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« J’optimise la gestion de l’herbe et mon système ovin pour faire face aux sécheresses »

Gaël Jacquey élève 320 brebis dans la Nièvre, une zone bocagère confrontée à des sécheresses estivales marquées. Sa stratégie repose sur le croisement de races et la gestion optimisée du pâturage.

Ancien fleuriste, Gaël Jacquey s’est reconverti en tant qu’éleveur ovin en 2018. Originaire de Haute-Saône, son projet l’amène à s’installer sur une ancienne exploitation de vaches allaitantes à Neuville-lès-Decize dans la Nièvre où il achète les bâtiments et le foncier. L’ancienne stabulation est transformée en bergerie d’une capacité de 300 places lui permettant de lancer son activité et d’acheter 60 brebis et 120 agnelles de race Texel. Par conviction, il convertit l’exploitation en agriculture biologique.

Depuis 2018, les sécheresses estivales et les épisodes caniculaires posent problème. « Les prairies sont moins productives avec le réchauffement. En 2023, il a fallu beaucoup affourager, j’ai quasiment passé tout le stock, il ne restait qu’une tonne de foin avant la récolte 2024. » Gaël est toujours autonome en foin, il n’achète que le concentré pour les agneaux, les minéraux et la paille pour la litière. Selon la période d’agnelage et la valeur du foin, un méteil peut être distribué aux brebis en bergerie.

Jouer sur la diversité de races et les périodes d’agnelage

 

 
<em class="placeholder">Brebis en paddock de 1,25 ha</em>
Les parcelles de 1,25 hectare en moyenne sont redécoupées à la clôture mobile et sont pâturées pendant trois jours. © C. Rainon

« J’ai un système qui évolue pour tenter de faire face aux problématiques climatiques et sanitaires actuelles ; pour y répondre, j’adapte le choix de races ou encore les périodes de mises bas. » À la suite d’un début décevant avec ses 180 brebis Texel, l’éleveur a acquis 50 Limousines pour la rusticité, et il a gardé ensuite la progéniture en croisant. « J’évite le Texel pur, je fais aussi des croisements avec des béliers Suffolk pour améliorer la rapidité de croissance des agneaux. » Les béliers de race Charmoise sont mis uniquement sur les agnelles pour faciliter les mises bas.

Pour 2025, deux périodes de mises bas sont prévues. En janvier-février, les 130 premières brebis croisées et en mars-avril pour le reste du troupeau. Sur janvier-février, les brebis sont uniquement en bergerie, c’est donc plus simple pour les alimenter, ou pour réaliser des interventions. « Elles sont complémentées avec du méteil, et les agneaux ont accès à volonté à de l’aliment, lequel est maintenu au pâturage. Sur mars et avril en revanche les brebis n’ont pas de complémentation, elles sont principalement à l’herbe et reçoivent des regains de foin le soir en bergerie. » Les agneaux de ce second lot sont élevés à l’herbe jusqu’au mois d’août. Par la suite, un aliment complet aidera à leur finition.

Opter pour le pâturage tournant dynamique

Gaël suit en 2017 un certificat de spécialisation en ovins viande au CFPPA de Mirecourt, dans les Vosges. Les dix mois de formation intensive sont ponctués de visites d’élevages, avec un accent particulier sur la valorisation du pâturage. Lors de son stage chez un éleveur souhaitant mettre en place du pâturage tournant, il se voit confier l’aménagement des paddocks pour 700 brebis. Fort de cette expérience, il décide de se lancer.

 

 
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L'éleveur déplace une cuve de 25 à 30 litres qu'il branche à une arrivée d'eau. © C. Rainon

À son installation, Gaël redessine ses parcelles, auparavant adaptées aux bovins, en posant des clôtures fixes pour créer des parcs plus petits de 49 mètres de large. « J’ai posé beaucoup de clôtures et préféré redécouper ces couloirs avec des filets mobiles de cinquante mètres de long. » Au total, le découpage des parcelles lui coûte 9 500 euros hors taxes pour l’installation de clôtures fixes et mobiles.

Ainsi, l’éleveur pratique le pâturage tournant sur des parcelles de 1,25 hectare en moyenne, celles-ci étant redécoupées pour être pâturées pendant trois jours. Le chargement moyen sur l’année est d’une unité gros bovin (UGB), soit environ six brebis par hectare de SFP [surface fourragère principale]. Pour Gaël, le concept du pâturage tournant permet certes de valoriser efficacement l’herbe mais il présente aussi certains inconvénients. « Il est difficile d’avoir un chargement identique tous les jours. Il a fallu aussi installer le réseau pour amener l’eau. »​​​​​ À chaque changement de parcelle, il déplace un bac de 25 à 30 litres avec niveau constant qu’il branche à une arrivée d’eau. L’éleveur a investi un total de 3 700 euros pour l’installation du réseau d’abreuvement.

