Comment mieux valoriser son lisier en limitant les pertes d’ammoniac
Le renchérissement du prix des engrais minéraux incite à optimiser l’usage des engrais de ferme. Les lisiers et digestats méritent d’être épandus avec des outils performants pour limiter les pertes d’azote ammoniacal.
Le renchérissement du prix des engrais minéraux incite à optimiser l’usage des engrais de ferme. Les lisiers et digestats méritent d’être épandus avec des outils performants pour limiter les pertes d’azote ammoniacal.
Le lisier de porcs est un engrais organique riche en éléments fertilisants dont la teneur, variable d’un bâtiment d’élevage à l’autre, est comprise entre 2 et 8 kg d’azote par mètre cube.
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Près de la moitié de l’azote est présente sous forme ammoniacale (N-NH4). Elle est très rapidement disponible pour les plantes mais aussi très volatile. Quant aux digestats, la part d’azote ammoniacal peut représenter jusqu’à 80 % de l’azote total, la rendant encore plus sensible à la volatilisation.
Trop de pertes avec les palettes
Différents essais menés par les Chambres d’agriculture de Bretagne et la fédération des Cuma Bretagne, montrent que si l’effluent reste à la surface du sol, une importante quantité d’ammoniac s’évapore dans les 24 heures suivant l’épandage. Les pertes d’azote par volatilisation s’élèvent à 50 % de la part d’azote ammoniacal du lisier pour un épandage à la buse palette, matériel le plus émissif. Elles sont de 20 % avec l’utilisation de pendillards. L’utilisation d’un enfouisseur les réduit à presque rien, avec seulement 5 % d’azote ammoniacal volatilisé. Si l’on doit compenser les pertes d’azote ammoniacal par de l’azote minéral, la buse palette devient le matériel d’épandage le plus coûteux, avec un coût total de 5,53 euros par mètre cube, alors qu’avec un enfouisseur, le coût n’est que de 3,22 euros par mètre cube. Le surcoût de ces équipements à l’achat peut provoquer un frein. Mais lorsqu’on observe leur coût réel et les économies réalisables, pendillards et enfouisseurs présentent de nombreux intérêts. Outre la limitation de la perte ammoniacale, les enfouisseurs permettent aussi de réaliser deux opérations en un seul passage : l’épandage et l’enfouissement.
Un outil pour estimer les pertes
L’outil d’aide à la décision AgrivisioN’air (1) développé dans le cadre du projet ABAA (2) propose aux utilisateurs d’estimer les pertes d’azote par volatilisation pour un épandage d’engrais organique ou minéral. L’estimation est faite pour le jour même et les deux jours suivants. La simulation est jugée mauvaise si elle entraîne une perte d’azote ammoniacal de plus de 15 % de l’azote total épandu, moyenne si les pertes sont comprises entre 8 et 15 % et bonne si elles sont de 7 % et moins. Des indicateurs « matériel » et « météo » permettent à l’utilisateur de mieux comprendre d’où viennent les pertes d’azote estimées : est-ce que le matériel utilisé n’est pas assez performant ? Le délai d’enfouissement après épandage trop long ? Est-ce que la météo est particulière favorable aux pertes d’azote le jour où la simulation est mauvaise ? L’ensemble de ces informations permettent à l’utilisateur d’adapter si possible son épandage selon les indicateurs fournis (changement de matériel, changement de la date d’intervention, apport d’un autre produit…) afin de réduire les pertes. S’il n’est pas possible pour lui de s’adapter, ces sorties l’aideront à appréhender les moyens à mettre en œuvre à moyen terme pour réduire les émissions d’ammoniac (investissement dans du matériel peu émissif, stratégie de gestion des chantiers d’épandage…). AgrovisioN’air propose un bilan des émissions sur la campagne en cours et celles passées. Divers indicateurs permettent d’évaluer l’impact du type d’effluent, du type d’engrais ou du type de matériel utilisé sur la volatilisation. L’application indique le potentiel émissif de chaque produit utilisé. Enfin, l’ensemble des pertes d’unité efficace par volatilisation sur l’exploitation est ramené à sa valeur économique en équivalent ammonitrate. De nombreuses démonstrations de matériels performants pour préserver la valeur fertilisante des lisiers sont organisées par les Chambres d’agriculture de Bretagne et les Cuma de l’Ouest, il y en aura forcément une près de chez vous.
Gurvan Leboulch (Fédération des Cuma Bretagne) , Léna Oddos et Anne Guézengar (Chambres d’agriculture de Bretagne).
Partenaires
« J’engage des pratiques vertueuses pour réduire la volatilisation de l’ammoniac »
Soucieux depuis toujours de l’impact de son exploitation sur l’environnement, Bruno Bergot, éleveur de porcs à Bourg-Blanc, dans le Finistère, avait investi dès 1996 dans une tonne à lisier avec rampe pendillards. « Aujourd’hui je possède un élevage de porcs avec un atelier naissage est récent, ce qui me permet de maîtriser les caractéristiques techniques à l’intérieur de l’élevage. » Les pratiques lui permettant aujourd’hui de réduire la volatilisation sont multiples. Il cite notamment l’installation d’une pompe à chaleur permettant de chauffer le bâtiment en recyclant l’air chaud d’une salle à l’autre. « Je maîtrise la ventilation en traitant l’air, ce qui réduit les émissions d’ammoniac. » Avant de mettre en place de nouvelles pratiques, Bruno Bergot souhaite mieux comprendre les flux d’azote sur son exploitation et les bénéfices qui en découlent : amélioration de la qualité de l’air, maintien de la valeur fertilisante du lisier… « La participation au groupe ABAA me permettra de travailler sur des leviers pour répondre à ces attentes, sur la gestion de l’élevage (alimentation par exemple), mais aussi sur la meilleure connaissance de la performance des matériels d’épandage selon les conditions d’application. » Il apprécie aussi la réalisation de diagnostics individuels à l’aide d’outils de diagnostic environnemental (Cap’2ER, Geep, Syst’N) pour mettre en avant les leviers de réduction des émissions d’ammoniac les plus adaptés à son exploitation en élevage et au champ. Le travail en groupe et la collaboration avec la Fédération des Cuma se font à l’échelle du territoire, notamment sur l’organisation des chantiers d’épandage. « La participation à des démonstrations, journées techniques et formation, et l’utilisation d’outils innovants comme AgrivisioN’air permet aux agriculteurs du groupe de monter en compétence et de gagner en autonomie sur la meilleure valorisation de leurs engrais de ferme », conclut Bruno Bergot.
A.G.
Avis d'expert - Hervé Masserot, Cuma Ouest
« L’épandage sans tonne valorise aussi le lisier »
« Les apports de lisiers sur blé sont à réaliser avant le stade épi 1 cm pour éviter les dégâts liés au passage des pneus. La dissociation du transport et de l’épandage peut-être une bonne option. Elle permet un épandage sans tonne ou avec une petite tonne pour intervenir dans des conditions de portance suffisante avec des ensembles plus léger. L’épandage sans tonne permet d’obtenir un bon débit de chantier (hors mise en place du système) et réduit fortement la compaction des sols. Il est plus adapté à un parcellaire groupé avec une fosse ou cuve tampon proche du site d’épandage. Pour compenser le surcoût de cette technique, on privilégiera les effluents les plus riches. »