Entente franco-italienne
La prédation menace l'économie du massif alpin
Fin juin, les éleveurs ovins de la vallée de l'Ubaye et des représentants des éleveurs ovins italiens se sont rencontrés pour évoquer le problème de la prédation
D’après Yves Derbez, président de l’association « Eleveurs et montagne », basée à Digne-les-Bains dans les Hautes-Alpes, la situation est critique dans les Alpes de chaque côté de la frontière franco-italienne. Comme en France, le loup attaque davantage de troupeaux d’années en années en Italie et il agit désormais aussi bien le jour que la nuit. Réunis à Barcelonnette fin juin, des représentants français et italiens ont échangé sur ce problème de prédation qui touche principalement les ovins. Des deux côtés, une lassitude s’est installée, des éleveurs abandonnent car ils ont trop souffert et n’ont plus le courage de continuer.
Contrairement à leurs homologues français, les éleveurs italiens n’emploient pas de bergers pour la montée en estive, car ils ont de plus petits troupeaux, qu’ils laissaient habituellement sans surveillance, avant le retour du loup dans les années 90. Ils sont désormais obligés de les garder et n’employant pas de bergers, ils ne peuvent pas quitter les alpages pour déclarer les attaques. Difficile dans ce cas d’être indemnisé.
« Les petites exploitations familiales ont été les premières à abandonner les pâturages » explique Stefano Martini, de l’écomusée du pastoralisme de la vallée de la Stura. « J’ai subi sept attaques l’an dernier et une vingtaine de mes bêtes ont disparu, confirme Marzia Verona, éleveur dans le Piémont, qui possède 400 brebis et en garde 400 autres. C’est encore plus compliqué lorsqu’il y a du brouillard ». Marzia ne souhaite pas partir car elle est née dans ces montagnes. « Il est difficile voire impossible de trouver un alpage ailleurs » regrette-t-elle. Le loup représente pour elle et son compagnon également éleveur « une dépense supplémentaire depuis 1995 ».
D’après Michele Corti, professeur à l’université de Milan, les loups « seront bientôt 300 dans les Alpes italiennes ». Pour l’ensemble du pays, le chiffre de mille est avancé. Pour les comptabiliser, les Italiens analysent les traces laissées dans la neige et se basent sur les hurlements. En 2011, 343 victimes ont été déclarées dans le Piémont. Si, dans les Alpes françaises, les troupeaux ovins sont des troupeaux allaitants, en Italie, il y a de nombreux troupeaux de brebis laitières, avec une problématique encore différente. En effet, « la traite est de moins en moins pratiquée à cause du loup » explique Luca Battaglini, professeur à l’Université de Turin. Les producteurs fermiers éprouvent des difficultés à garder leur troupeau tout en transformant leur lait en fromages.
Les Italiens ont chiffré le coût du loup à 6 000 euros par an par éleveur. Des moyens de protection ont été mis en place, du même type que ce qui est réalisé en France : aide-berger, chiens de protection, clôtures. « Mais il existe de plus en plus de polémiques sur la présence des patous » relate Marzia. « Les gens n’ont plus peur du loup, mais du chien ! Beaucoup ont mordu des touristes. Nous déconseillons leur passage dans les zones à patous ». Les Italiens et les Français se retrouvent sur beaucoup de points.
A l’issue de cette réunion, les participants dont l’association Eleveurs et Montagnes, la Fédération régionale ovine du sud-est, Jeunes agriculteurs, la Fédération départementale ovine, les chambres d’agriculture 04, 06 et 83, les membres de l’association Alte Terre (Val Maïra, Piémont , Italie) et de l’Associazione pastori lombardi ont signé un communiqué commun, demandant aux pouvoirs politiques « une régulation efficace et sérieuse ne mettant pas en danger l’espèce et se substituant aux actuels prélèvements ». Ils souhaitent la révision de la Convention de Berne, qui protège le loup.