Dans le massif de la Chartreuse en Isère
Un agneau d’alpage bien valorisé
De par son mode d’élevage, son alimentation, sa vie au grand air et sous la mère, l’agneau élevé en estive vaut de l’or aux yeux de ses producteurs.
De par son mode d’élevage, son alimentation, sa vie au grand air et sous la mère, l’agneau élevé en estive vaut de l’or aux yeux de ses producteurs.
Col du Coq, massif de la Chartreuse. Terroir de montagnes aux portes des Alpes majestueuses. La fin de l’été a sonné le départ de la redescente des troupeaux dans la plaine. Quelques bergers coriaces font durer encore un peu les prairies alpines pourtant rongées par les brebis, le soleil et ce furieux manque de pluie qui touche la France entière. Au petit matin, dans le chalet d’alpage, berger et éleveurs discutent des travaux de la journée autour d’un café fumant. Aujourd’hui, ce sera le tri, le comptage et la sélection de quelques agneaux qui quitteront le troupeau. Abreuvés de l’air pur de la montagne iséroise, élevés sous la mère et sur l’alpage pendant tout l’été, ces agneaux fournissent une viande d’une qualité supérieure. Roland Bouvier, Philippe Veyron et cinq autres éleveurs aux alentours du bassin grenoblois ont souhaité valoriser au mieux ce produit auprès des consommateurs. Pour cela, ils ont créé la marque « Agneau de l’alpage » en 2016. « Nous réfléchissions depuis près de huit ans à comment mettre en avant la plus-value de notre mode d’élevage, car avec la baisse des primes et le décalage de la date de l’Aïd-el-Kébir qui nous empêche de vendre nos agneaux, nous avions du mal à nous en sortir », déclare Roland Bouvier, le président de Viandes agropastorales. Cette association d’éleveurs a été créée en 2016, également par un noyau de moutonniers, mais le président n’exclut pas que des éleveurs d’autres productions puissent rejoindre le mouvement. Pour l’heure, le cahier des charges ne concerne que les agneaux.
Une viande alpine rouge et fraîche
Ceux-ci naissent principalement en mars, sont mis à l’herbe sous la mère puis montent en alpage à partir de juin. Pour être vendus sous la marque Agneau de l’alpage, ils doivent passer au moins 50 jours sur l’estive, donc ne pourront en pratique n’être commercialisés qu’entre la mi-août et fin octobre, au moment de la redescente. Les agneaux ne sont pas complémentés et les éleveurs limitent le plus possible les traitements vétérinaires. Ils visent le zéro antibiotique et ne font les traitements que sur analyses coprologiques. L’agneau de l’alpage donne une viande un peu plus rouge que l’agneau de bergerie. Et la viande, lorsqu’elle arrive chez le boucher, est de première fraîcheur puisque les agneaux sont amenés dans les abattoirs les plus proches des estives ou des élevages (Grenoble, Bourg-d’Oisans, La Mure) et ils sont abattus dans les deux heures suivant leur arrivée sur place.
Seulement, cette marque ne permet une meilleure valorisation que sur une courte période de l’année. « Nous avons donc créé une deuxième marque complémentaire de la première, Agneau de nos fermes ». Ce sont principalement les agneaux trop petits pour être abattus à la descente des alpages et qui sont nourris quelque temps en plaine », explique le président de l’association. Mais certains éleveurs, qui ne veulent plus faire la transhumance, commercialisent tous leurs animaux sous cette deuxième marque, affichant un prix au kilo inférieur de 50 centimes par rapport à l’agneau de l’alpage. « Si certains éleveurs ne montent plus en alpage, c’est à cause de la prédation, alerte Roland Bouvier. Cet été, il y a eu des attaques non loin de notre troupeau. Quand ça arrivera sur nous, notre métier va devenir beaucoup plus compliqué ». L’éleveur remarque notamment qu’avec la pratique du parcage de nuit, les agneaux ont une croissance moins importante. Les principaux canaux de vente sont actuellement les bouchers artisanaux, les supérettes locales et les particuliers, les éleveurs profitant de la population importante des bassins grenoblois et lyonnais. Et depuis cette année, l’association propose également aux comités d’entreprise des colis pour les salariés. Dans ce cas-là, la viande est découpée à l’abattoir ; le colis contient généralement une demi-carcasse et coûte 14 euros.
Un prix payé à l’éleveur fixe et valorisant
Ces débouchés permettent d’assurer aux éleveurs un prix payé à l’animal entier intéressant, fixé sur l’année : 7,64 euros du kg vif pour L’agneau de nos fermes et 8,10 euros du kg vif pour L’agneau de l’alpage ». Les deux marques se font de plus en plus connaître, notamment grâce à leur intégration depuis juin dernier dans la marque départementale Alpes IsHere qui vante les produits locaux. « Nous pourrions envisager de nous agrandir, il y a des éleveurs qui sont intéressés pour rejoindre l’association, annonce Roland Bouvier. Mais nous le ferons toujours en accord avec l’évolution des débouchés, on fonctionne en flux tendu ». À noter que l’association ne compte pas de personnel, tout l’administratif est géré par les éleveurs. Roland Bouvier estime qu’il travaille cinq à six heures par semaine pour gérer les commandes (qui peuvent être prises par téléphone ou via le site internet), trier les factures et ce, sans compter le temps d’astreinte pour participer aux évènements et manifestations (fête de la transhumance, foire agricole, etc.). Cependant, le collectif Viandes agropastorales a construit un partenariat avec la Fédération des alpages qui met à disposition une personne pour l’animation de l’association et apporte du savoir-faire en communication, notamment lors de la création du site internet. « Nous avons déposé une demande pour devenir un GIEE (Groupement d’intérêt économique et environnemental), explique Roland Bouvier. Cela est cohérent avec notre démarche agroenvironnementale et ça nous permettra d’avoir accès à des formations, notamment sur les produits de traitement alternatifs pour les animaux, ou bien sur la recherche de nouveaux débouchés. »
La reconnaissance du métier de berger
Ils sont trois éleveurs à conduire leurs troupeaux ensemble sur les alpages du Col du Coq, en Chartreuse. Roland Bouvier, Philippe Veyron et Olivier Pongan ont créé un groupement agropastoral et c’est Olivier qui s’occupe des 1 200 bêtes pendant toute la période d’estive. À la fois berger et éleveur, cette double compétence est vantée par ses collègues puisqu’il est « à la fois complètement autonome en alpage et il a le coup d’œil de l’éleveur et connaît bien les animaux », apprécie Philippe Vierzon, président du groupement pastoral du Col du Coq. Car la marque Agneau de l’alpage, c’est aussi la reconnaissance du travail du berger et la mise en avant de ses conditions de vie auprès des consommateurs. Cette année, les 218 hectares de l’alpage ont failli ne pas suffire pour nourrir les brebis. « Il manque près de 140 mm de pluie, la Chartreuse est normalement un massif très humide et là, en fin d’alpage, on voit les brebis en train de manger du genévrier, c’est très rare d’en arriver là », s’inquiète Roland Bouvier.