« Nous devons nous réapproprier la mort de nos animaux »
Manon Fleuroux élève un troupeau de 60 brebis à Montréal dans l’Aude et est engagée dans la création d’un abattoir mobile. Suivie pendant plusieurs années par la réalisatrice Sandra Ducasse, elle est au cœur du documentaire de 52 minutes « La réponse d’une bergère » diffusé sur France TV.
Avant de devenir bergère dans la campagne audoise du côté de Carcassonne, Manon Fleuroux était végétarienne, anti-chasse et vivait en ville dans le nord de la France. « J’étais citadine, plutôt chiante, je ne connaissais rien à l’élevage mais je le jugeais beaucoup, et j’étais pro loup avec des arguments creux », rembobine celle qui travaillait notamment dans la restauration de luxe du côté de Courchevel jusqu’à ce qu’elle rencontre le père de sa fille, issu du milieu agricole.
La volonté d’abattre soi-même à la ferme
« Le seul truc que nous ne maîtrisons pas dans l’élevage, c’est la mort de nos animaux. C’est une trahison de les amener à l’abattoir, nous devons nous réapproprier la mort de nos animaux », témoigne l’éleveuse engagée contre la souffrance animale.
Investie avec d’autres éleveurs du département dans la création d’un abattoir mobile, Manon œuvre pour accompagner ses animaux jusqu’à leur dernier souffle à la ferme en utilisant des caissons d’abattage. « Nous voulons pouvoir tuer les animaux chez nous et que cela soit légal. » C’est dans cet objectif qu’elle a récemment passé son permis poids lourd et superlourd ainsi qu’une formation opérateur d’abattoir et responsable de protection des animaux dans les abattoirs. « L’avantage lorsque nous tuons nos animaux nous-mêmes, c’est que si nous en avons marre, si nous avons un coup de stress, de fatigue, nous pouvons arrêter. Les opérateurs d’abattoir eux n’ont pas ce luxe-là. »Un projet d’abattage mobile encadré
Après plusieurs essais, les éleveurs ont trouvé deux solutions. « Soit d’avoir des placettes dans les villages avec une ligne d’abattage stationnée. Il y faut un préfabriqué, un vestiaire, des toilettes, une chambre froide, une bouverie et un quai pour stationner avec le camion. Le problème est de trouver des communes qui acceptent d’accueillir et de financer l’arrivée d’une placette », décrit Manon.L’éleveuse de 35 ans reprend : « L’autre solution serait que les animaux soient saignés dans le caisson de neuf places, en présence d’un vétérinaire pour l’inspection ante mortem puis transportés jusqu’à l’abattoir de Quillan, le seul de notre département. Pour le moment, nous devons faire valider la contention par la direction départementale de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DDETSPP). »
Sandra Ducasse, réalisatrice de « La réponse de la bergère »
« Montrer la mort à la télé me tenait à cœur »
« Mon compagnon caméraman Francisco Taranto Junior et moi-même nous nous sommes beaucoup interrogés sur l’alimentation, l’élevage et le bien-être animal. Comment peut-on élever et tuer des animaux que l’on aime ? À cette question, Manon apporte une réponse nourrie de ses réflexions sur notre rapport à la nature, aux animaux, à la consommation, à la vie et à la mort.La mort ne doit pas être tabou
Je trouvais que faire le portrait de Manon était beaucoup plus intéressant que celui qui a toujours mangé de la viande sans s’interroger. Je suis petite fille de paysans, je n’y connaissais rien et cela me contrariait. Je souhaitais faire un film sur la mort des animaux, j’avais à cœur de la montrer et que ce ne soit pas tabou. Pour moi, le film allait être réussi que si nous parvenions à montrer la mort d’un bélier ou d’un agneau, je suis contente que France 3 ait accepté. »
Idées lectures
Manières d’être vivant de Baptiste Morizot
L’animal et la mort de Charles Stépanoff
Être bête : L’esprit des étables/Vivre avec les animaux de Jocelyne Porcher
En chiffres
35 ans
installation en 2018
60 tarasconnaises et croisées
46 ha en fermage et commodat de prêt
3 chiens de protection
3 chiens de troupeau
CV
BPREA Permis poids lourd et superlourd
Formation opérateur d’abattoir et responsable de protection des animaux dans les abattoirs
Technicienne chiens de protection à mi-temps à La Pastorale pyrénéenne