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Un jour avec
Joanes Lerdou, affineur de fromages

Le saloir Balaka, à Esquiule dans les Pyrénées-Atlantiques, affine 80 tonnes de fromages : les siens et ceux de producteurs fermiers.

7 h 30

Joanes entre dans son bureau pour contrôler les températures et hygrométries des trois salles d’affinage du saloir sur un ordinateur de contrôle. La température doit être de 11 °C. En revanche, chaque salle a sa propre hygrométrie : la grande salle est au-dessus de 95 %, la petite salle est à 90 % et 92 % pour la dernière cave. Sur l’autre ordinateur, il contrôle aussi ses courriels : un producteur l’avise qu’un client passera récupérer une commande cet après-midi. Il enfile sa tenue, ses bottes et son tablier. Il se rend dans la laverie pour rincer et égoutter ses tabliers blancs et les chiffons de frottage, qui sont des morceaux de sacs de pommes de terre.

8 h

Le premier éleveur, Jean-Luc Etchart de l’EARL Oyhanbu, à Pagolle, arrive avec 123 kg d’Ossau-Iraty fermiers, fabriqués dans les jours précédents. Lors du déchargement, Joanes repère tout de suite des fromages qui comportent quelques trous, il les cogne pour les faire sonner et vérifier qu’ils ne sont pas gonflés. Jean-Luc l’aide à positionner ses fromages sur les grilles. La pile est ensuite pesée. Joanes a autant de carnets que de fournisseurs, soit 45. Il inscrit sur une page datée le nombre de fromages plus le poids total. Les deux contresignent. Jean-Luc explique qu’il aurait la place dans son saloir à la ferme pour affiner ces fromages, mais la main-d’œuvre faisant défaut, il s’allège cette charge de travail, en confiant une partie de sa production au saloir, pour que ce dernier l’affine et la vende. Vont se succéder lors de la matinée une dizaine d’éleveurs de brebis, chèvres et vaches. Certains déposeront une vingtaine de kilos, d’autres une centaine, certains ont un saloir à la ferme et déposent leur surplus, d’autres ne maîtrisent pas l’affinage et s’adressent au saloir pour les compétences de Joanes. Entre chaque dépôt, ce dernier se désinfecte les mains.

11h

© A. Dazet
Comme tous les mois, Guillaume Saraille, du Gaec Las Arradits de Bournos, dépose des tommes de brebis bio. Six tommes par grille multipliées par six grilles, Joanes maîtrise ses tables de multiplication. Pour Guillaume ce sera son dernier dépôt de l’année. Il en profite pour récupérer une vingtaine de fromages affinés, afin de les vendre à la ferme dans les semaines à venir. Il les choisit avec l’aide de Joanes en fonction de leur stade d’affinage et de ses clients. Guillaume commercialise lui-même la totalité de sa production.

14 h

© A. Dazet
L’après-midi, Joanes se consacre à l’affinage. Il applique un protocole sanitaire strict consistant à se désinfecter les mains, enfiler un tablier imperméable, rincer une bassine, rincer son tablier, mettre une poignée de gros sel et de l’eau tiède dans une bassine, y tremper un chiffon et le rincer. Puis il passe dans la première cave d’affinage.

1 4h 15

Grosso modo, chaque fromage est brossé deux fois par semaine. Sur chaque pile de fromages sont indiqués le nom du producteur et les dates auxquelles des fromages ont été déposés. Selon l’objectif final d’affinage, les fromages sont plus (pour une croûte orange dite « béarnaise ») ou moins (pour une croûte sèche dite « basque ») mouillés. À chaque pile, Joanes répète le protocole sanitaire et change de bassine, de chiffon et de tablier, afin de ne pas contaminer les fromages d’un éleveur avec les germes d’un autre. Il n’a pas de machine à brosser, car il faudrait la désinfecter entre chaque pile, ce serait encore plus contraignant. En prenant les fromages en main, il voit les verrues, les fontaines, les poils de chat, les taches noires, les gonflements se développer, il change une pile de cave pour freiner le développement de taches noires, appelle un producteur pour lui demander à quel stade il sale ses fromages et lui conseiller de saler quelques heures plus tôt. Cette mission sanitaire est pour lui un défi permanent qui le motive beaucoup.

16 h

© A. Dazet
Joanes choisit une trentaine de fromages, dans les piles des éleveurs qui lui ont vendu leurs productions. Il les étiquette (numéro de lot, DLC), les pèse et les emballe. Il prépare la palette du transporteur qui arrive dans une heure, direction Rungis. 80 % des fromages achetés par le saloir sont revendus après affinage à des clients en dehors du sud-ouest, où la concurrence est rude pour les tommes de brebis. Une partie de son travail consiste à gérer le stock, à chercher des réseaux de vente différents en fonction de la qualité des fromages. Il garde les meilleurs, tous producteurs confondus pour ses clients les plus exigeants. À la fin de l’été, il retient ou lâche du stock, tributaire de la campagne laitière des éleveurs. Avant de partir, Joanes lave les sols, ses bassines, ses chiffons, son tablier et les met à tremper dans du désinfectant. Il baissera le rideau à 19 heures.

CV

Joanes Lerdou, affineur de fromages dans les Pyrénées-Atlantiques :

  • 1996 : BTS productions animales à Montardon
  • 1998 : BTS industrie laitière à Surgères
  • 2000 : fromager à la fromagerie d’Aramits
  • 2001 : technicien fromager à l’AOP Ossau-Iraty
  • 2020 : affineur, dirigeant du saloir Balaka

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