 
<em class="placeholder">Christophe Rainon, conseiller ovin de la chambre d&#039;agriculture de la Nièvre.</em>
Christophe Rainon, conseiller ovin de la chambre d'agriculture de la Nièvre. © B. Morel

Christophe Rainon, conseiller ovin de la chambre d’agriculture de la Nièvre

« Un système économe et efficace à son échelle »

« Grâce à la gestion efficace du pâturage et avec des agnelages calés sur la pousse de l’herbe, la consommation en fourrage et en concentré est faible. En 2023, 2,5 kilos de concentrés ont été nécessaires pour produire un kilogramme de carcasse d’agneau, c’est peu. En systèmes ovins spécialisés herbagers de Bourgogne Franche-Comté, on est plutôt entre 9 à 13 kilos de concentré par kilo de carcasse, et dans des fermes ovins viande du Massif central en AB, c’est autour de 3,4 kilos par kilo de carcasse. Gaël exploite une petite structure tout en herbe et se doit de maîtriser les charges ; l’achat d’aliment s’élève seulement à 22 euros par brebis et il dispose d’un parc matériel limité, essentiellement pour la fenaison. Le curage et l’épandage du fumier sont réalisés par entreprise. Avec 40 600 euros, l’EBE reflète une bonne efficacité économique du système. »

Chiffres clés

54 ha de SAU tout en prairie permanente

320 brebis croisées (Suffolk, Texel x Limousine, Texel)

8 béliers (Suffolk, Limousine, Dorper, Charmoise)

147 kg de foin et 35 kg de concentré par brebis

96 € par brebis de marge brute avec l’aide ovine

40 600 € d’EBE

1 UMO

Pourquoi planter des arbres ?

Le soleil pose problème aussi dans la pratique du pâturage tournant.

« Le manque d’ombre, je voyais ça négativement pour le bien-être animal. » Sur ce point, l’idée, déjà présente à son installation, est de planter des arbres. « Dès mon arrivée sur l’exploitation j’avais dans l’idée de faire ça. J’ai planté une centaine d’arbres tout seul il y a un an et demi. Des acacias, des conifères, du chêne rouge d’Amérique et des fruitiers. Les conifères n’ont pas tenu le climat sec, la plupart ne sont pas repartis à l’inverse des fruitiers sauvages qui poussent ici. »

Procurer de l’ombre aux animaux, abriter du vent, favoriser une biodiversité fonctionnelle, permettre une thermorégulation de la parcelle… les intérêts avérés de

l’agroforesterie

sont nombreux selon Étienne Bourgy, chargé de mission agroforesterie à la chambre d’agriculture de la Nièvre. Accompagné par ce dernier, le projet agroforestier de Gaël voit le jour. Après avoir choisi les essences d’arbres et réalisé un schéma d’implantation,

900 arbres

espacés de 5 à 10 mètres sont plantés sur des alignements intraparcellaires à intervalle de 50 mètres et protégés de part et d’autre par des clôtures. Côté vents dominants,

790 mètres linéaires de haies

délimitent les parcelles avec celles du voisin.

Une plantation d’arbres aidée à 100 %

Il bénéficie des subventions octroyées dans le dispositif France Relance « Plantons des haies ». « Les aides financent à hauteur de 100 % depuis le travail du sol, l’achat des plants jusqu’à la mise en place des protections. Les travaux ont été réalisés par un pépiniériste hormis la pose de clôtures mais l’ensemble est financé, sauf le poste électrique. » Il est nécessaire de planter au minimum 30 arbres à l’hectare pour être éligible aux subventions.

 

 
<em class="placeholder">Plantation de jeunes arbres dans un pré.</em>
Les alignements d'arbres intraparcellaire représentent au total 900 arbres. © A. Debacq

Au total, une somme de 27 400 euros lui est allouée dans le cadre de ce plan de relance. Le projet agroforestier de Gaël représente un travail supplémentaire non négligeable ; tous les arbres sont paillés pour éviter l’enherbement et garder la fraîcheur. Cependant, ils ne sont pas irrigués et l’éleveur n’a pas observé un taux de pertes important après la plantation.

Utiliser les arbres comme complément des fourrages

En fonction des objectifs recherchés (arbres de haut jet pour faire de l’ombrage par exemple), un suivi de taille est nécessaire. La majorité des arbres est utilisée pour le fourrage mais certains agriculteurs privilégieront d’autres valorisations, telles que le bois litière ou le bois énergie.

Les qualités fourragères des arbres varient, et ainsi, la diversité des essences permet de bénéficier d’une complémentarité en termes d’apports nutritionnels. Gaël a sélectionné le châtaignier, le merisier, le noyer, le chêne, l’érable et principalement le tilleul et l’orme, ces deux derniers tolérant bien la taille et constituant une ressource alimentaire intéressante pour les brebis. « Le châtaignier, lui, a une valeur nutritionnelle similaire à une graminée. » Gaël compte aussi sur les châtaignes tombées au sol pour nourrir ses brebis.

Le saviez-vous

Les arbres permettent une meilleure régulation de la température et atténuent les températures extrêmes :

-11 °C en période de canicule (écart de température plein soleil/sous arbre isolé).

+ 2 °C/-2 °C réciproquement en hiver et en été sur les valeurs extrêmes de température dans un système bocager.

Rédaction Réussir

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