Bien-être animal : « j’ai arrêté de couper la queue de mes porcelets »
Caroline Grard a arrêté de couper les queues des porcelets de son élevage depuis trois ans et demi. Cette mesure entre dans une démarche individuelle de réflexion globale sur le bien-être animal engagée depuis son installation.
Caroline Grard a arrêté de couper les queues des porcelets de son élevage depuis trois ans et demi. Cette mesure entre dans une démarche individuelle de réflexion globale sur le bien-être animal engagée depuis son installation.
Installée hors cadre familial il y a cinq ans à Philondenx dans les Landes à la tête d’un élevage de 220 truies naisseur-engraisseur, Caroline Grard s’appuyait sur une solide expérience dans la production porcine après une formation au lycée agricole de Pau-Montardon, puis des contrats de travail dans des élevages de la région.
C’est donc en toute conscience qu’elle a pris la décision d’arrêter la coupe des queues systématique de ses porcelets il y a trois ans et demi. « Cette démarche individuelle entrait dans une réflexion globale sur le bien-être animal que j’avais engagée depuis mon installation », explique-t-elle.
La prise en compte des conditions de travail des salariés de l’élevage a aussi été un moteur important. « Un problème de dos survenu après l’arrêt des coupes de queues m’a conforté dans cette démarche, sourit-elle. Avec en parallèle l’arrêt de l’épointage des dents, les soins en maternité et la pénibilité des tâches sont désormais réduits au strict minimum. »
Une démarche progressive
Pour mener à bien cette transition, Caroline s’est reposée sur la technique et l’observation des animaux. La démarche a été progressive. « Nous avons commencé par les portées des truies multipares, celles qui ont acquis le plus d’immunité. Ensuite, ce fut au tour des 2e et 3e portées, puis des cochettes. L’expérimentation ne concernait que quelques cases au début, puis des demi-bandes, pour aboutir à la généralisation de la mesure. »
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En parallèle, tous les facteurs de risques ont été évalués. « Les surfaces de cases ont été minutieusement mesurées pour respecter le chargement préconisé. Des contrôles de ventilation ont été réalisés. » Des jouets ont été installés dans les cases « plutôt plus que les recommandations officielles ». Depuis que les queues ne sont plus coupées, une observation quotidienne des porcelets permet d’agir rapidement en cas de problème. « Nous avons établi une grille qui détermine les mesures à prendre selon le comportement des animaux. Elle dépend beaucoup du positionnement de la queue qui devient ainsi un véritable indicateur du bien-être animal », souligne Caroline.
Si la queue est en tire-bouchon, c’est que le porcelet est en bonne santé et que tout va bien.
Une queue tendue et qui bouge envoie un signal de vigilance. « Quelque chose les énerve. Ce peut être un congénère agressif, mais aussi un problème sanitaire, une sous-alimentation, un défaut d’abreuvement… » Immédiatement, un jouet supplémentaire est ajouté dans la case et des contrôles sont faits sur l’environnement de la case. « Cela suffit la plupart du temps à régler le problème. »
Il arrive cependant parfois que la queue soit attaquée. « Elle descend entre les jambons. Le porcelet veut la cacher de l’agresseur. » Le traitement consiste alors à appliquer un spray antiseptique cicatrisant ou protecteur. Cette mesure est généralement suffisante pour guérir l’animal avant sa mise à l’engraissement.
Grâce à ce protocole strict et réactif, Caroline considère que les pertes de porcelets liées à la caudophagie sont négligeables. Elle déplore cependant des épisodes ponctuels de nécroses au niveau des queues qui provoquent une recrudescence de blessures. « Ces nécroses apparaissent entre deux et trois semaines après le sevrage, indépendamment d’un changement d’aliment ou de bâtiment. » Les plaies qui en découlent sont guéries par l’injection d’un antibiotique. « Avec le cabinet Socsa qui assure le suivi de l’élevage, nous sommes en phase d’identification des facteurs qui peuvent provoquer ces nécroses, notamment au niveau des reproductrices. »
Ça a du sens auprès des consommateurs
Caroline Grard s’est engagée depuis peu dans une petite activité de vente directe sur Bordeaux. Pour cela, elle a créé sa propre marque Les Agapes de Caroline avec un slogan « L’élevage passionnément raisonnable » qui en dit long sur la façon dont elle vit son métier. « L’arrêt de la coupe des queues, et plus largement ma réflexion globale sur le bien-être de mes animaux ont du sens auprès des consommateurs », fait-elle remarquer. Très engagée sur les réseaux sociaux, elle a postulé en décembre dernier au titre de Miss France agricole 2024. « J’aimerais montrer que l’on peut être une femme hors cadre familial, qui réussit et s’épanouit dans ce milieu, écrit-elle dans sa présentation. Je suis sûre qu’il est possible, avec force et passion, de créer des vocations, et de réconcilier le grand public avec notre agriculture française. » La jeune éleveuse a créé un compte Instagram « pour aborder de façon pédagogique la réalité de mon élevage. J’y explique ma vision : allier au quotidien passion, observation, technique et réflexion, au service de la qualité ».
Fiche élevage
SCEA Lacaze à Philondenx (Landes)
Rechercher l’origine des nécroses sur les truies
Les vétérinaires du cabinet Socsa à Vignes (Pyrénées-Atlantiques) qui assurent le suivi sanitaire de l’élevage de Caroline Grard se sont basés sur les travaux d’une équipe de chercheurs allemands pour chercher l’origine des nécroses des porcelets sur leurs mères. « Cette équipe a montré que les porcelets étaient susceptibles de présenter des lésions inflammatoires et nécrotiques (SINS) dès la naissance », résume Guilhem Poudevigne, vétérinaire Socsa. « Ils ont constaté que ces nécroses étaient davantage présentes chez les issus de truies présentant des lésions cutanées ou des troubles digestifs comme la constipation par exemple, affections toutes susceptibles de générer de l’inflammation chez la truie. » Chez Caroline Grard, les vétérinaires ont mis en évidence quelques lésions modérées sur les pieds de certaines truies ainsi que des lésions des mamelles probablement d’origine mécanique (rôle possible du logement des truies gestantes). « Elles pourraient avoir favorisé ces troubles. » Parmi les autres pistes, figure la possible présence de mycotoxines dans les aliments des reproducteurs, et un déséquilibre de la ration des truies gestantes suite à l’incorporation de blé à la place de maïs. « Cette incorporation avait été concomitante à une recrudescence de lésions évocatrices de SINS au niveau des pattes des porcelets nouveau-nés. » Guilhem Poudevigne souligne aussi que l’apport de blé peut parfois provoquer un excès de matière azoté non digestible dans la ration. « Cet excès peut entraîner une perturbation du microbiote intestinal des truies et provoquer une inflammation. »