Génétique
Un OS pour les meilleurs Moutons charollais
L’organisme de sélection Mouton charollais explique le fonctionnement d’un programme de sélection race bouchère, à l’occasion des portes ouvertes de sa station de contrôle individuel.
Le Mouton charollais est la première race à viande utilisée en France pour le croisement terminal, voie mâle. C’est une race saisonnière et d’herbage. « Le mouton charollais est exporté dans 47 pays, en vivant principalement, mais aussi en semence et en embryon », détaille Pascal Chaponneau, président de la race depuis sept ans. L’organisme de sélection (OS) Mouton charollais compte 110 éleveurs adhérents et 7 500 brebis dans sa base de sélection. « Notre mission est d’orienter la race, explique Aline Bonnot, directrice de l’OS. Les phases de contrôle ont pour but de déterminer les béliers aux meilleurs potentiels sur les qualités bouchères et maternelles. »
Un travail de longue haleine
Le programme de sélection de la race repose sur deux principaux outils : la station de contrôle individuel et le testage boucher. Sur 12 000 nouveau-nés chaque année, l’OS appelle 1000 candidats possédant le meilleur potentiel sur papier au vu des parents. Sur les 1000 appelés, seulement 250 agneaux sont présentés à l’entrée de station de contrôle individuel, dont uniquement 140 seront gardés finalement selon leur morphologie et leur génétique. Cette forte sélection permet d’obtenir les meilleurs agneaux répondant au standard de race. « On demande aux éleveurs d’amener les agneaux à une date précise pour une homogénéité de forme des agneaux, précise Aline Bonnot. Ils ont moins de 90 jours à l’entrée en station pour limiter l’effet de l’élevage d’origine. » Après deux semaines d’adaptation, l’OS réalise une première double pesée pour la pesée dite de « début de contrôle ». Quatre semaines plus tard, ils réitèrent une double pesée ainsi qu’une échographie dorsale pour évaluer l’épaisseur de gras et la noix de côtelette des agneaux. Enfin, de nouveau quatre semaines plus tard, doubles pesées et échographies (par un agent homologué) sont réitérées. Ces mesures déterminent les potentiels de qualité bouchère des futurs béliers (croissance, gras, poids à âge type conformation), reflété par un index station centré sur 100. Les améliorateurs en qualités bouchères obtiendront alors un index de synthèse SCI (pour station de contrôle individuel) supérieur à 100. Les qualités maternelles, telles que la prolificité et la valeur laitière, sont aussi déterminantes à l’entrée de station puisque ce sont seulement les fils de mères à agnelles (MA) ou mères à béliers (MB) qui sont appelés en tant que candidats car ce sont les mères aux meilleures qualités maternelles.
Les béliers améliorateurs boucherie
Un bélier alliant les qualités bouchères et maternelles les plus élevées sera classé recommandé mixte (RDM). Ces béliers sont plutôt destinés à retourner en base de sélection. On retrouve ensuite les recommandés terminal (RDT), ayant plus de 100 en index station et dont le père est qualifié améliorateur boucherie (AMBO). Les recommandés croisement (RDC) ont un index station proche de 100 et ont des qualités maternelles élevées. « Parmi les RDM, on en choisit 14 parmi les meilleurs selon le standard de race et l’ascendance pour s’assurer des qualités maternelles », ajoute Aline Bonnot. Ces 14 béliers rejoignent Insem ovin pour passer à l’étape supérieure : le testage boucher. Ce dernier consiste à tester 50 descendants pour chaque bélier. Ces agneaux sont produits dans des élevages partenaires, dit supports et sevrés autour de 70 jours pour être emmenés dans un centre d’engraissement. « Comme ils sont nourris tous à la même enseigne, il sera plus facile de déterminer la part génétique dans leurs performances, détaille Aline Bonnot. Ils sont abattus à poids constant et une quinzaine de mesures sont faites à l’abattoir par l’Institut de l’élevage pour caractériser la carcasse. » Les mesures permettent d’établir un index de synthèse testage boucher. Parmi les 14 béliers sélectionnés, seuls ceux avec plus de 100 seront classés béliers améliorateurs boucherie, et donc qualifié AMBO.
