Chez Pierre Largy en Côte-d’Or
Produire 500 agneaux avec 300 brebis Ile-de-France et Texel
Quatre ans après son installation, Pierre Largy produit 500 agneaux, dont 80 % sous label rouge, dans un nouveau bâtiment fonctionnel.
Arrière-petit-fils d’éleveur ovin sélectionneur renommé, Pierre Largy ne s’est pas posé la question au moment de son installation à Écutigny en Côte-d’Or. En 2016, il reprend une exploitation voisine de 130 hectares avec des bovins. Les moutons ont vite remplacé les bovins en rachetant une troupe composée de brebis Ile-de-France et Texel croisées Charollaises. Son projet était plutôt dirigé sur un agnelage d’automne avec des brebis de semi-bergerie.
Après réflexion, il a décidé de conserver les deux races avec trois périodes d’agnelage : 100 brebis Ile-de-France en novembre-décembre, 100 brebis Ile-de-France et les repasses du premier lot en janvier-février et 100 brebis Texel en avril. L’étalement des agnelages s’adapte bien au marché et au calendrier des travaux. L’achat d’agnelles Ile-de-France a permis d’agrandir rapidement le troupeau en 2017.
Des premiers agnelages à 18 mois
Jean-François, le père de Pierre ainsi que son frère Matthieu gèrent chacun leur propre exploitation (bovins lait et viande et cultures), mais le matériel (rachat du quart des parts) et la main-d’œuvre sont mis en commun. « Cela me permet de limiter mes charges de structures, apprécie l’éleveur. L’entraide soulage tout le monde en périodes intensives car chacun peut intervenir dans tous les domaines et c’est plus rassurant moralement. »
Une prolificité moyenne de 177 % et une mortalité agneaux de 7 % révèlent une bonne conduite du troupeau. « Se relever la nuit pendant l’agnelage n’est pas un problème quand on sait que la réussite est au bout ». Les agnelles ne sont pas luttées la première année, c’est un choix assumé. Mais cela réduit le taux de mise bas à 73 % par rapport à l’effectif total des femelles. « On peut penser que ça fait perdre une année mais l’agnelage sur des agnelles jeunes n’est pas toujours une réussite, se défend l’éleveur. Les femelles sont plus développées à 18 mois. »
Une bergerie isolée fonctionnelle
Achevé fin 2016, le bâtiment isolé peut recevoir 250 brebis. Avec une allée d’alimentation centrale surélevée et 234 places en cornadis, la surveillance, les manipulations et l’alimentation sont un point fort. Ce bâtiment est revenu à 190 euros la place après soustraction de 55 % de subventions publiques (PCAE).
Une visite spécifique avait été organisée en janvier 2018 par la chambre d’agriculture pour les éleveurs voisins, toujours curieux des astuces, des points forts et des améliorations à apporter après une campagne d’exercice. « On a toujours à apprendre des échanges et il reste toujours quelques installations à modifier ou à rajouter ».
S’engager en démarche qualité pour valoriser ses agneaux
En moyenne, les frais vétérinaires s’élèvent à 14 euros par brebis. « C’est bien assez cher mais je suis encore en phase d’apprentissage et de maîtrise », reconnaît l’éleveur. Si la conduite sanitaire se limite à une vaccination contre l’entérotoxémie sur les brebis Texel et sur les agneaux Ile-de-France, il en est tout autre pour les traitements contre les strongyloses, la petite douve, voire les œstres sur les brebis. Le point le plus onéreux réside dans les traitements contre la coccidiose. « Je dois perfectionner les paramètres de la prévention contre cette infestation mais c’est plus facile à dire qu’à faire et c’est rarement parfait. »
Une consommation de concentré maîtrisée
En année normale, les brebis reçoivent du concentré et de l’aliment complet allant de 400 à 600 grammes, un mois et demi avant l’agnelage, jusqu’à 900 g en lactation. En années sèches, le lot agnelant en novembre est complémenté toute l’année avec 400 g de mélange. Quant aux brebis Texel, elles reçoivent 500 g de concentré pendant leurs deux mois d’hivernage en bâtiment. La consommation globale de concentré s’élève à 192 kilos par brebis dont un tiers est prélevé à la ferme. Le solde sur coût alimentaire représente 102 euros par brebis.
En 2018-2019, l’ensemble des agneaux a été valorisé 126 euros pour un poids moyen de 19,9 kg. Au final, 80 % des agneaux ont reçu l’estampille label rouge. « Il me reste à régler le tri de mes agneaux pour limiter le gras qui affecte certains sujets qui ne peuvent bénéficier de la plus-value, admet Pierre Largy. Mais, d’après les techniciens d’OP, j’ai du mal à laisser partir mes premiers agneaux que je vois trop petits ! » Les brebis de réforme ont été commercialisées à des prix moyens compris entre 62 et 78 euros.
De résultats techniques et économiques prometteurs
Au programme de la journée organisée à l’automne sur l’exploitation, divers ateliers reprenaient les réussites techniques de cet élevage sur la valorisation des agneaux et la maîtrise de la mortalité. Ils ont aussi abordé des questionnements de l’éleveur sur l’accueil d’un chien de protection au sein du troupeau et la définition de son assolement pour plus d’autonomie alimentaire. Par exemple, Pierre Largy souhaite aujourd’hui valoriser davantage les produits de ses cultures pour l’alimentation de ses ovins. Il s’interroge sur l’avenir du colza sur son exploitation. « Je pense implanter des pois protéagineux de printemps et des prairies multi-espèces riches en légumineuses ».
Les résultats techniques sont bien maîtrisés dans l’ensemble avec une valorisation des agneaux sous label et des charges opérationnelles contenues qui permettent d’atteindre une marge brute de 90 euros par brebis en deuxième année d’installation. La bonne productivité, l’excellente maîtrise des charges courantes et les investissements raisonnés grâce au système de mutualisation permettent aux produits de couvrir le coût de production sur l’atelier ovin et ainsi d’afficher une rémunération permise de 1,93 Smic par unité de main-d’œuvre. L’excédent brut d’exploitation de 65 500 euros, soit 42 % du produit brut, permet de faire face aux annuités de 18 200 euros et de dégager un revenu disponible de 47 000 euros.