseur-engraisseur de 120 truies à Moosseedorf, près de Berne. La table est installée dans un couloir, assez loin des mères pour qu’elles ne stressent pas en entendant les cris de leurs petits. Le courant d’air évite que l’air chargé en isoflurane, réputé pour donner mal à la tête, ne stagne. L’air expiré par les porcelets est d’ailleurs rejeté à plusieurs mètres via un tuyau souple. Jusqu’en 2009, Rudolf castrait « quand c’était nécessaire ». Depuis que la Confédération a interdit la castration à vif sur son territoire en janvier 2010, l’éleveur regroupe l’intervention sur un après-midi toutes les trois semaines afin de simplifier son organisation du travail. Il faut dix minutes à Manuela pour préparer l’appareil. Elle plonge scalpel et pince dans un récipient contenant un produit désinfectant. Elle remplit le réservoir prévu avec de l’isoflurane. Elle met l’appareil en marche pour contrôler si les ballons en position verticale qui témoignent de l’activité respiratoire des porcelets pendant l’anesthésie sont encore étanches. Ces vérifications faites, elle peut démarrer. Elle calcule deux heures de travail pour castrer une centaine de porcelets. Un salarié les lui amène dans des caisses en plastique. Dix minutes avant leur passage, il leur a administré 0,1 ml de Metacam, un antidouleur. À l’usage, tout ne se passe pas toujours comme prévu. Les animaux âgés de 4-5 à 7-8 jours sont de taille inégale. Les plus gros débordent du berceau. Ils ne peuvent être bloqués. Manuela doit donc les maintenir avec une main. Trop large, leur groin a du mal à s’insérer dans le masque, trop petit, le mélange oxygène/isoflurane s’échappe par le côté…

Un bilan mitigé

Le temps de réveil des porcelets varie de une à cinq minutes. Les animaux sont remis immédiatement avec leur mère où il arrive qu’ils dorment encore une dizaine de minutes. « Ils ont souvent faim après l’opération », souligne Manuela. Après le dernier animal, il lui faut encore nettoyer la table de travail, notamment démonter le masque et passer les différents éléments au désinfectant. Il lui en coûte encore un petit quart d’heure supplémentaire. L’appareillage est soumis à une maintenance annuelle. Il est équipé d’un compteur. Les autorités sanitaires contrôlent également l’achat d’isoflurane. Il n’est donc pas question de tricher ! Manuela et Christine, sa mère, ont suivi une formation pendant laquelle elles ont été informées des raisons de l’obligation d’anesthésie. Elles sont passées à la pratique sur leur élevage, avec un vétérinaire dont la prestation leur a été facturée.

Dans les conditions économiques suisses, Rudolf Bigler estime que la castration sous anesthésie lui revient à dix euros par animal, trois fois plus cher que la castration à vif. À titre indicatif, le seul matériel, de conception suisse, lui est revenu à 10 000 euros à l’achat. La bouteille d’oxygène de dix litres donne une autonomie d’environ six mois. Son bilan du passage à la castration sous anesthésie est mitigé. « Le porcelet a peur quand on le retourne sur le dos pour le glisser dans le berceau. Ce n’est pas naturel. C’est du stress pour lui jusqu’à ce qu’il dorme. » Le point positif est « que tout le débat virulent d’avant 2010 autour de la castration s’est calmé d’un coup. Si nous ne l’avions pas fait, il aurait été difficile de continuer à engraisser des mâles. »

« Le mâle entier, c’est trop de risque »

Elever des mâles entiers ? Rudolf Bigler n’y songe pas un instant. « Je ne veux pas prendre le risque de livrer une carcasse odorante. Si cela devait arriver, ce serait la catastrophe vis-à-vis du consommateur. » Son atelier produit des charcutiers sous label Terra Suisse commercialisés par Migros, un des principaux distributeurs suisses. Le cahier des charges réclame qu’il détienne des truies gestantes en groupe, qu’il ne les bloque pas en case de mise bas et qu’il leur donne accès à une courette extérieure équipée pour la brumisation. Il peut dès lors espérer de 3 à 8 % de prix en plus alors que sa conduite d’élevage lui permet de sevrer 26 porcelets par truie présente et par an. « Personne ne veut payer le coût de l’anesthésie. Nous n’avons que le choix de nous dire que l’acceptation de nos pratiques par le consommateur est notre valeur ajoutée. »

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