« On crée des animaux avec du potentiel génétique »
« La sélection et la nomination d’un bélier améliorateur boucherie prennent deux ans », précise Aline Bonnot, agacée qu’on ne reconnaisse pas tout le travail qu’implique la gestion d’une race qui permet l’amélioration des carcasses. « Le travail des OS est un travail de longue haleine et de rigueur, décrit Aline Bonnot. Cela demande aux éleveurs sélectionneurs beaucoup de temps et d’engager des frais avant d’avoir des retombées. »
Il y a du monde, d’ailleurs, ce 25 juillet pour les portes ouvertes de la station de sélection des Moutons charollais à Palinges en Saône-et-Loire. Les éleveurs sélectionneur de l’OS sont venus observer les agneaux qui seront mis aux enchères lors du concours national. On regarde, on entre dans les parcs, on vérifie les index. « On peut se noter sur papier une présélection, raconte Pascal Chaponneau. On essaiera ensuite de miser sur ces agneaux lors des enchères. » La station est un outil pour mettre en valeur les moutons de qualité. « On choisit au potentiel sur papier d’abord puis on observe la démarche, les aplombs, l’allure… », décrit Francis Philippon. Il est venu avec un collègue voisin pour acheter deux béliers en copropriété. « On observe de plus en plus d’achats de béliers en commun, appuie Pascal Chaponneau. Cela permet de mettre un prix un peu plus élevé pour les bons béliers et plus de choix aux éleveurs. »
Principalement des élevages mixtes
« Nos limites de ventes sont la conjoncture du marché de la viande d’agneaux et la sécheresse », s’attriste Pascal Chaponneau, le président de la race. Les installations en race Mouton charollais se font moindres. Les troupeaux inscrits sont majoritairement issus d’élevages mixtes, selon Sébastien Charnay, vétérinaire de la station de contrôle. « On observe une diminution du nombre de moutons inscrit, beaucoup d’éleveurs conservent leur troupeau de Moutons charollais de qualité, mais ne passent pas le cap de l’inscription car cela représente trop de contraintes. Les moutons inscrits au schéma de sélection sont quasi tous originaires d’élevages mixtes ovins et bovins. »
Finalement, les stations de contrôle individuel sélectionnent un bélier sur son ascendance mais également sur son phénotype, ses performances bouchères et ses qualités maternelles. « Les OS font un boulot très important pour la filière ovine française tout entière, souvent peu reconnu par les éleveurs, conclut Aline Bonnot. Ce cumul de progrès génétique est destiné à tous les éleveurs producteurs d’agneaux de boucherie. Aujourd’hui, nous avons l’impression que la boucle n’est pas bouclée car peu d’éleveurs utilisateurs utilisent ce travail que ce soit par l’achat de béliers qualifiés issus des meilleures lignées ou via l’insémination. »
Avis d’éleveur : Stéphane Comeau, éleveur sélectionneur de Mouton charollais en Saône-et-Loire
« Être sélectionneur, c’est du temps supplémentaire à consacrer »
« Je suis installé depuis cinq ans sur un élevage avec mon frère et tout notre troupeau est inscrit au schéma. Sur nos 140 agnelages de cette année, j’en ai deux qui ont été sélectionnés pour la station de contrôle. Avec un collègue, on achète tous les ans un agneau lors des enchères. Lui mettant son troupeau en lutte un mois avant notre élevage, ça nous permet de nous arranger. On vient ensemble aux portes ouvertes de la station de sélection. On observe la morphologie de visu d’abord, puis on regarde ce que l’agneau vaut sur le papier. Nous privilégions les RDM, recommandés mixtes. Être sélectionneur, c’est du temps en plus à consacrer. En plus, avec mon frère, nous sommes sélectionneurs en ovins et en bovins. Heureusement, mon fils va s’installer et il pourra nous aider. Une exploitation voisine s’est libérée. Son arrivée est une opportunité de s’agrandir. »