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Berger du ciel
Un drone pour garder les brebis

Depuis l’an dernier, Nicolas Schneidermann se sert d’un drone pour rabattre ses brebis et surveiller son troupeau. Il milite pour en faire un véritable outil des bergers.

Ça a changé ma vie ! » s’enthousiasme Nicolas Schneidermann en parlant de son petit drone qu’il a depuis un an. Quand il était berger dans les collines des Alpes-de-Haute-Provence, il s’est servi de l’appareil volant télécommandé comme complément de ses chiens et de sa présence.

Dès le matin, plutôt que de faire une vingtaine de minutes de voiture pour aller voir ses animaux, il envoie son drone depuis son balcon. En deux minutes, l’appareil est au parc et le berger voit sur son écran via la caméra embarquée si tout va bien. « Si les brebis sont couchées dans le parc, je sais que je peux boire mon café tranquillement. Je regarde aussi s’il y a encore de l’eau dans les abreuvoirs. Dès que j’ai un doute, j’envoie le drone ». Il lui arrive aussi de suivre les vautours pour retrouver un cadavre et le prendre en photo suite à une attaque de loup. D’en haut, le marquage des brebis est visible et Nicolas peut aussi prendre des photos et compter plus tard les brebis noires.

Repérer et réorienter les brebis égarées

Quand il part en colline avec le troupeau, le drone peut lui servir de chien volant pour rabattre les animaux. En descendant près des bêtes, le bruit des hélices fait reculer les brebis. « L’été dernier, j’avais trois agneaux vendéens qui partaient toujours en vadrouille. Je leur ai souvent envoyé le drone et ça m’a économisé pas mal les chiens ». S’il est possible de rabattre avec le drone, la manœuvre peut cependant être délicate. « Un grand coup de gaz fait beaucoup de bruit et il faut faire attention à ne pas trop les effrayer, sinon elles risquent de dérocher ou se casser une patte », avertit Nicolas qui recommande de faire les premiers essais dans des zones faciles…

« C’est magique, tu voles, tu es tout de suite à tes brebis ! »

Amateur de belles photos, le berger de 31 ans a craqué pour un DJI Mavic Pro acheté 500 euros d’occasion (autour de 900 euros neuf). Après avoir fait de belles images et d’impressionnantes vidéos, il a vite vu l’intérêt de ce nouvel outil pour garder les 600 brebis qu’il avait alors en charge dans le Verdon. « Quand elles sont en couchade libre, sans filet ni parc, le drone permet de rapidement les repérer et les réorienter. Cinq minutes de drone et on est sur place, sinon, c’est deux heures à pied et quand tu arrives, c’est souvent trop tard… »

Des assistances pour aider au pilotage

Léger (autour de 700 grammes), le drone de poche est mis dans le sac à dos et emmené pour la journée avec deux autres batteries. La batterie du drone de Nicolas dispose de 15 minutes d’autonomie. « Elles peuvent se recharger sur du 12 volts avec un petit panneau solaire ou une prise allume-cigare. Quand je fais des images, je garde toujours une batterie pour me dépanner au cas où ». Sorti du sac, l’appareil est prêt à décoller en une minute. La télécommande se branche sur le smartphone et l’écran montre ce que le drone a devant lui. « Je le sors surtout quand j’arrive dans les nouveaux quartiers et que les buissons sont hauts. En prenant de la hauteur, on a vite une bonne vision d’ensemble du troupeau. »

L’apprentissage ne semble pas trop compliqué. « Au bout d’une heure, je m’amusais à passer à travers la fenêtre de la caravane », se souvient Nicolas en précisant toutefois que de nombreux bridages, assistances et capteurs aident au pilotage. Il faut normalement toujours avoir le drone en visuel mais Nicolas avoue ne pas toujours suivre cette règle. En passant derrière une montagne, le signal risque de se perdre mais, heureusement, l’engin volant remonte automatiquement à la dernière position de contact s’il se perd. La plupart des drones peuvent aussi suivre un parcours préenregistré, mais le berger n’a pas utilisé cette option.

Un outil utile à tous les bergers

Aujourd’hui, Nicolas est en stage de parrainage pour reprendre une ferme du Puy-de-Dôme. « Quand j’ai montré le drone au cédant, il s’est moqué gentiment. Par contre, quand il a vu qu’on pouvait faire le tour des cinq lots en un quart d’heure, en restant dans le village, ça l’a vraiment intéressé ». Hélas, une erreur de pilotage et le drone s’est écrasé dans un arbre il y a quinze jours. La caméra est bloquée et Nicolas n’est pas sûr de pouvoir tout de suite débourser 300 euros pour le réparer. « J’en reprendrai un quand j’aurais touché la PAC », sourit, amer, Nicolas.

En postant des images et des vidéos sur sa chaîne YouTube « Le berger du ciel », il a échangé avec d’autres bergers intéressés. Il s’étonne par contre des sarcasmes de certains qui voient dans cet appareil une béquille pour mauvais berger. « C’est super pratique pour un gardien débutant comme pour un berger expérimenté, insiste pourtant le pâtre qui a fait ses premières montagnes à 18 ans. Ça ne remplace pas l’œil du berger. S’il n’y a pas de berger, le drone ne sert à rien. »

En savoir plus

La réglementation évolue

Les drones de plus de 800 grammes doivent être déclarés auprès de l’aviation civile et, depuis fin juin, équipés d’une balise wifi. À partir de 2021, la réglementation européenne concernant les appareils de plus de 250 grammes doit également imposer un dispositif de détection qu’il reste à définir. Les pilotes d’aéronefs téléguidés de plus de 800 grammes doivent aussi suivre une formation en ligne.

Un chien-robot de berger en Nouvelle-Zélande

Non ce n’est pas de la mauvaise science-fiction. Boston Dynamics, entreprise américaine spécialisée dans la robotique, a mis récemment sur le marché Spot. Ce petit robot juché sur quatre pattes est étonnant de débrouillardise et n’a aucun problème à se mouvoir en terrain accidenté. La liste exhaustive d’accessoires qui peuvent être embarqués sur sa carcasse l’a tout de suite rendu sympathique aux yeux des professionnels. Déambulant ces derniers temps dans les jardins publics de Séoul, il était équipé d’un haut-parleur rappelant les règles de distanciation sociale face au Covid-19. Les éleveurs ovins néo-zélandais y ont aussi trouvé leur intérêt pour conduire les troupeaux dans des zones accidentées. En remplacement du chien de berger en chair et en os, Spot est programmé pour suivre un itinéraire précis. Cependant, avec une autonomie de seulement 90 minutes, le robot devra faire preuve d’efficacité. Doté de caméras à 360°, il peut porter 14 kg et n’atteint en vitesse de pointe que 6 km/h. À cela s’ajoute son prix, qui avoisine les 66 000 euros… Autant dire que nos bons vieux toutous ont encore de beaux jours devant eux.

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