Modes d’emploi du pâturage des céréales et des colzas destinés à la récolte
S’il est possible de pâturer ces deux types de culture destinées à la récolte en grains que sont les céréales et le colza, l’intérêt agronomique reste très limité. De plus, des précautions doivent impérativement être prises afin de ne pas pénaliser leur rendement futur.
Le respect du stade végétatif de la céréale lors du pâturage est la condition sine qua non afin de maintenir son potentiel. En effet, à partir de la montaison, le rendement est fortement pénalisé (voir graphique). En revanche, il est maintenu au stade « tallage ».
Une grande variabilité des effets du pâturage a toutefois été mesurée lors d’essais comparatifs¹. Ainsi, ce dernier a majoré le rendement dans 62 % des essais et l’a réduit dans 38 % d’entre eux.
Il est à noter qu’il est majoré dans tous les essais conduits en agriculture biologique. Le rôle de la portance reste à préciser mais la plus forte baisse de rendement induite par le pâturage a été mesurée sur un sol non portant (-25 quintaux par hectare en zone de plaine). Il est donc préconisé de ne pas faire pâturer dans ces conditions.
Une faible biomasse
Le pâturage des céréales est adapté à toutes les catégories animales, la valeur alimentaire étant particulièrement élevée : 1 UFL (unité fourragère lait) et 100 grammes de PDI (protéines digestibles dans l'intestin) par kilo de matière sèche (contre 0,65 UFL et 65 grammes de PDI pour un foin de graminées de qualité moyenne). Toutefois, la biomasse disponible à prélever reste faible. Pour un lot de 100 brebis à faibles besoins alimentaires (taries ou en milieu de gestation), cela signifie une durée de pâturage d’un à trois jours par hectare.Enfin, une réduction de 50 % de la surface des nécroses sur la deuxième feuille à la floraison a été mesurée dans 11 essais sur les 14 concernés par cette mesure. En agriculture conventionnelle, la surface nécrosée est passée de 7 % à 3 % ; en agriculture biologique, de 10 % à 5 %. L’une des explications possibles serait que le pâturage réduit les dommages aux feuilles via l’élimination répétée de l’inoculum de la maladie et la réduction du volume du végétal qui, en aérant le couvert, limitent la contamination.
Pâturage du colza : sans amélioration du rendement
Le colza destiné à la récolte en grains présente une valeur alimentaire équivalente à celle des céréales au stade tallage : environ 1 UFL et 100 grammes de PDI par kilo de matière sèche. De même, il se pâture sans apport de foin ni de paille. Mais aucune amélioration de son rendement n’est à attendre. Et pour ne pas l’affecter, quatre conditions sont à respecter. La première concerne le stade de la plante : le colza doit être robuste, bien développé et parfaitement enraciné.
De plus, le pâturage doit s’envisager en octobre, novembre ou décembre. Défolier les colzas trop tardivement les sensibilise aux à-coups climatiques : gel hivernal et printanier, excès d’eau. La plante doit avoir le temps de « cicatriser » et de produire de jeunes feuilles avant les frimas de l’hiver. Plus la défoliation intervient tard, plus le risque de perdre du rendement est important.
Surveiller les brebis au quotidien
Au cours du pâturage, seul le limbe des feuilles doit être coupé, sans trop endommager les pétioles et surtout sans consommer l’apex (cœur de la plante). Surveiller la parcelle quotidiennement est alors indispensable. Dès qu’une zone commence à être trop pâturée, les brebis sont déplacées. En général, elles pâturent un à trois jours maximum par parcelle avec un niveau de chargement de 80 à 100 femelles par hectare en chargement instantané.Enfin, deux conditions de pâturage sont à proscrire. Le piétinement des animaux sur un sol gorgé d’eau dégrade la culture voire la détruit par zones. Les conditions humides et les sols hydromorphes sont donc à éviter. Par ailleurs, le pâturage diminue le nombre de larves d’altises par plante mais accroît leur nuisibilité. Si le colza est très infesté, mieux vaut ne pas le faire pâturer.Côté biblio
« Pâturage du colza oléagineux d’hiver par une troupe ovine : quels bénéfices ? quels risques ? quelle conduite ? » Aurore Baillet, Terres Inovia 2022