« Je me suis organisé pour travailler seul »
Jean-Paul Gayrard conduit un système ovin viande, avec trois agnelages en deux ans, qui concilie rythme de production soutenu et simplification du travail.
Jean-Paul Gayrard conduit un système ovin viande, avec trois agnelages en deux ans, qui concilie rythme de production soutenu et simplification du travail.
Barrières et portails en bois peints, sols parfaitement stabilisés… Le soin apporté à l’aménagement des abords de ferme ne manque pas d’impressionner. Jean-Paul Gayrard est éleveur à Cassagnes-Bégonhès, dans l’Aveyron. Sélectionneur dans le schéma Lacaune viande du GID (Gènes Innovation Diffusion), avec un cheptel de 480 brebis, il conduit son exploitation avec rigueur et simplicité. « Je me suis organisé pour travailler seul tout en essayant de bien travailler », dit-il. Le cheptel est conduit en trois agnelages en deux ans – avril, août et décembre – avec des lots réguliers de 240 à 260 brebis. La lutte est réglée comme une horloge. « Je travaille à 100 % en insémination artificielle avec un seul retour. En 30 jours, tout est fini. La maîtrise du système de trois agnelages en deux ans nécessite de tenir un calendrier très précis. Tous les ans, je fais les inséminations artificielles à la même date à un jour près. » Les résultats sont à la hauteur : 65 à 70 % de réussite à l’IA et 90 % avec un retour. C’est ce qui permet d’avoir le même nombre de brebis à la lutte. Les brebis sont échographiées 50 jours après l’IA.
« Je ne cours pas derrière la prolificité »
L’éleveur n’utilise que des béliers porteurs du gène culard, y compris ceux qui assurent le retour. Issu du Texel belge, le gène culard a été introduit par croisement et absorption il y a une dizaine d’années, grâce à la génomique, pour améliorer les qualités bouchères. Au départ, le schéma Lacaune viande du GID était orienté prioritairement sur des critères de carcasse (conformation, rendement, état d’engraissement) et n’avait pas mis l’accent sur la prolificité. Un travail est désormais engagé dans ce sens. « Je ne cours pas derrière la prolificité, affirme Jean-Paul Gayrard. Il y en a toujours assez. Je suis à 1,7, ça me convient très bien. Cela permet à la brebis de tenir un rythme soutenu. »
Avec une productivité numérique de 1,8, l’éleveur sort entre 850 et 900 agneaux par an. Il conserve les agnelles de renouvellement (90 à 100) uniquement sur la mise bas d’avril, pour des raisons pratiques. Elles mettent bas en août de l’année suivante. Les autres sont vendues pour l’élevage par l’intermédiaire du GID Lacaune à 30 kilos et à un prix moyen de 135 euros. Les mâles sont commercialisés à 37 kilos sous le label rouge Lou Paillol géré par l’organisation de producteurs Sica 2G. En 2017, ils ont été payés 120 euros en moyenne. « Le groupement me permet de valoriser mes agneaux au mieux et, pour preuve de la qualité du travail qu’il effectue, une troisième médaille lui a été décernée cette année au Salon de l’agriculture », apprécie l’éleveur. Les premiers agneaux partent à 70 jours. « Passé ce délai, le sevrage intervient par espacement des tétées sur une quinzaine de jours, détaille-t-il. Cela permet de sevrer les agneaux en douceur et d’éliminer les problèmes de tarissement sur les brebis. Je fais le flushing par le tarissement. Ça coûte moins cher que le concentré. » L’insémination a lieu environ deux semaines après le tarissement.
Ensilage et foin en libre-service
Cette conduite soutenue nécessite « des brebis en bon état ». Dans son système fourrager, Jean-Paul Gayrard privilégie les espèces qui amènent de l’énergie (ray-grass hybride) plutôt que celles qui font produire du lait (luzerne) mais aussi « maigrir les brebis », quitte à donner « un peu plus de concentré aux agneaux ». Du 15 octobre à début mai, les brebis sont alimentées avec de l’ensilage de ray-grass en libre-service et du foin ou de la paille mis à disposition dans des râteliers. La complémentation se limite à 50 kilos d’aliment par brebis et par an, y compris celui des agnelles. L’aliment sert surtout « d’appât » quand il faut amener les brebis au cornadis. Et, c’est un aliment basique, à 13 % de MAT (190 €/tonne en échange avec la céréale produite par l’éleveur et par quantités importantes). Il sert de support pour la supplémentation minérale et oligo-vitaminique. Les agnelles sont élevées avec du foin en râtelier et avec 500 à 600 grammes de concentré par jour, du sevrage jusqu’à l’insémination. Elles rejoignent ensuite le troupeau adulte. Quand elles sont à la pâture (prairies naturelles puis deuxièmes coupes), les brebis ont toujours un râtelier de foin à disposition et, en été, elles sont complémentées avec de l’enrubannage. Les agneaux de bergerie sont nourris avec un aliment à 17 % de MAT en libre-service (65 kg/agneau). « Le travail sur l’efficacité alimentaire effectué dans le schéma génétique commence à porter ses fruits », affirme l’éleveur.
À 61 ans et sans repreneur, Jean-Paul Gayrard espère continuer encore quelque temps. « L’élevage ovin a traversé des périodes difficiles mais, depuis quelques années, la conjoncture est plus favorable. Et, je suis passionné par mon métier. » Il envisage d’autant moins arrêter qu’il apprécie les relations avec son organisme de sélection (GID) et son groupement (Sica 2G). « Ce sont deux équipes formidables. J’ai plaisir à travailler avec eux. J’ai un très bon appui technique. Si je devais arrêter, cet esprit d’équipe me manquerait. »