Perturbations électriques : un éleveur normand condamné à verser 53 000 euros à Enedis
Alain Crouillebois, éleveur laitier dans l’Orne, perd son procès en appel contre le gestionnaire du réseau électrique qu’il attaquait pour préjudices contre son exploitation, après l’installation à quelques mètres d’une ligne électrique souterraine.
Alain Crouillebois, éleveur laitier dans l’Orne, perd son procès en appel contre le gestionnaire du réseau électrique qu’il attaquait pour préjudices contre son exploitation, après l’installation à quelques mètres d’une ligne électrique souterraine.
[Mis à jour le 9 juillet avec le lien vers la cagnotte]
Alain Crouillebois, éleveur laitier dans l’Orne, demandait à Enedis réparation pour les préjudices subis suite à l’installation en 2011 d’une ligne électrique souterraine de 20 000 Volts et d'un transformateur à quelques mètres de son exploitation. En première instance en 2022 le tribunal d’Alençon avait condamné Enedis à verser 140 000 euros à l’agriculteur dont près de 80 000 euros pour préjudice d’exploitation. Suite au recours du gestionnaire du réseau électrique, la cour d’appel de Caen vient de casser la première décision et condamner cette fois-ci l’éleveur à verser près de 53 000 euros à Enedis pour les frais de déplacement de la ligne et du transformateur, à quelques mètres de l’exploitation, en aérien.
C’est scandaleux, la cour d’appel ne tient pas compte des attestations qui confirment le changement de comportement du troupeau
« C’est scandaleux, la cour d’appel ne tient pas compte des attestations qui confirment le changement de comportement du troupeau après le déplacement de la ligne en juin 2019 », confie Alain Crouillebois, désemparé, alors que le jugement l’oblige à verser 53 000 euros dès maintenant à Enedis (soit le reste des frais de déplacement de la ligne). « Je ne les ai pas et la banque ne va pas me les prêter », poursuit l’éleveur qui confie avoir réduit son endettement de 450 000 à 80 000 euros en quelques années.
Une cagnotte en ligne a été créée sur Leetchi pour aider l'agriculteur à payer ce montant.
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Comportements inhabituels des vaches, mammites, problème de croissance des veaux
Pour rappel, installé depuis 1996 à La Baroche sous Luce dans l’Orne, l’éleveur indique avoir constaté de graves problèmes dans l’exploitation de son troupeau (avec des comportements inhabituels des vaches, des mammites, la baisse de la qualité du lait et des problèmes de croissance des veaux) dès 2012, soit un an après l’installation de la ligne souterraine par Enedis.
A sa demande, des travaux de déplacement de la ligne ont été effectués à ses frais en 2019 à la suite desquels il dit avoir constaté une amélioration très nette de la situation, l’éleveur ayant alors décidé d’arrêter les versements à Enedis après avoir versé un acompte de 10 000 euros. Il décide ensuite d’engager une longue procédure contre Enedis pour faire reconnaître son préjudice.
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Un préjudice non caractérisé selon la cour d’appel
Si le tribunal d’Alençon a attesté l’existence d’un préjudice, la cour d’appel estime que cette décision a été prise « à tort », « la réalité d’un préjudice direct et certain » n’étant « pas caractérisé ». Et de se baser sur le rapport du GPSE (groupe permanent pour la sécurité électrique dans les exploitations agricoles dont Enedis est membre) qui établit que « toutes les investigations électriques possibles ont été réalisées, les mises en conformité effectuées et aucune anomalie susceptible d’avoir des conséquences sur le troupeau n’a été mise en évidence ». Le rapport évoque aussi « de nombreux points restant à optimiser : logement, propreté, alimentation, pathologie du pied… ».
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Les avis de deux vétérinaires considérés comme des « suspicions non confirmées »
Un rapport contesté par Alain Crouillebois qui met de son côté en avant les rapports de son vétérinaire habituel et d’un autre vétérinaire mandaté par le GPSE en 2020 qui tous deux constatent « des améliorations sur le comportement des vaches et des veaux » depuis le déplacement de la ligne et du transformateur, le premier ayant par ailleurs émis l’hypothèse dès 2017 que les anomalies constatées dans l’élevage pouvaient résulter de la présence de la ligne électrique et du transformateur. Des conclusions appuyées par la chambre d’Agriculture de l’Orne.
Ces avis ont été écartés par la cour d’appel de Caen qui a jugé qu’il ne s’agissait « que de suspicions non confirmées par le GPSE, qui a pourtant mené de multiples investigations à tous les niveaux ».
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Enedis prend acte de la décision
Contacté par Reussir.fr, Enedis répond « prendre acte de la décision de la cour d’appel de Caen qui reconnait clairement l’absence de perturbations avérées issues du réseau public de distribution, affectant l’exploitation agricole d’Alain Crouillebois ».
Se sentant le « couteau sous la gorge » l’éleveur déplore que la cour d’appel de Caen « ne s’appuie que sur le GPSE, association financée par Enedis et ne tienne pas compte de l’attestation de vétérinaire ».
Alain Crouillebois doit s’entretenir le 28 juin avec son avocat Maître François Lafforgue pour voir quelle suite donner à l’affaire qui, selon ses mots, « a bousillé sa vie ».
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