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Prédation
Le loup, un sujet majeur pour la FNSEA

L’altitude réussit au président de la FNSEA. En lançant : « il est temps de nous réveiller ! », Xavier Beulin a sonné l’heure d’une évolution-révolution attendue par ses troupes : tant sur le plan de l’honneur retrouvé de l’agriculture française que d’un refus du parisianisme exacerbé dans la gestion gouvernementale des dossiers.

Coco Bonnardel, l’éleveur ovins de Mônetier les Bains, au pied du Galibier, a reçu Xavier Beulin et lui a présenté un bouc et une chèvre nés le jour de l’élection présidentielle de 2007 et qui ont pour nom, respectivement : Nicolas et Ségolène….
Coco Bonnardel, l’éleveur ovins de Mônetier les Bains, au pied du Galibier, a reçu Xavier Beulin et lui a présenté un bouc et une chèvre nés le jour de l’élection présidentielle de 2007 et qui ont pour nom, respectivement : Nicolas et Ségolène….
© N.Massat

En visite sur une exploitation ovine, à 1 500 mètres d’altitude dans les Hautes-Alpes, Xavier Beulin, au-delà d’un positionnement ferme sur le dossier prédations (tant l’ours dans les Pyrénées que le loup dans les Alpes), a en quelque sorte engagé une bataille décisive : redonner de la fierté aux agriculteurs en luttant à armes égales avec ceux qui « ont une vision dogmatique et ne reconnaissent pas le travail de la main de l’homme ». Lutter comment ? en usant de la même arme : cette communication qui utilise « un autre langage que le nôtre ».

D’autre part, il a déclaré en avoir « marre d’être dirigé par des gens qui ne franchissent jamais le périphérique » pour, au final, proposer de « combiner intelligemment économie et environnement ». Le président de la FNSEA a privilégié la clarté, l’efficacité des mots quitte à surprendre parfois son auditoire notamment lorsqu’il a déclaré « avoir dîné récemment avec François Hollande, un Corrézien, un élu rural avec qui on peut se comprendre ! »

Propositions constructives mais fermes

La FNSEA retournera siéger au Comité loup le 3 novembre. « Si nous avons séché ces réunions c’est pour donner un signal fort au gouvernement ». Le retour à la table des négociations ne se fait pas les mains vides : un certain nombre de propositions devront être débattues.

« Le vrai sujet c’est celui de la régulation et non de l’extermination ; une régulation tant quantitative que territoriale. Nous demandons que l’arrêt des prélèvements 2011 soit levé. Nous demandons de sortir de ce système de quota annuel qui n’a pas de sens dans la mesure où il n’y a pas de stabilité de la population de loups ».

D’autre part, Xavier Beulin, répondant à une demande forte des éleveurs a mis sur la sellette « le rôle des pouvoirs publics ». Est-ce aux éleveurs à assurer la régulation du loup ? Certes non ! Reprenant l’idée du président de Chambre d’agriculture des Hautes-Alpes, Pierre-Yves Motte, il a proposé « de donner plus de moyens aux commandants de louveterie et aux gardes ONCFS » à qui il revient de remplir cette fonction de régulation. Et ce, sans pour autant retirer le droit de tir de défense aux bergers et éleveurs.

Puis, Xavier Beulin a, sans état d’âme, touché à un tabou : la Convention de Berne et la Directive Habitat. « La réglementation n’est plus adaptée car elle est la traduction d’une pensée des années 90 » ; pensée qui reposait sur un constat qui n’a plus cours à savoir la présence d’une poignée de loups. « Il faut de nouvelles avancées. Il faut rouvrir le protocole, la demande officielle en sera faite prochainement ».

Le président de la FNSEA a ensuite fait référence à l’article 113 de la Loi de modernisation agricole de 2010 : L’Etat doit assurer la pérennité des exploitations et le maintien du pastoralisme en particulier en protégeant les troupeaux des attaques de loup. Sévère, il a estimé : « si les parlementaires votent une loi et qu’ensuite l’Administration s’embourbe et ne la traduit pas dans les faits, comment voulez-vous que le citoyen ait envie de voter ? » Les problèmes à court terme, ceux d’une juste indemnisation ne seront donc pas laissés de côté.

Après cet éclairage sur les propositions du syndicat et l’expression d’une fermeté sans faille, Xavier Beulin a prévenu : « il va arriver un moment où nous allons devoir nous, élus, agriculteurs, éleveurs, nous rassembler dans un mouvement d’envergure ». A bon entendeur salut ! La montée sur Paris est déjà dans les esprits. Et de conclure : « Il est temps de nous réveiller ! Sachez que les responsables nationaux prennent ce dossier à bras le corps ».

Plaidoyer pour un esprit républicain retrouvé

Se portant au cœur du problème, dans un cadre plus général, Xavier Beulin a tiré la sonnette d’alarme quant à « l’installation d’une forme de vindicte qui s’installe ; vindicte organisée qui, est en train de convaincre l’opinion publique des bienfaits de la réintroduction de l’ours ou de la présence du loup ». Et ce, « en se moquant des conséquences que cela peut avoir ». A trop ignorer « les contraintes, les difficultés de terrain, à trop éluder ce qu’est la pratique, il y aura à terme des sanctions… » Poussant plus loin l’analyse, le syndicaliste a jugé que « l’esprit républicain doit l’emporter sur d’autres considérations ». Or, aujourd’hui, sur certains dossiers, on a perdu l’esprit républicain ».

De fil en aiguille, le président de la FNSEA a débouché sur un dossier qui semble lui tenir à cœur : celui de la mise en place d’une communication générique « sur nos métiers, sur ce que nous apportons à la société. Ce qui nous attend demain, c’est une négociation permanente avec des gens qui font l’opinion. Actuellement, nous répondons de manière rationnelle, technique à des arguments qui sont, eux, d’une autre nature : idéologique, philosophique.

Nous devons donc répondre avec un autre langage

Pour lui, il est inadmissible qu’un citoyen parisien remette en cause l’activité agricole et dans le même temps soit un consommateur acharné de l’espace entretenu… par les agriculteurs ! C’est ce lien entre cause et effet que Xavier Beulin veut en quelque sorte réactiver par une communication et une pédagogie adaptée.

Et de lancer un appel aux organisations professionnelles - « qui ont sûrement trop d’ingénieurs et de techniciens et pas assez de sociologues » - pour dégager des moyens en ce sens.

La venue de Xavier Beulin sur ce territoire de haute montagne avait enfin un autre but : lancer un appel à « la cohérence syndicale » pour l’ensemble des chantiers qui s’ouvrent : G20, PAC 2014…

Jean Lagier Tourenne, président de la FDSEA des Hautes-Alpes, avait imaginé une sorte de graduation dans les témoignages d’éleveurs : quand le loup arrive, quand on le vit, quand on le subit. Nous avons eu le récit d’une éleveuse du Vaucluse, Marie-Hélène Bonnet, à la tête d’un troupeau de 750 brebis sédentaires, totalement désemparée par une première attaque. Puis, Coco Bonnardel, l’éleveur qui a reçu Xavier Beulin dans sa ferme, a évoqué le stress du berger, souvent à bout de nerf avant la fin du temps d’alpage et qui craque laissant démuni un propriétaire lui aussi angoissé.

Enfin, Jean-Pierre Imbert, éleveur dans le Queyras qui se frotte au loup depuis 20 ans a souhaité que « les instances nationales fassent le lien entre ces différents types de vécu afin que les plus aguerris fassent profiter les néophytes de leur expérience ».

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