Les farmers dans l’incertitude de l’après Brexit
Le Sheep Event britannique est l’occasion de rencontrer les éleveurs et les professionnels et de prendre la température de la filière ovine d’Outre-Manche.
Le Sheep Event britannique est l’occasion de rencontrer les éleveurs et les professionnels et de prendre la température de la filière ovine d’Outre-Manche.
C’est sous une météo extraordinairement sèche pour un mois de juillet dans le Worcestershire que la National sheep association (NSA) a ouvert les portes du Sheep Event. Le salon des moutonniers britanniques, qui a lieu tous les deux ans à Malvern, à 200 kilomètres au nord-ouest de Londres, réunit éleveurs, syndicalistes, politiques et fabricants de matériel dans ses allées. L’occasion aussi pour la NSA de rassembler ses troupes, de recruter de nouveaux membres et d’apporter des réflexions si ce n’est des réponses à travers de nombreux ateliers thématiques et conférences. Le Brexit, au centre des préoccupations des éleveurs, se taille la part belle dans les diverses interventions, renvoyant sans arrêt au thème de l’édition 2018 du Sheep Event : « prospérer dans un avenir incertain ». L’avenir est flou pour les éleveurs ovins qui ne voient pas tous d’un bon œil la sortie de l’union européenne. Bien que la NSA ne se soit positionnée ni pour ni contre le Brexit, elle a cependant toujours œuvré pour que les éleveurs de moutons soient pris en compte dans les négociations en cours et à venir. « Les éleveurs de brebis anglais touchaient beaucoup d’argent de l’Union européenne et un grand nombre d’entre eux sont encore complètement dépendants de ces subventions », avertit Phil Stocker, directeur de la NSA. Il renvoie la balle au gouvernement britannique, qui doit, selon lui, « prendre ses responsabilités et verser ces subventions dans la continuité pour assurer une transition en douceur ».
Développer le marché national pour compenser le Brexit
Pour autant, les idées ne manquent pas, ni aux éleveurs britanniques ni aux fabricants de matériel, pour augmenter la compétitivité de la filière ovine. Selon Edward Adamson, représentant de l’Irlande du Nord à la NSA, « le Brexit va être l’occasion pour les Britanniques de se tourner davantage vers la production nationale. » À ce titre, la filière laine qui aujourd’hui bat de l’aile pourrait reprendre du poil de la bête dans les années à venir. Avec davantage de protectionnisme, les Anglais pourraient préférer l’approvisionnement en fibre local plutôt que des dérivés synthétiques ou du coton chinois. À plusieurs reprises et au cours des diverses conférences, cette idée de développer le marché domestique national est citée. Cela concerne en priorité le marché de la viande d’agneau, qui peine à se maintenir à niveau, très fortement concurrencée par le porc et la volaille. La consommation anglaise moyenne est descendue à 2,7 kg de viande d’agneau par personne et par an. Et les éleveurs d’Outre-Manche sont, davantage qu’en France, confrontés à la montée du véganisme. La NSA se bat au quotidien contre les fausses affirmations véhiculées par ces militants extrémistes et rappelle à travers une campagne de promotion de l’élevage ovin à quel point cette activité est bonne pour l’environnement et respectueuse du bien-être animal. À cette situation complexe demandant une constante vigilance sur plusieurs fronts, s’ajoute la sécheresse qui frappe l’Europe cet été.
Gérer le parasitisme pour augmenter la productivité
Parmi les innovations du salon, le groupe Techion, spécialisé dans les biotechnologies et l’entreprise Sainsbury’s ont mis au point un kit d’analyse à destination des éleveurs. Dans une étude de marché, ces derniers ont reconnu pour la plupart avoir été surpris par la charge parasitaire de leurs animaux après que des coprologies ont été effectuées. Le projet FecpackG2 est une technologie néo-zélandaise qui devrait bientôt arriver sur le marché français. Eurion Thomas, responsable Europe à Techion, recommande l’équipement pour les éleveurs produisant plus de 300 agneaux par an. FecpackG2 est un outil permettant à l’éleveur de faire lui-même les comptages d’œufs de parasites sur un échantillon de fèces prélevé sur l’exploitation. Le kit comporte également un logiciel capable de prendre en photo l’échantillon et de transmettre l’image à un technicien. Une fois tous les échantillons analysés, les résultats sont retransmis à l’éleveur, au vétérinaire et au conseiller d’élevage. « C’est un pas en avant dans la gestion des parasites en élevage, l’éleveur peut ajuster les traitements plus précisément grâce à des informations plus fréquentes et plus rapides », explique Eurion Thomas. Pour les éleveurs anglais, Sheep Event est toujours l’occasion de découvrir ce type d’avancées technologiques. Valerie et Nigel Durnford, couple d’éleveurs dans le Gloucestershire, s’enthousiasment : « ce salon est le lieu où nous pouvons rencontrer et discuter avec d’autres éleveurs venant de tout le pays. Nous visitons les stands pour trouver la meilleure qualité au meilleur prix. »
Le Brexit au centre des préoccupations
Pas de sécheresse semblable depuis 40 ans
Les campagnes anglaises n’avaient pas souffert d’un tel manque d’eau depuis 1978. « C’est catastrophique pour nos éleveurs, s’inquiète le directeur de la NSA. L’herbe se fait déjà rare en juillet et les premières coupes de foin ont d’ores et déjà été distribuées. Le stock d’agneaux risque d’être fortement impacté ». Les éleveurs peuvent toujours acheter des fourrages à l’extérieur mais cela reste onéreux. Concernant la sortie de l’Union européenne, la situation est beaucoup plus délicate. En effet, « les éleveurs ovins ne sont pas préparés au Brexit pour la simple et bonne raison que nous ne savons toujours pas ce qui va en résulter, s’impatiente Phil Stocker. Les éleveurs sont plein de bonne volonté quant à l’avenir, ils se montrent compréhensifs pour la plupart mais ne peuvent pas faire plus. » Mike Gooding, directeur de l’abattoir Farmers Fresh, s’est montré confiant en l’avenir : « les éleveurs arriveront à s’adapter au changement, ils le font tout le temps. » Et les moutonniers britanniques ne sont pas laissés seuls face à leurs difficultés. Ainsi, l’AHBD (Agriculture and Horticulture Development Board) Beef and Lamb, une association comparable à nos interprofessions françaises, milite pour la promotion de la filière ovine et propose des pratiques innovantes pour les éleveurs. Parmi les ateliers de démonstration présents sur le stand de l’interprofession, l’outil Farmbench permet aux éleveurs de comparer leurs coûts de production avec des résultats d’exploitations régionalisés et nationalisés. Plus de 70 critères, répartis en quatre catégories (performances économiques, performances zootechniques, coûts variables et coûts fixes) sont décortiqués, analysés et comparés. Ailleurs, sonde échographique en main posée sur l’échine de l’animal, le technicien Stewart Nellist explique : « avec les ultrasons, nous pouvons mesurer l’épaisseur de gras et de muscles. L’éleveur peut faire cette manipulation avec des agneaux de 18 à 20 semaines, cela lui permet de mettre de côté les moins bons agneaux et de mieux valoriser ceux qui présentent la meilleure conformation ». Sur l’écran de contrôle, le technicien pointe trois fois le gras et une fois le muscle. « Cette technique permet de savoir précisément la qualité bouchère de l’agneau et peut indiquer un défaut d’alimentation ou de croissance », détaille Stewart Nellist.